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Les Etats-Unis commencent à prendre la mesure du risque climatique

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Chantier de déchiquetage dans le Wisconsin, photo Ponsse

Chantier de déchiquetage dans le Wisconsin, photo Ponsse

A moins d’un an de la conférence mondiale sur le climat, qui se tiendra à Paris en décembre 2015, il est possible d’affirmer que les enjeux environnementaux vont gagner en importance dans les débats politiques et les décisions économiques. Cela est notamment valable aux Etats-Unis, dans la lignée d’évènements comme la marche sur le climat, qui a rassemblé plusieurs centaines de milliers de participants, à l’occasion du sommet des Nations Unies à New York en septembre dernier. A l’heure où les Etats-Unis et la Chine ont signé un accord bilatéral historique pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, il est intéressant de se pencher sur le coût et la faisabilité de la transition écologique aux Etats-Unis.

Dans un récent rapport sur l’adaptation au dérèglement climatique, le département de la défense américain a estimé que le réchauffement de la planète était un « multiplicateur de risques », et représentait une grave menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis [1]. Aujourd’hui, tout retard pris dans la lutte contre le changement climatique implique des coûts économiques, sociaux et politiques de plus en plus importants. Ces coûts sont associés aux dommages causés par le bouleversement du climat, mais aussi à l’adoption de mesures visant à réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

La Maison Blanche a publié en juillet 2014 un rapport indiquant qu’une augmentation de la température globale de 3°C par rapport aux niveaux préindustriels entraînerait des coûts économiques annuels s’élevant à 0,9% du PIB états-unien, ce qui en 2014 représentait environ 150 milliards de dollars [2]. Ces coûts persisteraient d’année en année dans un tel cas de figure, jusqu’à la mise en place d’actions environnementales efficaces et adaptées.

Les autorités publiques américaines ne sont pas les seules à s’inquiéter de la menace représentée par le changement climatique. Les entrepreneurs et grands investisseurs présents sur le sol américain sont de plus en plus sensibles à la nécessité de s’adapter au dérèglement climatique dès maintenant. On peut citer à cet égard le Risky Business Project, une étude rendue publique en juin 2014, qui examine les risques climatiques dans chaque région des Etats-Unis [3]. Ce projet a notamment été mené sous la direction de Michael Bloomberg (philanthrope et ancien maire de New York) et Henry Paulson (homme d’affaires et ancien secrétaire du trésor américain). Il ressort de cette étude que si les Etats-Unis ne consentent pas à des efforts importants pour lutter contre le réchauffement climatique, de graves dommages seraient causés à la société et à l’économie américaine, et ce sur l’ensemble du territoire. D’ici à 2050, les sécheresses deviendraient par exemple plus fréquentes dans le Sud-Ouest et le Sud-Est du pays, entraînant des pertes de productivité importantes dans des secteurs comme l’agriculture ou la construction. L’élévation du niveau de la mer pourrait aussi menacer les infrastructures côtières à l’horizon 2050, avec des dommages compris entre 66 et 106 milliards de dollars selon les estimations de l’étude.

La nécessité d’agir vite contre le dérèglement climatique fait donc sens d’un point de vue économique et stratégique. Il est même possible d’affirmer qu’une véritable transition écologique n’implique pas de coût économique significatif. Le rapport « Pathways to deep decarbonization in the United States« , résultant d’une collaboration entre le Sustainable Development Solutions Network et l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI), souligne qu’il est tout à fait possible pour les Etats-Unis de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 80% en 2050, par rapport aux niveaux de 1990 [4]. Pour atteindre ces objectifs, les technologies actuelles et celles qui vont être mises sur le marché prochainement pourraient tout à fait suffire. Le rapport considère différents scénarios, basés sur la composition du mix énergétique des Etats-Unis, et montre que chacun d’entre eux pourrait permettre une réduction de 80% des émissions de gaz à effet de serre. Un des scénarios fait la part belle aux énergies renouvelables, un autre met l’accent sur le développement du nucléaire, un troisième considère la capture et le stockage du CO2, tandis que le dernier scénario envisage un mix énergétique avec un équilibre entre ces trois trajectoires (renouvelables, nucléaire et capture du CO2).

Le rapport livre un portrait des Etats-Unis à l’horizon 2050, où la dépendance aux énergies fossiles est susceptible de grandement diminuer, avec notamment une amélioration significative de l’efficacité énergétique des bâtiments, des transports et de l’industrie. Dans une économie américaine ayant effectué la transition écologique, la consommation de pétrole baisserait de 80 à 90%, et il deviendrait nécessaire de doubler la production d’électricité d’ici à 2050. Dans un des scénarii décrits par le rapport, 2500 gigawatts d’énergies solaire et éolienne seraient déployés (multipliant par 30 la quantité d’énergie renouvelable produite aujourd’hui aux Etats-Unis). Les véhicules électriques deviendraient la norme, avec environ 300 millions d’entre eux sur les routes américaines en 2050.

Le rapport « Pathways to deep decarbonization in the United States » met en exergue le coût limité des changements à entreprendre pour accomplir la transition écologique [4]. Selon le rapport, les investissements à consentir s’élèveraient à moins d’1% du PIB américain chaque année. Cette estimation peut être mise en perspective avec le coût de l’inaction projeté par la Maison Blanche [2], qui est aussi proche de 1% du PIB national, et montre que l’adaptation au dérèglement climatique aurait un coût comparable aux dégâts économiques persistants causés par le statu quo sur les enjeux environnementaux. Qui plus est, les transformations devant être réalisées n’entraîneraient pas de bouleversements majeurs dans le mode de vie des citoyens américains. La décroissance n’est pas du tout envisagée dans le rapport, qui prend en compte des taux de croissance respectant les projections du département de l’énergie américain. Enfin, la décision récente du gouvernement américain de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 26 à 28% en 2025 par rapport à 2005 est tout à fait compatible avec les résultats du rapport. Selon les auteurs de ce dernier, si les Etats-Unis respectent leurs engagements pour 2025, il deviendra tout à fait possible que le pays poursuive sur sa lancée et atteigne la réduction de 80% d’émissions de gaz à effet de serre en 2050.

A la lecture de ces différents rapports et études, il apparaît que le coût de l’adaptation au réchauffement climatique est tout à fait supportable pour l’économie américaine. Pour garantir le bien-être des générations futures, de nombreuses analyses économiques montrent que la transition écologique n’est pas une option, mais représente plutôt une nécessité.

Origine : BE Etats-Unis numéro 389 (16/01/2015) – ADIT – www.bulletins-electroniques.com