Le potentiel de valorisation énergétique de la biomasse dans les PME sénégalaises
Dans le cadre du projet ENEFIBIO, un travail d’enquête a été réalisé auprès des PME du Sénégal par ENDA-Energie. Ces enquêtes avaient pour but d’évaluer le potentiel de valorisation énergétique de la biomasse dans ce secteur clé de l’économie sénégalaise. Les enquêtes se sont concentrées sur les entreprises produisant de la biomasse (co-produits des procédés de fabrication) ainsi que sur les entreprises ayant des besoins énergétiques importants, pouvant être satisfaits grâce à la biomasse, et plus particulièrement sur les sous-secteurs des rizeries, des scieries, des élevages laitiers industriels, des élevages avicoles, des boulangeries, des fonderies d’aluminium et du fumage de poisson. En effet, ces sept activités ont été considérées comme prioritaires car elles présentent un fort potentiel de production d’énergie et de réplication des résultats.
- Enquêtes au sein des PME au Sénégal
- Les PME qui produisent des biomasses pouvant être utilisées pour la production d’énergie
- Les PME ne produisant pas de biomasses mais ayant des besoins énergétiques importants
- Conclusions
Enquêtes au sein des PME au Sénégal
Après la collecte de données existantes auprès des administrations et institutions compétentes, un échantillon de patrons de PME a été interviewé sur le terrain. Ces enquêtes ont couvert à la fois les entreprises des secteurs formels et informels.
La démographie
En 2005, la population sénégalaise totale était de 10 618 262 habitants, dont 4,4 millions d’habitants en zone urbaine, soit 41% de la population, répartis dans 67 communes, et 6,25 millions d’habitants en milieu rural, répartis dans 13 212 villages.
Le cadre économique
le Sénégal se classe 157ème sur les 177 pays concernés par le PNUD. Le pays est caractérisé par un PIB per capita de 1 580 US $ et un indice de développement humain de 0,437. L’agriculture représente 17,2% et le secteur secondaire 18,4%. Ce dernier doit son dynamisme au BTP (Bâtiments et Travaux Publics) qui connaît une embellie relative avec un taux de croissance de plus 10% par an et contribue à plus de 23% dans le secteur secondaire.
Les PME qui produisent des biomasses pouvant être utilisées pour la production d’énergie
Elles sont localisées dans le sud du pays et plus particulièrement les régions de Tambacounda, Kolda et Ziguinchor. Elles génèrent des produits connexes qui ne sont pas toujours valorisés et dont les quantités produites sont difficiles à évaluer. Les scieries sont pratiquement toutes reliées au réseau électrique mais ont de faibles consommations en électricité. Lorsqu’elles ne sont pas reliées au réseau, elles utilisent des groupes électrogènes. Ces unités ne pratiquent pas le séchage des produits usinés alors que la plus-value des sciages séchés est estimée à 15 – 35%. La mise en place d’un séchoir à bois pourrait être sérieusement étudiée pour des moyennes ou grosses unités qui disposent de plus de moyens. La production d’électricité n’est pas envisageable car les quantités de produits connexes sont trop faibles que pour être économiquement rentable.
Les sciages sont majoritairement commercialisés à Dakar. Onze scieries ont été visitées lors des enquêtes.
Le riz est la base de l’alimentation au Sénégal. La majeure partie des rizeries est située au nord du pays dans la vallée de fleuve Sénégal, dans les environs de Ross Béthio. 180 000 tonnes de riz sont annuellement produites au Sénégal ce qui représente 1/5ème de la consommation nationale. Seules les rizeries industrielles (une quinzaine) ont été interviewées car elles produisent des quantités de balles de riz suffisantes que pour envisager leur valorisation énergétique (production d’électricité) et parce que les balles peuvent être collectées facilement. Ces rizeries industrielles traitent environ 60 000 tonnes de riz par an représentant environ 12 000 tonnes de balles de riz. La balle de riz n’est actuellement pas valorisée et son enlèvement reste très onéreux.
Presque toutes les unités visitées sont reliées au réseau électrique, et parfois certaines ont un groupe électrogène de secours pour leurs besoins en électricité (fonctionnement des machines). Les nombreux délestages de la SENELEC (société nationale d’électricité) occasionnent en ce moment des pertes considérables pour les riziers. La cogénération par combustion de la balle, tout en apportant une source de chaleur, pourrait permettre d’augmenter le temps de fonctionnement des usines, limité jusqu’à présent à trois mois dans l’année. Cinq rizeries ont été visitées lors des enquêtes.
Les fermes laitières en système intensif sont encore rares au Sénégal et ne se rencontrent que dans les régions de Dakar et de Thiès. Dans la zone des Niayes, il existe des unités composées de plus d’un millier de vaches en production, réparties dans trois grandes fermes (Wayembam, Niacoulrab et EMAP) et une dizaine de petites fermes appartenant à des opérateurs privés de la région de Dakar. Les besoins énergétiques des fermes concernent d’une part la conservation du lait pour les grandes fermes (froid), et d’autre part les activités de transformation (yoghourt, lait caillé), qui nécessitent de la chaleur. La production d’électricité et de chaleur par biométhanisation des excréments bovins pourrait être intéressante mais la faisabilité et la rentabilité d’une telle opération reste à prouver, d’autant plus que la plupart des unités sont reliées au réseau électrique. Sept unités ont été visitées lors des enquêtes.
