Le difficile décollage des réseaux de chaleur en Belgique
On compte aujourd’hui en Wallonie une bonne quarantaine d’installations de réseaux de chaleur (pour la plupart d’initiative industrielle) et presqu’autant sont en projet. Une petite commune sur deux aurait déjà mis le sujet à son ordre du jour. Et la Flandre n’est pas en reste. Quant à Bruxelles, à l’instar de toutes les zones fortement peuplées, cette approche bénéficie d’une attention toute particulière. Le tout nouveau quartier durable « Bervoets » vient tout récemment encore de la privilégier pour chauffer et alimenter en eau chaude sanitaire 239 logements et 12 ateliers et commerces. Mais on est loin encore du potentiel déclaré de chaleur verte et de réseaux de chaleur évoqué au niveau européen.
En Europe, on évalue en effet à 65 millions le nombre de citoyens qui chauffent leur logement par ce biais. Principalement dans les pays du nord de l’Europe. On n’est donc plus dans une technologie mal maîtrisée à la recherche de projets pilotes. D’où vient donc que la chaleur verte rend compte d’un développement à ce point inférieur à celui de l’électricité verte ? Au point que, selon l’association Euroheat & Power, la seule chaleur fatale gaspillée dans la production électrique, l’incinération et l’industrie en Europe, équivaudrait à 500 milliards d’euros. Une partie de la réponse est sans doute à rechercher du côté de la préférence objective accordée à la production d’électricité renouvelable, même si, depuis quelque temps, cette situation tend à évoluer plus favorablement, par le biais d’autres préoccupations comme le logement social ou l’amélioration des bâtiments publics (UREBA exceptionnel) par exemple.
Parmi les autres raisons objectives de cette « frilosité » vis-à-vis des réseaux de chaleur, on incrimine surtout la complexité et le coût de mise en oeuvre de ces projets. Il s’agit souvent de réunir de (trop) nombreux partenaires – investisseurs, fournisseurs de combustibles, autorités locales, clients potentiels, entrepreneurs, équipementiers, ensembliers, etc. – qui devront s’accorder pour mener à terme un projet de longue haleine et s’engager dans des travaux souvent conséquents et donc forcément coûteux… Sans compter la concurrence, çà et là, d’un autre réseau centralisé à vocation plus « commerciale » : le gaz naturel.
D’où la question de la rentabilité et/ou du retour sur investissement (souvent proche de 20 ans) : le jeu en vaut-il la chandelle ? La réponse dépendra elle-même d’une série d’autres inconnues : l’approvisionnement en combustible est-il assuré à prix constant sur la durée ? (mais l’est-il plus dans le cas du gaz ou du fioul ?) Les clients « chaleur verte » seront-ils fidèles ? Comment vont évoluer les coûts des combustibles alternatifs ? Jusqu’à quel point les besoins en chaleur vont-ils diminuer dans un habitat qui vise (en principe) la très basse énergie ?
Quelques études récentes ont tenté d’échaffauder des hypothèses sur le long terme et de les évaluer. Avec des conclusions très constrastées qui ne dissuadent pas vraiment ceux qui estiment que, dans certains cas bien ciblés, les réseaux de chaleur peuvent aujourd’hui répondre à quelques exigences essentielles. Comme de valoriser sur place des potentiels locaux notamment issus de la biomasse. Ou de favoriser, toujours au niveau local, une certaine autonomie énergétique qui échappe au yoyo des marchés. Ou encore de développer un logement social en phase avec le développement durable et le recours aux renouvelables.
En réalité, le contexte s’avère relativement différent entre les trois Régions de Belgique. La Flandre, plus fortement industrialisée, dispose d’un bon potentiel de chaleur fatale poussant à la cogénération, tandis que la Wallonie peut valoriser, via son secteur forestier et ses activités agricoles, un important potentiel de biomasse dans de petites chaufferies locales bien positionnées…
… lire la suite dans le n° 62 du bulletin Renouvelle de l’association APERE (mars 2014 ).