Un rapport de l’ONU pèse le pour et le contre des biocarburants
Face aux pénuries d’énergie et aux problèmes mondiaux d’environnement et de pauvreté, nombreux sont ceux qui considèrent les biocarburants comme la panacée. Un nouveau rapport des Nations unies suggère toutefois qu’une planification inadéquate de ces nouvelles sources d’énergie engendrerait autant de problèmes que de solutions.
Les technologies bioénergétiques modernes qui produisent de la chaleur, de l’électricité et des carburants pour les transports progressent rapidement. Depuis peu, l’accent s’est porté sur les biocarburants liquides, notamment l’éthanol et le biodiesel. La production mondiale de ces biocarburants a doublé ces cinq dernières années et elle va probablement doubler à nouveau au cours des quatre prochaines années.
Ces dernières années, de nombreux pays à travers le monde, de l’Argentine et de la Malaisie à l’Inde et à la Zambie, ont mis en place de nouvelles politiques en faveur des bioénergies. La politique énergétique de l’UE prévoit qu’au moins 10 % de tous les carburants devront être des biocarburants à l’horizon 2010.
Il n’est pas surprenant que l’intérêt mondial pour les bioénergies ait augmenté ces dernières années, écrit Mats Karlsson, président de UN-Energy, co-auteur du rapport «Sustainable Bioenergy: A Framework for Decision Makers» (Bioénergie durable: un cadre pour les décideurs). «Quoi de plus séduisant qu’une énergie produite sur place, essentiellement grâce à une photosynthèse alimentée par le soleil et l’eau, et offrant des possibilités d’emploi et de développement?»
Le développement des industries bioénergétiques, y compris les biocarburants, pourrait en effet fournir des services énergétiques «verts» à des millions de personnes qui en sont privées actuellement, suggèrent les auteurs du document. Ainsi, cuisiner en utilisant des sources bioénergétiques traditionnelles telles que le bois provoque de nombreux problèmes de santé et de sécurité chez les populations vivant dans les pays en développement, surtout chez les femmes, ce qui contribue à les enfermer dans le cercle vicieux de la pauvreté. L’accès à des sources d’énergie plus modernes pourrait les aider à réduire ces problèmes et soulager la pauvreté de populations importantes.
Les nouvelles industries bioénergétiques pourraient également fournir un potentiel significatif de création d’emplois et générer des revenus, notamment dans les zones rurales de certaines des régions les plus défavorisées du monde, puisque la grande majorité des emplois du secteur bioénergétique concernent l’agriculture, le transport et la transformation des produits.
Toutefois, une telle prospérité crée d’autres problèmes, avertissent les auteurs du rapport. Premièrement, le besoin de terres pour cultiver les plantes bioénergétiques pourrait entraîner une pression sur d’autres utilisations, à savoir les cultures vivrières, ce qui provoquerait vraisemblablement une augmentation des prix des aliments de base, comme les céréales. De plus, la production des plantes bioénergétiques exige beaucoup d’eau, ce qui pourrait diminuer le volume d’eau destinée aux usages domestiques, menaçant ainsi la santé et la sécurité alimentaire de nombreuses populations.
D’autre part, comme les biocarburants, en particulier, sont produits et traités à large échelle, les auteurs craignent que la transition vers ces carburants ne chasse de leurs terres les agriculteurs les plus pauvres du monde, les enfonçant ainsi dans une pauvreté encore plus grande.
Les auteurs du rapport soulignent aussi l’impact que la production de biocarburants pourrait avoir sur l’environnement. En fonction du choix des plantes bioénergétiques cultivées et de celles qu’elles remplacent, de bonnes méthodes d’exploitation, telles que la culture intercalaire et la rotation des cultures, peuvent avoir un impact neutre, voire positif, sur l’environnement immédiat, expliquent-ils.
Mais les cultures à des fins énergétiques tendent généralement à être des monocultures à grande échelle qui, avertissent-ils, pourraient conduire à une perte significative de biodiversité, à l’érosion des sols et au lessivage des nutriments. L’Inde, le Sri Lanka et la Thaïlande, où les cultures destinées à la production de biocarburants ont déjà causé une déforestation importante, représentent des exemples typiques de ces problèmes.
Même des cultures bioénergétiques plus variées et plus durables pourraient avoir des impacts environnementaux négatifs si elles remplacent des forêts et des prairies naturelles, affirment les auteurs du rapport. Parmi les autres conséquences potentielles, il faut noter l’eutrophisation de l’eau, l’acidification des sols et des eaux de surface, et même la réduction de la couche d’ozone.
Les auteurs du rapport concluent en proposant aux décideurs un cadre permettant d’encourager la production et l’utilisation durable des biocarburants et d’autres sources de bioénergie, afin d’en maximiser les bénéfices pour les populations pauvres et pour l’environnement. Dans le domaine de la recherche et développement, ils appellent les gouvernements à financer des activités d’intérêt public, y compris la recherche fondamentale sans application commerciale immédiate et l’identification des besoins bioénergétiques et des domaines de recherche stratégique.
Pour lire le rapport, consulter: http://esa.un.org/un-energy/pdf/susdev.Biofuels.FAO.pdf
Source : CORDIS