Au Sénégal, l’aviculture est la plus importante d’Afrique de l’Ouest. Elle produit sept millions de poussins chaque année. Les activités de ce secteur sont concentrées dans le département de Rufisque et dans la banlieue de Dakar. Il n’y a que très peu de données chiffrées sur le nombre global de fermes avicoles et sur leur répartition par taille. Les entreprises avicoles consomment à la fois de l’électricité et du gaz. La cogénération de chaleur et d’électricité par biométhanisation se présente donc comme une solution envisageable afin de valoriser les fientes de poule et le fumier. Les délestages de la SENELEC handicapent grandement les éleveurs car l’absence d’éclairage perturbe la production des pondeuses et obligent les éleveurs à utiliser des lampes tempêtes ou des bougies pour éclairer les poussins.
Dix unités ont été visitées lors des enquêtes, elles sont toutes reliées au réseau électrique.
Les PME ne produisant pas de biomasses mais ayant des besoins énergétiques importants
Les boulangeries sont très répandues au Sénégal et, si en milieu urbain l’usage de bois est interdit par la législation, la consommation en bois des boulangeries rurales n’est pas négligeable. L’équipe d’enquête a concentré son travail dans la région de Tambacounda en raison du nombre élevé des boulangeries dans ce secteur, mais aussi et surtout pour bénéficier des acquis et expériences du PROMER (Projet de Promotion des Micro Entreprises en milieu rural). Une boulangerie traditionnelle consomme environ 1,5 tonne de bois par mois. Les fours à « Pain Tapallapa », construits pour la plupart par les boulangers eux-mêmes, ont des consommations importantes en raison de leur faible rendement. Des améliorations techniques sont à apporter afin de réduire la facture énergétique des artisans. Une dizaine de boulangeries a été visitée lors des enquêtes à Tambacounda.
Au Sénégal, la transformation artisanale du poisson est une activité très développée au niveau des zones côtières, le long de la façade littorale, allant de Saint-Louis à Ziguinchor. Elle permet d’absorber le surplus de la pêche en transformant les poissons invendus. Ce secteur emploie des milliers de personnes, dont beaucoup de femmes. Les techniques de fumage et de braisage ont connu des améliorations notoires avec l’introduction de fours modernes tels que le chorkor ou le parpaing, qui ont permis d’augmenter le niveau de production et de limiter les risques sanitaires.
Le four Chorkor utilise relativement moins de combustible, mais il est considéré comme cher et peu rentable par les techniciens rencontrés (une importante production est nécessaire pour le rentabiliser). Le Parpaing a une plus grande capacité de transformation (plus de 40% que la méthode traditionnelle et 70% que le four Chorkor) et permet d’utiliser des déchets agricoles (paille, bois, écorce, etc.), ce qui compense largement le surcoût d’investissement par rapport aux méthodes traditionnelles. La durée de fumage est relativement réduite (2 à 3 heures, contre 7 heures pour la méthode traditionnelle). Cette technique de transformation est mieux adaptée au travail individuel et est moins pénible d’usage. La capacité de production est d’environ une tonne de poissons pour un four de 7 mètres. L’investissement pour ce type de four est de 450 000 à 500 000 FCFA.
La fabrication artisanale d’ustensiles de cuisine en aluminium est très répandue au Sénégal. Dans la région de Dakar, quelques 55 unités de fonderies artisanales on été identifiées. Les pièces sont réalisées par coulée d’aluminium fondu dans des moules en sable. Compte tenu du nombre important de fonderies au Sénégal, le bilan énergétique s’avère important en terme de consommation globale en poussier de charbon et ce secteur semble à priori présenter un potentiel non négligeable pour une utilisation rationnelle de la biomasse-énergie. La transformation de 30 kg d’aluminium nécessite 50 kg de charbon et la consommation en charbon des fonderies se situe entre 200 et 250 kg par jour. Il est très urgent de voir de prés comment réduire la consommation énergétique de cette activité.
Conclusions
- Les rizeries connaissent des problèmes de gestion de leurs balles de riz et, d’autre part, le fonctionnement des unités est entravé par les coupures de la SENELEC. Le problème de la disponibilité de la balle (quantités réelles à évaluer) pourrait être compensée par l’utilisation éventuelle du typha, très présent dans cette zone nord, proche du fleuve Sénégal. Au vu des quantités qui semblent disponibles, la valorisation énergétique de la balle de riz par cogénération est envisageable, d’autant plus qu’un rizier s’est déjà manifesté pour développer un projet de ce type. Il en de même pour les fermes laitières et avicoles dont la valorisation des bouses de vache et des fientes pourrait être envisagée à travers la biométhanisation. Ils constituent deux secteurs en pleine expansion au Sénégal.
- Les scieries constituent un domaine potentiellement intéressant. Mais une stratégie d’action pourrait être dessinée sur base des expériences camerounaises, notamment au plan technologique.
- Concernant, les entreprises exclusivement consommatrices de biomasse, les boulangeries et le fumage sont à retenir. En effet, les boulangeries présentent un double avantage de développement d’affaire en terme de filière. En amont, par la capitalisation du succès du PROMER, en appuyant un opérateur dans la production et la commercialisation des fours améliorés déjà éprouvés. En aval, par le micro-financement des usagers des fours au niveau rural. Le fumage, pourrait être considéré dans une phase ultérieure du projet ENEFIBIO.
- Des actions concrètes dans le domaine des fonderies d’aluminium ne sont pas envisageables pour l’instant, compte tenu de l’absence de technologies alternatives et des difficultés à trouver un mode organisationnel approprié et opérationnel (regroupement de la production).
Lamine BADJI, ITEBE
Télécharger le dossier en pdf