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Le bois comme source d’énergie, une histoire sans fin

Un article d’Andreas Keel, directeur d’Energie Bois Suisse, paru en décembre 2016 dans le bulletin n°62 de l’association

Aucun agent énergétique n’a accompagné et influencé le cours de l’histoire de l’humanité aussi durablement que l’énergie du bois. Et aucun agent énergétique n‘a réussi à s’adapter aussi vite aux conditions et besoins changeants que la chaleur issue de la forêt.

L’énergie bois fut bien avant l’agriculture un facteur majeur d’émancipation pour l’espèce humaine, photo Frédéric Douard

Homo erectus bilzingslebensis

Il y a près de 300 000 ans, homo erectus bilzingslebensis a inventé l’énergie du bois, dans la région de la Thuringue actuelle (Allemagne de l’Est). C‘était le premier Homme qui maîtrisait activement le feu et savait rôtir un morceau de viande sur le feu, faire cuire une pâte simple faite de graines moulues pour en faire une galette de pain et chauffer son abri rustique grâce au feu. Des vestiges plus anciens prouvent que ses ancêtres avaient déjà commencé à utiliser le feu il y a environ 1,8 million d‘années. Mais ces premiers Hommes dépendaient de ce que la nature fasse tomber le feu entre leurs mains. L‘invention du premier briquet date d’il y a 32000 ans. Près de 20 000 ans plus tard, on a réussi à transporter des braises de bois dans des bols en argile fraîche : c’était assurément l’heure de naissance de la chaleur à distance ou des centrales de chauffage mobiles ! Désormais, le travail pénible de frotter l’amadouvier à chaque nouveau campement devenait superflu.

Comme effet secondaire de ce transport, on a constaté que les braises faisaient durcir les bols en argile, donnant l‘impulsion de départ au développement de la poterie et de la construction de fours. Plus tard, sous l‘Empire romain, les métiers d‘artisan sanitaire et d‘installateur de chauffages ont connu un essor sans précédent. Les hypocaustes développés à l‘époque sont restés populaires jusqu‘à nos jours.

Les particules fines au Moyen-Âge

En termes de technique de chauffage, le Moyen-Âge était pour l‘essentiel marqué par les foyers ouverts et les cuisinières à bois. La première cheminée ouverte documentée date de l’an 820 et se trouvait au Monastère de Saint-Gall. On discutait déjà vivement des particules fines à l’époque, mais ce problème n‘a pu être résolu que lors du développement de poêles emmurés à chargement arrière. Comme on chargeait ces nouvelles installations en-dehors de la pièce à réchauffer, les locaux où l‘on séjournait n‘étaient plus touchés par la fumée. Simultanément, les cheminées venues d‘Italie sont arrivées en force. Le plus ancien code de lois, le Miroir des Saxons, est assurément l‘inventeur des prescriptions de protection incendie : « que tout un chacun protège et garde son poêle et son mur pare-feu pour empêcher que les étincelles n‘atteignent la maison du voisin et lui causent dommage« . La mission des ramoneurs consistait donc non seulement à nettoyer les cheminées, mais aussi à ordonner des mesures générales de sécurité incendie. C‘est pourquoi l‘entretien des cheminées leur était conférée sous forme de privilège. Les ramoneurs étaient donc au service du roi et occupaient une position particulière parmi les ouvriers. Comme signe extérieur de ce privilège, l‘empereur Frédéric le Grand leur accorda le droit de porter un haut-de-forme noir en soie.

Evolution de la valeur limite des émissions de poussières fines en Suisse depuis 1980. Source sfih-holzfeureungen.ch. Cliquer sur le diagramme pour l’agrandir.

En 1859, Edwin L. Drake a été le premier qui, lors d‘un forage réussi, a découvert un puits de pétrole commercialisable; peu après, l‘or noir a conquis le monde entier. L‘énergie du bois est ensuite passée au second plan. Mais elle a toujours été au rendez-vous en période de crise, comme durant les deux guerres mondiales, alors que l‘importation des autres agents énergétiques fléchissait. L‘étape suivante fut l‘invention des plaquettes de bois et des chauffages automatiques aux plaquettes durant les années soixante du siècle dernier.

L‘énergie-bois cleantech depuis 1983 en Suisse

En Suisse l’entrée en vigueur de la première loi sur la protection de l‘environnement et de l‘ordonnance sur la protection de l‘air correspondante a ensuite amorcé un nouveau développement technique permettant de réduire massivement les polluants, grâce à des impulsions de l‘industrie sous forme de nouveaux concepts de combustion et de qualité. Rares sont les technologies qui ont connu une évolution aussi rapide et novatrice. Au milieu des années 90, les chaudières à grille ont conquis le marché et l‘assortiment de bois-énergie exploitable s‘est immédiatement agrandi pour inclure aussi les qualités inférieures. Quelques années plus tard, l‘industrie a lancé les chauffages à granulés. C‘est grâce à ceux-ci que nous chauffons même les maisons individuelles au bois, automatiquement et aisément.

Depuis peu, nous disposons en outre d‘un complément intéressant et particulièrement apte à compenser les charges faibles : les installations à plusieurs chaudières. Avec leurs longues années d‘expériences opérationnelles, plus de 20 installations font état d‘une percée technologique réussie aussi dans la production d‘électricité.

Mais l‘énergie-bois répond présente aussi dans le domaine des basses puissances. Les chaudières d‘habitat assurent de plus en plus les fonctions de chauffage central au regard du besoin décroissant de puissance thermique et de la structure plus ouverte des nouveaux bâtiments.

Andreas KEEL, directeur d’Energie Bois Suisse – www.energie-bois.ch