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Évolutions et élargissement des normes pour les biocombustibles solides

Article paru dans le Bioénergie International n°64 de décembre 2019

Réunion du comité technique ISO 238 à Séoul, photo Matthieu Campargue

Réunion du comité technique ISO 238 à Séoul, photo Matthieu Campargue

Les normes internationales des biocombustibles solides (granulés, briquettes, plaquettes…), ISO 17 225-1 à 8, ont été publiées en 2014. Selon les règles de l’International Organisation for Standardization (ISO), toutes les normes doivent être révisées tous les cinq ans pour faire évoluer si besoin les spécifications. Matthieu Campargue, responsable de la société de conseil, d’étude et de recherche RAGT Énergie, a été missionné par l’AFNOR et la filière bois-énergie française pour aller défendre la position française sur la validation de la norme ISO 17 225-9 dédiée aux plaquettes de bois à usage industriel et la révision de toutes les autres normes. Cet article vous propose donc une immersion au sein de cette commission d’experts, qui s’est déroulée du 20 au 25 mai 2019 à Séoul, en Corée du Sud.

Du 20 au 25 mai 2019 à Séoul, photo Matthieu Campargue

Un constat : la diversification des bois déchiquetés

Le marché du chauffage à bois déchiqueté a connu une croissance très importante ces dernières années, particulièrement dans les secteurs du collectif et de l’industrie. Selon l’association Bioenergy Europe, le marché de la plaquette de bois à usage industriel représente 30 % de la consommation de biomasse solide en Europe, soit environ 29 Mtep. En France, selon le CIBE, la consommation est passée de 2 Mt en 2000, à 6 Mt en 2010 pour atteindre 12 Mt en 2018.

Cette évolution de marché a pu se faire par une professionnalisation de la filière et une diversification de l’offre avec un usage de nouvelles ressources bois. Malgré une prépondérance de plaquette forestière sur le marché, des plaquettes et broyats de bois alternatifs ont aidé à un développement économique et compétitif du marché. En effet, depuis de nombreuses années, les broyats de bois d’emballages usagés sont utilisés en chaudières. En France, cet usage est autorisé par l’application de la Sortie de Statut de Déchet du produit, une procédure de certification mise en place par la filière en 2014. Plus récemment, de nombreux travaux ont montré l’intérêt des déchets d’élagage, qui sont très bien répartis géographiquement et qui, via une séparation très technique, permettent d’obtenir un combustible qualitatif et compétitif pour un usage en chaufferie.

Criblage de la fraction ligneuse des déchets verts, photo RAGT Energie

Cependant, pour que ces filières innovantes puissent émerger, il faut structurer ces productions de plaquettes alternatives via de bonnes technologies, de bonnes pratiques mais également via un cadre normatif qui pourra être déployé ensuite vers une certification.

Or, la norme en vigueur traitant des plaquettes de bois, est une norme dédiée à un usage plutôt domestique (< 500 kW) qui a été définie en 2009 par le CEN et simplement transposée à l’ISO en 2014. Cette norme restait donc incomplète pour l’approvisionnement des chaufferies de plus grandes tailles, et notamment sur les spécifications concernant les éventuels polluants du bois.

Vers une norme pour le bois déchiqueté industriel

Depuis 2013, RAGT Énergie a mené plusieurs programmes de recherche mais également des projets industriels pour l’extraction et la valorisation de la fraction ligneuse des déchets verts. Suite à des échanges au sein du groupe de travail dédié de la commission « Approvisionnement » du CIBE en 2016, il est apparu important d’intégrer cette fraction ligneuse dans la norme ISO 17 225-4, dédiée au bois déchiqueté. Cette demande a fait l’objet d’un travail de la filière pour mettre en évidence l’intérêt technique de cette ressource. Parallèlement, le groupe de travail a souhaité demander une ouverture de cette norme au marché industriel et une révision de la classification de la granulométrie. Une étude cofinancée par l’ADEME et les membres du groupe de travail a permis de collecter des apports techniques (schéma de production – qualité des combustibles obtenus – répétabilité / reproductibilité) et présenter un projet de classification lors de la commission ISO de Dublin en mai 2017. Cette demande a été refusée cependant il a été demandé, non pas de réviser la norme ISO 17225-4, mais de créer une norme pour le marché industriel des plaquettes et broyats de bois, incluant cette fraction ligneuse mais également toutes les plaquettes de bois classiques. La France s’est alors retrouvée chef de projet sur cette création de norme.

