Quelle politique énergétique pour l’Allemagne cet automne ?
Le Ministre fédéral de l’économie et de la technologie, Rainer Brüderle, s’est exprimé lors de la manifestation pour le concept énergétique du gouvernement fédéral organisée par la Fédération de l’industrie allemande (BDI) le 6 juillet 2010 à Berlin. Il a insisté sur l’importance primordiale de la politique énergétique pour son ministère.
Le concept énergétique de l’automne 2010 « doit nous montrer le chemin à suivre afin d’atteindre d’ici 2050 nos objectifs ambitieux de lutte contre le changement climatique de la façon la plus efficace et rentable possible », selon M. Brüderle. Les sujets abordés dans ce concept énergétique seront la prolongation des durées de vie des centrales nucléaires, la concurrence sur les marchés énergétiques (notamment le décret d’accès aux réseaux de gaz) et la réduction des subventions accordées aux installations photovoltaïques. Selon M. Brüderle, « nous ne mettons en place en Allemagne ni un concept nucléaire, ni un concept climatique. Nous élaborons un concept énergétique ». Les défis pour une politique énergétique du futur sont multiples : comment garantir la sûreté d’approvisionnement, en particulier pour l’électricité ? Que signifie l’efficacité énergétique concrètement pour les citoyens et l’industrie? Quels rôles joueront le pétrole, le gaz et le charbon à l’avenir ?
Dans ce cadre, les objectifs du concept énergétique sont clairs pour le ministre :
- Les énergies conventionnelles doivent être remplacées de façon continue par des énergies alternatives, dans le cadre d’un mix énergétique dynamique.
- L’énergie nucléaire est une énergie de transition vers cet objectif – ainsi que le charbon propre.
- L’accent doit être mis sur le développement des énergies renouvelables (EnR) et l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Le gouvernement a demandé à des instituts scientifiques d’évaluer les scénarios possibles pour le concept énergétique, pour une présentation de leurs résultats prévue fin août 2010. Ces scénarios devraient être reliés à une analyse économique, permettant une présentation du concept à l’automne. Le but est d’atteindre les objectifs climatiques avec les coûts macro-économiques les plus réduits possibles. Il ne s’agit pas seulement de donner des objectifs quantitatifs, mais d’exprimer des « éléments qualitatifs de la politique énergétique future, axée sur les besoins du marché et ouverte aux technologies ».
Concernant la lutte contre le changement climatique, l’Allemagne souhaite, selon M. Brüderle, être un précurseur mondial. Le ministre soutient une réduction globale et active des émissions de CO2 : tous les Etats doivent s’unir, en particulier les Etats industrialisés. Cependant, « l’Allemagne ne doit pas abandonner sa compétitivité en tant que précurseur ». « Avec une migration de la production et des investissements dans des pays sans protection climatique comparable […], l’environnement ne serait pas protégé et la démarche ne serait pas soutenable ni niveau industriel ni au niveau politique », ajoute-t-il. Même si le sommet de Copenhague était une « déception », « l’Allemagne et l’Europe doivent continuer à être à la pointe. Mais les autres Etats doivent aussi suivre le mouvement – et non pas n’importe quand dans un futur lointain, mais à une échelle de temps raisonnable. Il ne doit pas y avoir une démarche européenne isolée de lutte contre le changement climatique. Il ne peut y avoir des objectifs européens exigeants que dans le cadre d’un accord climatique international, posant des exigences semblables aux autres grands pays émetteurs ». M. Brüderle insiste sur les chances phénoménales apportées par les mesures climatiques pour l’industrie allemande, en particulier dans les domaines des technologies environnementales et climatiques. Cependant les objectifs climatiques ambitieux sont liés à des coûts importants. Il s’agit ainsi « de relier l’économie et l’écologie de façon judicieuse ».
Le thème du rallongement des durées de vie des centrales nucléaires [1] doit être abordé en parallèle au concept énergétique. M. Brüderle s’est exprimé en faveur d’une « prolongation significative et importante de l’exploitation des centrales nucléaires », qui conduirait notamment à des réductions des coûts de l’électricité et du prix du CO2. Elle permettrait également de réduire la dépendance énergétique de l’Allemagne vis-à-vis des pays exportateurs d’énergie. Mais « aucun ordinateur ni scientifique ne peut donner un chiffre objectif pour la durée d’exploitation idéale des centrales nucléaires en Allemagne. Il s’agit d’une décision politique – après estimation des avantages et des inconvénients ». Le concept énergétique sera chargé de donner l’impulsion. De plus, le rallongement des durées de vie des centrales nucléaires servirait les objectifs climatiques : alors que l’agriculture et l’industrie ne peuvent réduire à loisir leurs émissions de CO2, la production d’énergie joue un rôle central dans les objectifs en termes de CO2 pour 2050, accessibles uniquement, selon M. Brüderle. par un développement poussé des EnR et une exploitation rallongée des centrales nucléaires, indissociable aux niveaux politique et économique d’un impôt sur le nucléaire. Il estime possible le rallongement de l’exploitation de toutes les centrales nucléaires. M. Brüderle juge par ailleurs que l’accord du Conseil fédéral (Bundesrat) ne serait pas nécessaire pour une simple prolongation des exploitations des centrales nucléaires. Il signale également que cette prolongation ne serait pas un obstacle à la concurrence (sur les marchés du gaz ou de l’électricité).
Le gouvernement souhaite aussi mettre l’accent sur le développement des réseaux électriques et la recherche en technologies de stockage. Le développement des EnR pose des défis de taille de part la volatilité de la production électrique qui en résulte et le transport de l’électricité nécessaire des lieux de production vers les lieux de consommation. M. Brüderle évoque également la décentralisation (petites installations éoliennes, panneaux photovoltaïques sur les toits, cogénération), et conseille de considérer le système {production, réseau, consommation} comme un tout. Les smart grids devraient permettre un « équilibre intelligent entre l’offre et la demande ».
Enfin, M. Brüderle a appelé à un renforcement de la coopération internationale dans le raccordement et l’intégration au réseau. Le ministre a notamment évoqué l’initiative offshore en mer du Nord et le super-réseau européen en lien avec le projet Desertec de production d’électricité dans le désert. Il regrette néanmoins les problèmes d’acceptation sociale ; dans ce cadre, le concept énergétique a aussi pour rôle de contribuer à l’acceptation des décisions en politique énergétique, par la vulgarisation et la transparence. Il doit prendre en compte les forces et faiblesses de toutes les formes de production d’énergie, comme par exemple la technologie CCS de capture et stockage du CO2, essentielle pour une utilisation ultérieure du charbon, mais rencontrant des problèmes d’acceptabilité.
Ont également été brièvement abordés lors du discours les thèmes des EnR (amendement de la loi EEG pour le photovoltaïque actuellement en comité de conciliation), le marché du gaz (nouveau décret d’accès au réseau du gaz) et l’eau (recherche de transparence dans les coûts).
En conclusion, M. Brüderle a affirmé qu’il souhaite un « approvisionnement énergétique respectueux du climat, sûr et abordable financièrement », qui n’est possible qu’en accord avec l’économie, afin que l’Allemagne conserve ses capacités concurrentielles internationales et sa position de pointe parmi les pays industrialisés.
Origine : BE Allemagne numéro 490 (8/07/2010) – Ambassade de France en Allemagne