Nicolas Hulot tente d’encadrer l’utilisation d’huile de palme de la raffinerie Total de la Mède
Le communiqué du ministère déclarait : « La reconversion de la raffinerie TOTAL de la Mède, dans les Bouches-du-Rhône, afin d’y créer une bio-raffinerie, a été autorisée le 16 mai 2018 par le préfet de la région PACA, préfet des Bouches-du-Rhône, en encadrant l’usage des matières premières, notamment d’huile de palme, qui seront utilisées pour produire des biocarburants.
Ce projet de bio-raffinerie permettra de produire du biodiesel de type HVO (hydrotraitement des huiles végétales) qui est une alternative aux carburants traditionnels d’origine fossile permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’avancer vers la sortie des énergies fossiles. En outre, le HVO permet un usage plus souple et plus facile que les autres biocarburants de technologie moins avancée, dans des domaines comme l’aviation où les alternatives aux fossiles n’existent pas encore. Ces biocarburants peuvent être obtenus à partir d’huiles végétales, d’huiles alimentaires usagées ou encore d’huiles issues de déchets de l’industrie, et ouvrent donc la voie au développement d’une économie circulaire.
Ce projet a été décidé en 2015 pour permettre la reconversion d’un site conventionnel de raffinerie et le maintien de 250 emplois sur la plateforme de la Mède, en réduisant l’utilisation de produits pétroliers et les nuisances induites par la plateforme. La modernisation de l’usine de la Mède conduira en effet à une baisse des émissions de gaz à effet de serre (-75% pour le CO2), de gaz polluants (-93% de dioxyde de soufre ; -98% de poussières) et de produits odorants (-45% de composés organiques volatils) par rapport au fonctionnement de la raffinerie historique. Les riverains de la plateforme connaîtront également une réduction significative des risques d’accidents industriels en raison de la mise à l’arrêt d’unités utilisant des produits toxiques et de la réduction du nombre de bacs de produits pétroliers, remplacés par des panneaux solaires.
Toutefois, dans le cadre de sa stratégie de lutte contre la déforestation importée, prévue par le Plan Climat, le ministère de la Transition écologique et solidaire a souhaité intégrer, dans l’arrêté encadrant le projet, l’impact du biodiesel sur l’environnement et les forêts de manière globale, afin de prendre en compte l’ensemble du processus de fabrication, notamment les sources d’approvisionnement en huiles, dont la durabilité est un enjeu fondamental.
Le projet de la Mède doit donner la priorité au recyclage des huiles usagées, et dans ce cadre l’Etat a fixé, à TOTAL, comme objectif d’utiliser au moins 25 % de matières premières issues du recyclage des huiles (huiles alimentaires usagées, graisses animales, distillats d’acide gras) avant d’autoriser la mise en service de la bioraffinerie.
La Mède participera à la structuration de ces filières encore trop peu utilisées en France et en Europe, alors qu’elles participent à une démarche d’économie circulaire. C’est à terme une filière qui pourra se substituer progressivement à d’autres sources d’approvisionnement.
Toutefois, une part importante de l’approvisionnement de la bio-raffinerie proviendra dans un premier temps d’huiles végétales brutes (palme, colza, soja …). C’est pourquoi le ministre, Nicolas Hulot, a veillé à ce que l’arrêté d’autorisation prévoit bien l’obligation d’utiliser des huiles répondant aux critères de durabilité fixés par la Commission européenne, afin de s’assurer que la production des biocarburants ne se fera pas au détriment de la biodiversité et de la protection de l’environnement.
Au-delà de cette obligation, le gouvernement fixe à TOTAL l’objectif de réduire autant que possible l’approvisionnement en huiles végétales brutes, et notamment en huile de palme, afin de consommer des quantités inférieures aux 450 000 tonnes que l’usine est autorisée à utiliser. Des discussions sont menées avec TOTAL dans ce sens, visant également à renforcer régulièrement les critères de durabilité des filières d’approvisionnement, et de répondre ainsi à l’objectif souscrit par la France de mettre fin à la déforestation d’ici à 2030 à l’échelle de la planète. »
Et Nicolas Hulot d’ajouter : « le Plan climat prévoit la publication d’une stratégie française contre la déforestation importée qui est en cours d’élaboration. Je me devais donc de faire en sorte que l’usine de la Mède, projet soutenu par le gouvernement précédent, soit en cohérence avec notre future stratégie ; c’est ce que j’ai obtenu, en dialoguant avec TOTAL, qui a accepté de réduire significativement les quantités d’huile de palme utilisées et de prendre des engagements très précis sur la certification de leur origine et de leur mode de production ».
A tout ceci je réponds : malgré vos efforts Monsieur le Ministre d’Etat, et même si aujourd’hui Total prend l’engagement de limiter son approvisionnement en huile de palme brute à un volume inférieur à 50 %, ce qui reste énorme (300 000 tonnes par an), on peut légitimement émettre des doutes sérieux sur la sincérité du pétrolier, sur les tentations auxquelles il sera soumis et sur les efforts qu’il voudra bien mettre en oeuvre durant les 25 prochaines années dans son usine, et serez-vous toujours là pour veiller au grain ? Mieux vaudrait renoncer totalement à l’huile de palme dans les biocarburants français, car outre les effets pervers qu’elle va continuer à engendrer sur les forêts d’Asie du sud-est, mais aussi certainement à terme d’Afrique, son arrivée massive sur le marché français va contribuer, puisque les volumes de marché n’augmenteront pas, à déstabiliser la filière déjà existante du biodiesel à base de graines locales, colza et tournesol, une filière qui contribue par ailleurs à limiter des importations de tourteaux de soja du bassin amazonien (un autre sujet épineux), ce qui va ajouter encore aux difficultés des agriculteurs français. Cet approvisionnement en huile de palme n’apporte aucun avantage ni à l’environnement ni à la collectivité française, c’est une erreur écologique et sociale !
Frédéric Douard