La transition énergétique, un combat de titans à l’échelle planétaire
Une analyse de Marc Théry dans sa Lettre Territoires Energéthiques de juin 2014
Ce mois de juin 2014 a donné lieu à une accumulation exceptionnelle d’évènements, de déclarations et de zigzags dans le domaine des énergies, et notamment des renouvelables. Le moindre est bien la présentation en France du projet de loi de transition énergétique, tant il n’est pas à la hauteur des enjeux et plein de la langue de bois de nos élites dirigeantes qui n’ont que le seul objectif de maintenir à tout prix le statut quo du nucléaire et des mammouths français de l’énergie. A côté de cela, nous avons assisté aux épisodes suivants :
La prise de conscience de l’extrême dépendance de l’Europe vis-à-vis du gaz russe (40% des approvisionnements) va « libérer » l’exploitation des gaz de schiste, en Allemagne d’abord (après l’Angleterre, un peu marginale), en attendant les autres pays potentiellement « riches » de cette ressource, dont la France. Parallèlement, des obstacles « administratifs » ont été élevés contre le projet de gazoduc South Stream, destiné à acheminer le gaz russe en évitant l’Ukraine. Il est amusant de remarquer que ce projet était vigoureusement défendu par l’Allemagne, qui a torpillé un projet concurrent, Nabucco, destiné à acheminer le gaz du Moyen-Orient.
La guerre entre l’Asie, et plus particulièrement la Chine, et les pays occidentaux sur le photovoltaïque : Nous élevons des barrières douanières, « tarifaires », comme on dit en langue de bois. Comme nous l’avons déjà indiqué, la partie se joue dans les GW ou les dizaines de GW. Les asiatiques disposent d’outils de production représentant plus de 1 GW/an unitairement. Seuls les USA sont encore dans cette course, et Elon Musk, le talentueux promoteur des voitures électriques Tesla annonce un investissement à cette hauteur aux USA. Les Européens sont hors course (la France arrive péniblement à 300 MW en plusieurs unités). Ils n’arrivent pas à monter des projets à cette hauteur, après notamment le retrait des deux industriels majeurs que sont Bosch et Siemens. Alors, ils jouent les supplétifs, aux ordres du grand frère américain, et pour son seul profit. Résultat : nous disposons de panneaux sensiblement plus chers que le reste du monde, ce qui freine notablement le développement du PV, sans espoir d’en avoir un jour des retombées économiques, puisque nous ne sommes pas capables d’investir au bon niveau.
Les premières livraisons en Europe de pétrole issu des sables bitumineux de l’Alberta et de pétrole extrait par les Russes de l’océan glacial arctique : Quels magnifiques progrès de la technologie !
Mais en parallèle, les énergies renouvelables qui sont la première source de production électrique en Europe, avec des performances remarquables, en Allemagne (pointe à 74% pour éolien et PV, ce dernier à 50%) et en Irlande (plus de 50% d’éolien). C’est très encourageant, même si l’Allemagne « renouvelable » se réveille un peu avec la gueule de bois, à la suite de la révision de la loi sur les énergies renouvelables (EEG).
Par ailleurs, beaucoup d’interrogations sur l’avenir des énergies « traditionnelles », notamment le charbon, avec les efforts énormes développés par la Chine pour essayer d’en sortir, tant les dégâts sanitaires et environnementaux sont lourds. Ceci remet en cause de très gros projets d’extraction en Australie. De même, les milieux financiers s’inquiètent de l’avenir des entreprises de production et de transport d’électricité, face à la montée inexorable, dans de très nombreux pays, des systèmes locaux voire individuels : ils n’ont pas hésité à dégrader leur notation. Le nucléaire n’y échappe pas, dans un contexte de renchérissement des projets tout au long de leur vie. Les Anglais, aux prises avec des démantèlements de grande ampleur qui ne cessent de dépasser tous les délais et les budgets, commencent à se poser beaucoup de question.
Ceci n’est qu’un rapide aperçu, montrant l’extrême complexité de cette problématique énergétique. Éparpiller les objectifs et les moyens est certainement un chemin sûr pour n’arriver nulle part…
Marc Théry, rédacteur de la Lettre Territoires Energéthiques
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