Deux bateaux de pêche se convertissent à l’huile végétale
Le « Lapurdi » et le « Nahikari » naviguent désormais avec de l’huile végétale comme carburant. L’expérimentation de cette énergie durera 2 ans.
Le « Lapurdi » et le « Nahikari » ont fait vendredi le plein devant une toute nouvelle pompe, installée le matin même sur le quai, à proximité de la criée de Ciboure. Dans cette cuve de 7 600 litres, un carburant particulier : l’huile végétale pure (HVP). Elle venait d’être approvisionnée par la vingtaine d’agriculteurs locaux qui ont réservé en tout 76 hectares à la culture du tournesol.
Ce rapprochement entre le monde de l’agriculture et celui de la pêche est une étape majeure du projet judicieusement intitulé « Itsasoa » (Itinéraire technique de substitution agricole pour la sauvegarde de l’océan par l’artisanat).
L’expérimentation est placée sous l’égide du ministère de l’Agriculture et de la Pêche, qui participe à son financement, et bénéficie également de fonds européens. L’enveloppe totale est de 570 000 euros. Localement, elle réunit l’association de pêcheurs Irsas Gazteria, la coopérative agricole Nouste Ekilili, la coopérative La Basquaise, la Scop atelier Lan Berri et le comité local des pêches.
Des prototypes
Les deux bateaux retenus pour naviguer au biocarburant sont très représentatifs de la pêche artisanale traditionnelle locale. Le « Lapurdi », bolincheur de 11,50 m, est armé par Pascal Gonzalez. Le « Nahikari », d’Anne-Marie Vergez est un ligneur de 8 mètres. Leurs bâtiments ont été adaptés à l’utilisation de l’HVP. Les moteurs ont été remis à neuf afin d’optimiser les études et les mesures. Le circuit d’alimentation initialement prévu pour le diesel a été doublé pour être compatible avec le nouveau carburant. Une centrale automatique relevant les niveaux et les débits a été installée.
« Nous sommes très vigilants sur les mesures de sécurité, car l’ensemble des installations constitue un prototype. Une panne de carburant en mer, par gros temps, et c’est la vie des hommes qui est en jeu », souligne Frédéric Perrin, l’ingénieur qui s’est investi dans ce projet depuis trois ans. On lui doit la conception du caisson fabriqué en Allemagne, à double paroi, qui abrite la pompe : « une première en Europe », ajoute–t-il non sans une légitime fierté. Le système de filtration mis au point pour l’huile de tournesol est également un prototype.
Tout bénéfice
La démarche se veut « gagnant/gagnant ». Pour les armateurs, elle constitue un geste écologique, l’HVP ne dégageant aucun polluant. Pour les agriculteurs, la culture du tournesol présente un double avantage. La récolte produit 30 % de biocarburant. Les 70 % restant sont transformés en « tourteaux » destinés à l’alimentation animale, jusqu’alors importés des États-Unis ou du Brésil. L’intérêt économique rejoint ainsi le bénéfice écologique.
L’expérimentation durera deux ans, et ses conclusions amèneront peut-être d’autres bateaux à opter pour cette énergie renouvelable. Le syndicat mixte de collecte des ordures ménagères, Bizi Garbia, s’y est déjà converti depuis plusieurs mois pour son parc de camions. L’HVP a aussi séduit des collectivités territoriales, notamment en Lot-et-Garonne, siège de l’Institut français dirigé par Alain Juste. Comme tous les partenaires de cette innovation, il était présent samedi sur le port de Saint-Jean-de-Luz. En attendant l’inauguration officielle des installations, prévue fin septembre, en présence de représentants du ministère de la Pêche, ou du ministre lui-même.
Pauline Pierri, 17 août 2010, www.sudouest.fr