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Pétrole : pourquoi les accidents vont se multiplier

Du fait de son ampleur, la marée noire du golfe du Mexique impose de tirer des leçons. Elle a, en particulier, mis au jour la dangerosité extrême des forages offshore. Mais la pression économique qui pèse sur le secteur pétrolier prime sur une réelle considération des risques.

Politiques, économistes, experts, pétroliers : tous acquiescent, il y aura un « avant » et un « après » la catastrophe du golfe du Mexique. Depuis le 20 avril et l’explosion de la plateforme de forage  Deepwater Horizon, qui a tué 11 employés, près de 3 millions de litres de pétrole se répandent chaque jour en mer, crachés à 1 500 mètres de profondeur. Le puits endommagé pourrait n’être obturé que mi-août. La marée noire souille des centaines de kilomètres de zones naturelles fragiles du sud des États-Unis, elle est déjà plus importante que celle de l’Exxon Valdez en Alaska, en 1989, qui fait référence d’ultime accident du genre aux États-Unis.

Mais un « avant » et un « après » pour bien d’autres raisons. Pour le pétrolier BP, exploitant du puits, qui devra assumer des conséquences sans précédent et incalculables – coût, procès, image, crédibilité, etc. Et pour l’ensemble de la profession. Les observateurs ont beau jeu de stigmatiser les erreurs de BP, l’accident de Deepwater Horizon, parce qu’il sanctionne le risque des forages en mer (offshore), va durcir les futures autorisations de forer et les règles de sécurité.

Des leçons seront donc tirées. Mais elles ne rassurent pas : à défaut pour nos sociétés de soigner résolument leur pétro-dépendance, comment se convaincre que l’on parviendra à brider la course à l’offshore profond, dernière frontière de la course folle à l’or noir ? Au lieu d’être celui du « plus jamais ça », l’accident BP pourrait à l’inverse être précurseur d’une ère du risque pétrolier croissant – des forages chaque fois plus profonds et délicats –, auquel nos sociétés finiraient par se résoudre, pesant le pour et le contre.

«  Le golfe du Mexique est très vaste, le volume de pétrole est minuscule en comparaison avec celui de l’eau, et l’impact environnemental devrait être très, très modeste » : cette récente tirade est de Tony Hayward, directeur général de BP. On peut la juger du dernier cynisme ; ou comme l’expression de l’inconscient de nos sociétés schizophrènes.

Introduction de l’article de Patrick Piro paru le 17 juin 2010 dans Politis