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République Démocratique du Congo, charbon de bois illégal aux mains d’une organisation armée

VirungaUn rapport d’Enough Project, organisme de promotion des politiques de prévention des atrocités, révèle que de vastes pans de la forêt ancienne des Virunga en RDC, le plus ancien parc national d’Afrique, sont détruits par une organisation mafieuse n’hésitant pas à recourir à la violence qui brasse des millions grâce au commerce illégal de charbon de bois.

Le rapport d’Holly Dranginis, analyste politique principale de l’Enough Project, intitulé « The Mafia in the Park: a charcoal syndicate is threatening Virunga, Africa’s oldest national park » (Mafia dans les Virunga : un cartel de charbon de bois menace le plus ancien parc national d’Afrique), examine de près la montée des affaires criminelles menées par les FDLR, un groupe rebelle armé lié au génocide rwandais. Ses activités sont marquées par des meurtres abominables, des réseaux d’espionnage et des trafics transfrontaliers, lesquels, comme le souligne le rapport, se font avec la complicité de la police, de l’armée et de représentants du gouvernement corrompus.

Selon Holly Dranginis, auteure du rapport et analyste politique principale de l’Enough Project, « La consolidation de la paix en République démocratique du Congo (RDC) est vouée à l’échec si l’on ne lutte pas contre les réseaux commerciaux complexes opérant dans l’Est. Le trafic de charbon de bois n’en est qu’un parmi tant d’autres, mais il fournit des financements importants aux FDLR, reflète l’impunité rampante des responsables publics impliqués dans des activités criminelles, et se déroule dans une clandestinité et une violence propres aux mafias rappelant les pires cartels de drogues latino-américains. »

John Prendergast, Directeur fondateur de l’Enough Project, estime que « Le commerce illégal de charbon de bois et ses dangereux barons sont les symptômes d’un système plus vaste de vol, de corruption et d’exploitation devenu systématique en RDC. Loin d’être un cas isolé, ce commerce se distingue néanmoins par les dégâts qu’il cause – non seulement envers l’un des endroits jouissant de l’une des plus riches biodiversités au monde, mais également envers la sécurité humaine et l’État de droit. Les interventions politiques doivent être rapides, anticipées et doivent impliquer tous les individus et toutes les organisations se trouvant aux premières lignes de la crise. Une meilleure compréhension des liens existant entre les acteurs étatiques et non étatiques renforcerait l’efficacité des interventions de lutte contre les réseaux criminels à grande échelle, dans toute la région ».

Le précieux charbon de bois des Virunga, appelé Ndobo, est obtenu en coupant et en brûlant les arbres centenaires du parc. Comme le souligne le rapport, la destruction de ces forêts a des conséquences dévastatrices pour les gardes forestiers, les communautés locales et les espèces en voie d’extinction telles que les gorilles et les éléphants.

Holly Dranginis ajoute : « Le commerce criminel du charbon de bois des Virunga fait disparaître des pans entiers de forêts tropicales rares et anciennes, essentielles à la sécurité climatique et aux espèces menacées dans la région. Un travail héroïque est déjà en cours pour aider à protéger les Virunga. Mais le temps presse pour lutter contre le commerce du charbon de bois, actif depuis des années et contre lequel peu d’interventions ont réussi. »

S’étendant sur près de 8 000 km2 dans le nord-est du Congo, les Virunga sont le plus ancien parc national d’Afrique et inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Pareille à celle d’aucun autre site protégé d’Afrique, la biodiversité des Virunga abrite des espèces d’oiseaux rares, quelques-uns des derniers gorilles des montagnes, et des éléphants de forêt menacés d’extinction. Le parc a récemment attiré l’attention en faisant l’objet du documentaire « Virunga », produit par Leonardo DiCaprio et nommé aux Oscars de 2014.

Éléments clés du rapport

  • Le groupe rebelle armé connu sous le nom de « Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) » représente le pivot des réseaux de criminalité organisée dans la région des Grands Lacs et continue à menacer la sécurité des populations. Depuis des années, ce groupe finance ses activités en exploitant des ressources naturelles précieuses, dont des minéraux, mais aussi l’ivoire, le poisson et la marijuana. Mais l’une des activités les plus rémunératrices des FDLR est le commerce illicite du charbon de bois dans le Parc national des Virunga, trésor de la République démocratique du Congo.
  • Établi dans les profondeurs de la zone sud-ouest des Virunga, le commerce illégal du charbon de bois est lucratif. D’après certaines estimations, il rapporterait chaque année jusqu’à 35 millions de dollars. Comme l’a avancé l’un des gardes forestiers à Enough, « les groupes armés ont fait des Virunga leur sanctuaire ».
  • « Ce ne sont pas seulement les FDLR, précise une source, ce sont la police, les politiciens, et les hommes d’affaires. C’est un grand réseau mafieux. » Certains commandants de la police nationale et de l’armée congolaise sont impliqués dans le commerce illégal du charbon de bois. Ils touchent des revenus considérables, car ils partagent les recettes des FDLR et organisent aussi leur propre production, ainsi que le trafic et la taxation du charbon illégal. Plusieurs représentants de l’État offrent une protection indispensable aux commandants et aux officiers des FDLR dans les Virunga.
  • La prévalence du trafic illégal du charbon de bois issu des Virunga : pour beaucoup, le charbon de bois est une affaire purement congolaise, mais des témoignages ont révélé que le charbon de bois des Virunga était acheminé aussi loin qu’en Ouganda et au Rwanda.
  • Les violations directes des droits de l’homme communément pratiquées par les cartels illégaux de charbon de bois comprennent des meurtres commis en représailles, de l’esclavage sexuel, et des formes extrêmes de travail forcé.

