La Coordination Rurale plaide pour une méthanisation à taille humaine
Le syndicat agricole français Coordination Rurale est attaché à la méthanisation comme source d’autonomie énergétique et de diversification des exploitations agricoles. Pour le syndicat, il est primordial que la méthanisation soit mise en place par des agriculteurs et qu’elle bénéficie aux agriculteurs. Le syndicat estime également que la méthanisation ne sera une bonne chose pour les agriculteurs que si elle est adaptée aux élevages, a contrario des installations industrielles ou collectives. L’organisation souligne ainsi un certain nombre de freins et a rédigé des propositions d’orientation de la politique de développement.
Pour commencer, malgré la progression du nombre d’installations depuis 2009, ce développement est encore trop lent pour la Coordination Rurale. Tous les secteurs de l’élevage souffrent d’un manque de compétitivité surtout en comparaison avec les voisins allemands qui ont intégré la méthanisation depuis longtemps dans les exploitations agricoles. Pour le syndicat, la France a pris un retard très important sur les Allemands qui, lors des mises aux normes précédentes des bâtiments d’élevage, ont massivement investi dans ce procédé, avec l’appui des pouvoirs publics, alors que dans le même temps l’État français imposait la construction de fumières couvertes.
La méthanisation, en offrant un complément de revenu aux éleveurs, peut participer au maintien sur l’ensemble du territoire français des troupeaux menacés par des prix à la production insuffisants. Le développement actuel de la méthanisation à la ferme répond tout à fait à cet enjeu capital pour l’agriculture française. A contrario, pour le syndicat, les installations collectives risquent de renforcer la concentration de l’élevage dans certains bassins de production et souhaite donc attirer l’attention sur la nécessité d’accompagner au mieux les projets de construction de méthaniseurs hors Grand-Ouest, pour ne pas induire de déséquilibre territorial.
Par ailleurs, la Coordination souligne que les éleveurs ne peuvent pas faire face seuls à cet enjeu majeur car il existe encore de nombreux freins qui ne permettent pas un développement rapide de la méthanisation. Pour sortir de ces écueils, le syndicat a rédigé des propositions visant à rendre possible ce développement à travers des projets à taille humaine, facilement adaptables au plus grand nombre d’élevages. La Coordination ajoute que la méthanisation pourrait aussi permettre d’augmenter l’emploi salarié dans les élevages.
Des investissements importants supportés essentiellement par les agriculteurs
Selon l’étude sur la rentabilité réalisée par l’ADEME, les investissements pour les projets agricoles sont dans 60 % des cas inférieurs à 1 500 000 €. Cependant, ce type d’installation demande des investissements plus importants ramenés à la puissance des méthaniseurs.
Puissance | Budget d’investissement |
<75 kWe | 10000 à 15000 € / kWe |
100 kWe | 8600 € / kWe |
500 kWe | 5600 € / kWe |
1000 kWe | 5200 € / kWe |
Moyenne agricole : | 8000 à 12000 € / kWe |
Les subventions, issus du PPE (plan de performance énergétique), de l’ADEME, des Conseils Régionaux, des Conseils Généraux et du FEDER (Fonds européen de développement régional), représentent environ 35 % des investissements. Etant donné que les éleveurs supportent la plus grosse partie des investissements nécessaires pour répondre aux objectifs nationaux, l’accès aux capitaux est une question essentielle. Quelle que soit la production, le revenu des éleveurs est très faible depuis de nombreuses années et beaucoup d’entre eux doivent supporter les amortissements des différentes mises aux normes qui leur ont été imposées au fil du temps. Leur revenu n’augmentant pas, les éleveurs ne peuvent pas dégager de trésorerie pour pouvoir investir dans la méthanisation.
La fragilité financière des élevages en lien avec une volatilité importante des cours des produits agricoles rend l’accès aux prêts bancaires délicat voire impossible. Il s’agit d’un frein très important qu’il convient de lever rapidement, sans quoi l’élevage aura disparu avant de pouvoir investir dans la méthanisation.
La Coordination Rurale affirme que la méthanisation ne pourra bien s’intégrer dans la profession qu’en respectant trois objectifs principaux :
- diversifier le revenu,
- laisser les agriculteurs maîtres de leurs exploitations,
- ne pas les entraver par la complexité administrative.
Il n’y a que dans ces conditions que la production de biogaz à la ferme pourra poursuivre son développement et atteindre les ambitions nationales pour la transition énergétique.
Propositions de la Coordination Rurale sur la méthanisation à la ferme
- les procédures administratives doivent être réduites de manière importante pour les installations de petite dimension.
- les études concernant les petites unités de méthanisation doivent être approfondies afin d’identifier plus précisément les voies d’amélioration.
- les digestats des méthaniseurs doivent être normalisés et des études menées afin d’aboutir à une séparation des unités fertilisantes.
- les études concernant les petites unités de méthanisation doivent être rendues plus accessibles à l’ensemble des éleveurs et les projets de méthanisation collectifs soumis à appels d’offres publics.
- le bilan carbone doit être pris en compte dans le mode d’attribution des subventions et dans le calcul du prix de rachat de l’électricité.
- l’incorporation de cultures dédiées doit être autorisée tout en étant encadrée.
- un tarif de rachat de l’électricité sur 20 ans plus avantageux pour les petites unités doit être privilégié plutôt que des subventions.
- la BPI doit cautionner les prêts bancaires nécessaires à l’implantation des méthaniseurs.
- une norme doit être créée afin de qualifier les fabricants de méthaniseurs, les installateurs ainsi que les intervenants techniques.
>> Voir les propositions complètes de la Coordination rural sur la méthanisation