Plateforme de traitement de déchets verts, photo RAGT Energie

Une nouvelle étude réalisée en 2018 a permis de définir les qualités des différentes plaquettes et broyats de bois utilisées dans l’industrie, et en mai 2018, la France a présenté un projet de norme ISO 17 225-9 à la commission ISO à Espoo en Finlande. Ce projet a été débattu entre toutes les nations de l’ISO pour arriver à un pré-projet incluant toutes ces plaquettes de bois (classiques et alternatives). Il a été décidé qu’étant donné l’avancement de cette filière, le projet serait classé en Technical Spécification et non en norme ISO.

De nombreuses réunions techniques ont permis de faire évoluer le projet avec notamment des échanges animés sur l’évolution de la granulométrie et des spécifications techniques. En effet, cette norme intègre des paramètres qui n’étaient jusqu’alors pas mesurés.

En mai 2019, RAGT, qui représentait la France lors de la commission ISO de Séoul, a finalisé ces échanges techniques sur la norme ISO 17 225-9. Toutes les spécifications ont été validées par l’ensemble des nations et il a été approuvé, suite à trois ans d’échanges, que ce projet devait devenir une norme dédiée.

Broyat de souches, photo Frédéric Douard

Cette norme intègre :

  • Titre : « Solid biofuels—Fuel specification and classes — Part 9: Graded hog fuel and wood chips for industrial use ». Comme souhaité, cette norme intègre à la fois les plaquettes de bois et les broyats de bois pour un usage sur des installations industrielles.
  • Classes de qualité : cette nouvelle norme intègre quatre classes de qualité dont :
    • Trois classes directement séparées par les origines et sources de matériaux et des spécifications adaptées,
    • Une classe de mélange et donc de mix produit, comme fréquemment utilisé dans les chaufferies françaises.
  • Origines et sources : dans cette nouvelle norme, il est maintenant autorisé :
    • Pour toutes les classes :
      • Toutes les fractions de bois vierge sont autorisées y compris les écorces, les rémanents et la fraction ligneuse des déchets verts.
      • Les sous-produits non traités chimiquement de l’industrie du bois
    • Pour la classe I3 : en complément, il est également autorisé, dans la mesure où ces matières ne contiennent pas plus de métaux lourds ou de composés halogénés que le bois vierge :
      • les sous-produits de l’industrie du bois y compris ceux traités chimiquement,
      • les bois usagés non traités chimiquement.
    • Pour la classe I4 : en complément, il est également autorisé, dans la mesure où ces matières ne contiennent pas plus de métaux lourds ou de composés halogénés que le bois vierge :
      • Les bois usagés traités chimiquement.
  • Spécifications produits : toutes les spécifications-produits de chaque classe, ont été largement discutées au sein de chaque nation de l’ISO et font l’objet d’un consensus international reflétant les marchés et réglementations des pays. Ainsi, la teneur en cendre, le pouvoir calorifique, l’humidité, les taux d’azote, de soufre, de chlore et de métaux lourds ont été étudiés.
  • Statut de la norme : cette norme va tout d’abord être publiée en Technical Specification et sera directement introduite dans le processus d’une norme classique dès sa publication.

Révision de toutes les normes de biocombustibles solides

Parallèlement, en 2019, cinq ans après la publication des normes ISO, la révision systématique des normes a été lancée. Les normes ISO 17 225-1 à 7 ont été révisées dans chaque pays et la réunion de Séoul a permis de dépouiller et discuter chaque commentaire pour faire évoluer la norme. Les discussions ont été fort animées du fait des intérêts parfois très différents des pays selon leur marché mais également selon les certifications utilisées.

Plaquettes d’élagage, photo Frédéric Douard

Les principaux échanges ont été axés sur :

  • L’évolution de la norme ISO 17 225-1 : l’établissement d’un nouveau mode de classification de la granulométrie, adapté à ces nouvelles plaquettes de bois à usage industriel. La France s’est ainsi appuyée sur plus de 2800 échantillons mesurés pour proposer un système qui permette de classer les produits avec une meilleure intégration de la fraction grossière (>100 mm). En effet, selon la norme actuelle, les matières étaient principalement classées avec la fraction principale et entraînaient des confusions sur des classes, notamment P100. Ce nouveau système permet ainsi de préserver le système actuel (P16, P31, P45 et P63) mais en emplacement des classes P100 et P200, il a été rajouté quatre classes grossières qui se différencient par leur teneur massique en particules supérieures à 100 mm.

