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Etats-Unis : la marée verte des microalgues

Janvier 2010. Le petit monde des microalgues jubile : la nouvelle année est prometteuse. En décembre, le secrétaire d’Etat à l’Energie américain Steven Chu ouvre le bal: il annonce un financement de 54,5 millions pour Sapphire Energy. La société soutenue par Bill Gates veut développer un procédé de culture et de transformation de microalgues en biodiesel.

Un mois plus tard, ce sont 44 millions qui sont annoncés pour un consortium travaillant sur la production de microalgues. En deux tours et quelques semaines, l’Etat américain a mis 100 millions sur la table : un investissement massif qui confirme l’essor du nouvel or vert. Le gouvernement américain a annoncé l’objectif de 160 milliards de litres par an pour la production de biocarburants d’ici à 2022. Soit un marché potentiel près de 100 milliards de dollars au prix actuel du carburant aux Etats-Unis, à la portée des microalgues.

Un secteur en pleine expansion

Les investisseurs sont au rendez-vous: la multiplication des entreprises travaillant sur le sujet est significative. D’une en 2001, leur nombre est passé à 15 en 2006 et… 75 en 2009. Parmi les plus avancées, Solazyme a déjà réuni 76 millions de dollars en trois tours de table. Après 7 ans d’existence, la start-up est la première à être passée en phase de production et se lance sur plusieurs marchés. La société est appuyée par le puissant pétrolier Chevron. Son concurrent ExxonMobil s’est aussi lancé dans la course en finançant un programme de 300 millions de dollars de recherche sur les biocarburants algaux avec Synthétic Genomics. Tous présentent le biocarburant à base de microalgues comme l’alternative au pétrole la plus crédible dans les transports. Cible la plus prometteuse, le biokérosène algal a déjà été testé: en juin 2009, Boeing annonçait avoir fait voler des avions avec un mélange contenant du biocarburant à base de micro-algues.

Mais ce nouveau green-business n’est pas sans risque: en 2009 GreenFuel Tech, pionnière du secteur, s’est effondrée. La start-up, spin-off d’un laboratoire de recherche du MIT, avait pourtant levé 70 millions de dollars.

Des algues encore trop gourmandes

Le fort besoin de financement est un obstacle de taille pour les start-ups du secteur. Bob Metcalfe, associé de Polaris Venture Partners – qui a soutenu GreenFuel -, le dit lui-même : “les starts-ups de l’énergie se prêtent mal au capital risque”. Le financement nécessaire pour passer de la phase de développement en laboratoire à la production à grande échelle est énorme – notamment comparé aux starts-ups des technologies de l’information – et dépasse parfois la capacité des fonds.

Un autre coup dur est intervenu quelques jours après l’annonce du secrétariat d’Etat à l’énergie. Dans une étude parue le journal Environmental Science and Technology, des chercheurs mettent en avant des résultats peu favorables à ce “biocarburant de troisième génération”. Les auteurs pointent du doigt des besoins très importants en énergie. La production pourrait selon eux aboutir à davantage d’émissions de CO2 qu’elle ne permet d’en capturer – l’un des gros atouts des microalgues est leur capacité à fixer le CO2 en l’utilisant pour leur croissance. Source de cette difficulté, la nécessité d’alimenter les algues en nutriments, dont la production demande beaucoup d’énergie. L’Algal Biomass Organization a dénoncé l’utilisation de données anciennes et aujourd’hui “périmées” – les besoins en nutriments peuvent par exemple être satisfaits par l’utilisation des eaux usées. Pour ne pas faire de vagues, le groupement professionnel a sifflé la fin des hostilités en proposant à l’équipe scientifique de réaliser conjointement une étude complémentaire.

Des verrous en passe d’être levés

Les industriels se savent dans une phase clé du développement de la filière : les observateurs prévoient une présence réelle des biocarburants algaux sur le marché d’ici 5 à 10 ans. Pour être compétitif, le biodiesel doit s’aligner sur un prix de vente d’environ 0,6 dollar le litre, mais le coût de production actuel est d’environ 7,5 dollars par litre. Les professionnels du secteur réunis pour la Conférence sur le Biodiesel de San Francisco le 5 février parient sur le fait de pouvoir ramener ce chiffre à 0,8 dollar en mutualisant les ressources sur le site de production et en exploitant au maximum les co-produits. L’objectif semble à portée de main, un laboratoire public annonçant déjà des résultats s’en approchant.

Les financements annoncés par le Département de l’énergie devraient rassurer les investisseurs et permettre de surmonter la phase difficile de la crise. Argent frais, avancées techniques et consolidation de la filière : outre-Atlantique tous les ingrédients sont là pour prévoir une véritable marée verte…

Marion Solletty, SIA Partners

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