Recommandations clés du rapport

1.       Les décideurs ne devraient pas considérer les FDLR comme une menace purement militaire, politique ou idéologique : il s’agit aussi d’un réseau de criminalité organisée à but lucratif qui s’appuie sur des collaborateurs situés au sein du gouvernement et de la société civile. Pour lutter contre la criminalité organisée du charbon de bois en RDC, il faut poursuivre et sanctionner les hauts responsables des FDLR et leurs partenaires de l’armée pour leur rôle dans ce commerce illégal. Les autorités devraient faciliter les défections des soldats de grade inférieur des FDLR dans les Virunga, pour priver les trafiquants d’une main-d’œuvre essentielle.

2.       Les foyers de la région étant largement dépendants du charbon de bois, utilisé comme premier combustible, les actions visant à mettre fin à son commerce, telles que les interventions militaires et les arrestations ciblées, doivent s’accompagner de mesures portant sur d’autres types de combustibles, afin d’éviter une pénurie qui toucherait des millions de personnes dans la région.

3.       Protection des défenseurs : les unités de la MONUSCO chargées de la justice et des droits de l’homme doivent renforcer le suivi et le soutien des militants de la conservation, lesquels sont ciblés en raison de leurs actions de défense des parcs nationaux en RDC et de leurs investigations sur les crimes environnementaux, et soumettre les cas d’abus aux juges pour enquête.

4.       Le Congrès américain devrait adopter la loi S.284 – Global Magnitsky Human Rights Accountability Act, qui donnerait aux États-Unis le pouvoir de sanctionner quiconque commettrait des exactions à l’encontre de personnes cherchant à révéler des activités gouvernementales illégales. Il devrait également adopter la loi concernant la lutte contre le trafic d’espèces sauvages, H.R. 2494, qui autoriserait une assistance technique visant à protéger les gardes forestiers et à améliorer les réponses juridiques en cas d’attaques contre des défenseurs de la forêt.

5.       La Cour pénale internationale (CPI) dans le cadre des poursuites engagées actuellement contre le commandant suprême des FDLR, Sylvestre Mudacumura, le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) devrait enquêter sur les responsabilités et le contrôle exercé par Mudacumura sur les activités commerciales des FDLR – et notamment sur les cartels du charbon – et ajouter aux poursuites des chefs d’accusation relatifs au pillage des ressources naturelles si des preuves suffisantes sont présentées.

6.       Interventions militaires : à mesure que se développent des plans pour des opérations conjointes de l’armée congolaise et de la MONUSCO, les Envoyés spéciaux Said Djinnit et Tom Perriello devraient encourager des actions conjointes ciblées contre les bastions des FDLR dans les Virunga, en incluant les plans mis au point par la MONUSCO pour viser les plateformes du trafic de charbon et y appréhender les principaux chefs des FDLR.

7.        Efforts de démobilisation : puisque la MONUSCO envisage de collaborer avec l’armée congolaise en vue de relancer des opérations conjointes contre les FDLR, elle devrait poursuivre ses efforts en matière de désarmement, démobilisation, rapatriement, réintégration et réinstallation (DDR/RR) des combattants des FDLR dans les Virunga.

Téléchargements :

Contact : Greg Hittelman – +1 310 717 0606 – gh@enoughproject.org

À propos de THE ENOUGH PROJECT
Organisme de promotion des politiques de prévention des atrocités, l’Enough Project cherche à mobiliser les efforts en faveur de la paix et de la justice en Afrique en s’efforçant d’appliquer des sanctions contre les auteurs et les complices de génocides et d’autres atrocités de masse. Enough lutte contre les régimes kleptocrates violents et les groupes armés portant atteinte aux droits, alimentés par la grande corruption, la criminalité et la terreur à l’échelle internationale, ainsi que le pillage et le trafic de minéraux, d’ivoire, de diamants et d’autres ressources naturelles. Enough mène des enquêtes de terrain dans les zones de conflits, élabore des recommandations politiques en faveur desquelles il plaide, soutient des mouvements sociaux dans les pays touchés par des conflits et organise des campagnes publiques. Pour en savoir plus et nous rejoindre, rendez-vous sur www.EnoughProject.org.