    Granulés de bois, photo Frédéric Douard

  • L’évolution de la norme ISO 17 225-2 : la norme granulé bois a été énormément discutée avec de nombreuses attentes, notamment de l’Allemagne en vue d’une évolution des certifications EN+, voire DIN+. Leurs demandes concernaient :
    • L’ajout dans les spécifications normatives de la température de fusion des cendres. Étant donné que la méthode de mesure (ISO 21 404) est maintenant validée, la norme va donc intégrer la température de déformation des cendres (DT),
    • L’ajout ou la modification de nombreux paramètres :
      • Durabilité : il est souhaité depuis longtemps d’augmenter le seuil de 97,5 % à 98 % voire plus (98,5 %). Malgré le parallèle proposé avec l’EN+ mais sans données argumentées de la part des Allemands, cette demande a été refusée.
      • Mesure de la densité particulaire des granulés : ce projet, très à cœur de l’Allemagne, a également été refusé faute d’arguments scientifiques. Il y a donc création d’un critère informatif mais sans valeur imposée. La France doit se préparer à se positionner sur ce paramètre.
      • Masse volumique apparente : Les Allemands voulaient fixer un seuil à 700 kg/m³, la France voulait 750 kg/m³. Suite à débats, nous avons réussi à obtenir 730 kg/m³ comme seuil supérieur.
      • Soufre et chlore : Depuis plusieurs années, la France souhaiterait réévaluer les seuils afin d’incorporer plus facilement la ressource feuillue dans les granulés bois. Le Canada rencontre des problèmes similaires, car il n’arrive pas à utiliser toute une partie de la ressource bois sur la côte Ouest à cause d’un taux de chlore trop élevé, lié à la proximité de l’océan. Un bilan des problématiques rencontrées et des taux de S/Cl observés à la fois sur les feuillus et à la fois sur les bois exposés au front marin doit être réalisé au sein de l’ISO.
      • Fraction 3,15-5,6 mm ou la fraction des miettes de granulés : Sur ce dossier, Allemands et Autrichiens voulaient absolument fixer un seuil sur cette fraction qui causerait des problèmes de convoyage et de combustion. Sans argumentaire technique, le projet a été refusé. Cependant, une ligne dédiée à cette fraction sera présente sur la norme révisée qui va être appelée « Fractionned pellets », avec un statut informatif mais aucune valeur ne sera exigée.
  • Briquettes octogonales, photo Manubois

    L’évolution de la norme ISO 17 225-3, dédiée aux briquettes de bois. La France avait demandé une évolution de cette norme, car elle n’était pas utilisée car très peu compatible avec son marché. Ainsi les demandes concernant l’élargissement des ressources entrantes dans les briquettes et l’adaptation des seuils sur les paramètres thermochimiques, ont été acceptées.

  • L’évolution de la norme ISO 17 225-4, dédiée aux plaquettes de bois, est principalement éditoriale avec un meilleur encadrement des humidités sur le combustible et un tableau qui spécifie les ordres de puissances sur ce marché.

Un engagement qui porte ses fruits

Globalement, les messages portés par la France, à travers la voix de Matthieu Campargue, directeur de RAGT Energie, ont abouti en de précieux résultats :

  • la publication de la norme dédiée aux plaquettes et broyats de bois à usage industriel ISO TS 17 225-9,
  • la publication d’une nouvelle classification de la granulométrie, plus adaptée au marché industriel et collectif, qui va améliorer la qualité produit et donner un vrai langage commun aux producteurs, chaudiéristes et exploitants,
  • le maintien d’une norme granulés bois adaptée au marché mais avec l’arrivée de nouveaux paramètres qu’il faudra étudier,
  • une nouvelle version de la norme briquette plus abordable pour le marché et qui permettra de structurer ce marché.

Ce travail de longue haleine n’aurait pas pu se réaliser sans la collaboration efficace de Clarisse Fischer, Marion Mezzina, Matthieu Petit, Hugues De Chérisey, Gilles Negrié et tous les membres de la commission Appro du CIBE mais également grâce au soutien financier de l’ADEME, du CIBE, d’ECOBOIS, du SNPGB et de toutes les entreprises du groupe de travail Appro.

Séance de travail à la réunion de Séoul, photo Matthieu Campargue

Matthieu Campargue

La norme ISO TS 17 225-9 et toutes les normes révisées ISO 17 225-1 à 7, devraient sortir sur le courant de l’année 2020. Un travail important a été mené pour structurer cette norme, il va maintenant falloir que la filière se l’approprie afin de mettre en avant l’amélioration continue de la qualité des produits et donc la maturité de la filière bois énergie qui a de réels atouts pour une transition énergétique propre et non intermittente.

Pour en savoir plus sur ces travaux : 
www.iso.org

Contact : Matthieu Campargue, RAGT Énergie et membre du comité technique ISO 238 pour les biocombustibles solides – mcampargue@ragt.fr – www.ragt-energie.fr