Des haies pour se chauffer : 8 à 12 tonnes de bois par kilomètre
Les régions françaises de la Thiérache et de l’Avesnois, situées à l’Est des départements du Nord et de l’Aisne et au sud de la frontière belge sous la botte du Hainaut, se caractérisent par des espaces bocagers dont l’élément principal est la haie. En plus de sa valeur paysagère et environnementale, la haie possède également un potentiel économique et énergétique, que les agriculteurs de la région ont su valoriser.
Regroupés en une association, l’Atelier Agriculture Avesnois Thiérache (AAAT), ils ont ainsi pu développer toute une filière locale de valorisation de la taille des haies en plaquettes bocagères destinées à alimenter leur chaudière et celles de leurs concitoyens. Ils ont démontré la pertinence de leur projet en s’investissant dans l’organisation de la filière bois-énergie : installation de chaudières à plaquettes, achat du matériel nécessaire au déchiquetage, mise en place de lieux de stockage, …
Précisons que le gisement est bel et bien présent : le linéaire de haies hautes et arbres têtards (seuls propres à la production de plaquettes bocagères) a été estimé à plus de 3500 km ! Avec une fréquence de prélèvement raisonnable de 10-15 ans, la production se situe entre 8 et 12 tonnes de bois/km/an, cela représente pas moins de 35 000 à 38 000 tonnes annuelles potentiellement disponibles (résultats obtenus par mesures de chantiers de l’AAAT). En 2011, environ 1600 tonnes de plaquettes ont été produites via les 21 plateformes de proximité permettant le stockage et gérées par les agriculteurs de l’AAAT. Une part de ces plaquettes est auto-consommée et l’autre est commercialisée par l’AAAT.En Région wallonne, des projets existent aussi.
Notamment, le Groupe d’Action Locale (GAL) du Pays des Tiges et Chavées, regroupant les communes d’Assesse, Gesves et Ohey, se pose aussi la question de la valorisation des haies afin de favoriser leur maintien et leur implantation.
C’est dans ce contexte et en leur compagnie que ValBiom a pu voir l’exemple concret d’un agriculteur de l’Avesnois qui a choisi lui aussi de se lancer dans cette filière de valorisation. Il a été accompagné dans sa démarche par le Parc Naturel Régional de l’Avesnois. M. et Mme Szamrylo ont donc choisi d’installer une chaudière à plaquettes bocagères afin d’utiliser leur ressource, de gagner en indépendance énergétique et de réduire leur facture énergétique. La chaudière de 45 kW est entièrement automatisée : système d’alimentation en plaquettes (silo annexe), allumage, décendrage et régulation.
Elle permet de chauffer un volume de 1000 m³ et de produire l’eau chaude sanitaire de leur habitation et de la salle de traite. Les besoins thermiques, de l’ordre de 80.000 kWh/an, nécessitent la combustion d’environ 120 MAP. M. Szamrylo procède lui-même à la taille des haies et au stockage/séchage des plaquettes, mais doit faire appel à un entrepreneur pour le broyage. La plaquette bocagère, réputée de moins bonne qualité à cause de sa forte teneur en écorce (5 % de cendres) et de sa granulométrie peu homogène, ne demande pourtant pas beaucoup d’adaptation : le système de désilage et d’alimentation doit être suffisamment robuste (acier plein) pour ne pas coincer à cause des nombreuses queues de déchiquetage. L’exploitant consomme une bonne partie de sa production qui lui revient à environ 15 €/map, le reste est vendu dans la région. Ce projet de chaufferie permet l’économie nette d’environ 4300 € de combustible (prix du combustible bois déduit) par an, pour un investissement d’environ 37.000 € qui a bénéficié d’une aide à 47 %. Par rapport au mazout, le temps de retour a été estimé à 5 ans (9 ans sans subventions) et le projet évite l’émission de 31,8 tonnes de CO2 par an.
Même si la taille des haies en Wallonie ne permettra sans doute pas de répondre significativement à la demande croissante en bois-énergie, elle n’en reste pas moins une solution locale très intéressante pour les projets de chaufferie de moins de 500 kW. Le gros avantage de cette ressource est d’être totalement déconnecté des marchés industriels (panneautiers, papetiers, projets de chaudières grosses puissances) car elle n’est récoltable que très localement et à petite échelle. En plus de conserver et valoriser un élément environnemental et paysager, la valorisation de la taille des haies permet aux agriculteurs d’accéder à l’autonomie énergétique tout en diversifiant leurs débouchés.
Contacts :
- AAAT – Atelier Agriculture Avesnois Thiérache – 43 rue du Gal de Gaulle – 02260 LA CAPELLE – Tél : 03 23 97 17 16 – courriel : aaat@wanadoo.fr
- Parc Naturel Régional de l’Avesnois, 4 Cour de l’Abbaye, 59550 Maroilles : florian.lemeur@parc-naturel-avesnois.com