Le difficile positionnement de la cogénération biomasse, pourtant si évident
Editorial du Bioénergie International n°26 de Juillet-Août 2013
La cogénération est le moyen d’améliorer l’efficacité énergétique des systèmes de production d’électricité par voie thermique, en récupérant la chaleur du processus. Alors que classiquement, la production d’électricité pure se cantonne dans une plage de rendements énergétiques annuels compris entre 25 et 55%, et plutôt moins lorsqu‘il s’agit de combustibles solides, les installations de cogénération elles-mêmes ne parviennent pas toujours à faire beaucoup mieux. Prenons-en pour preuve le seuil minimum d’efficacité énergétique globale requis par le dispositif français des appels d’offre de la CRE pour la production d’électricité par la biomasse, qui n’est que de 50%.
Pourtant, le moyen pour réussir une cogénération effective, c’est-à-dire efficace, avec un niveau de rendement global équivalent à celui d’une installation de chauffage, c’est-à-dire autour de 80%, c’est de toujours penser en premier lieu aux besoins de chaleur ou de froid, et seulement ensuite, si les besoins de chaleur et d’électricité semblent concomitants, d’envisager une co-production électrique comme sous-produit de la chaleur, certains préféreront comme plus-value. C’est ce que font tous les bons pères de famille, tous les bons chefs d’entreprises industrielles et tous les bons gestionnaires de réseaux de chaleur. Soulignons que la concomitance des besoins, ou l’adaptabilité des besoins électriques aux besoins de chaleur, sont des conditions indispensables pour ne pas gaspiller la chaleur durant certaines périodes qui peuvent être longues : par exemple, une puissance de production électrique imposée et permanente, non modulable en fonction des besoins de chaleur, entraînera, hormis dans la grande industrie ou en base d’un réseau de chaleur, une dégradation très forte de l’efficacité énergétique de la cogénération, sauf à trouver un usage à cette chaleur
saisonnière.
Rappelons également que la cogénération à partir de biomasse, c’est-à-dire utilisant une énergie solaire stockée, est la production d’électricité renouvelable qui produit le plus de MWh par MW installé, car, hormis certaines productions au fil de l’eau sur des grands fleuves ou en géothermie profonde, c’est celle qui présente la meilleure disponibilité en tous temps et à tout moment de la journée ou de l’année. C’est donc une composante indispensable du dispositif de production d’électricité renouvelable, puisque la biomasse permet d’assurer une partie de la base des besoins, tous les jours, que ce soit en biocombustible solide, liquide ou gazeux. Tant que les autres énergies renouvelables ne disposeront pas de solutions de stockage, tant que les besoins de la société ne seront pas adaptés aux modes de production ou aux disponibilités, nous aurons besoins de productions basées sur des stocks, de biomasse renouvelable ou de combustibles fossiles.
Reste la pertinence technico-économique : sachant que dans les filières techniques les plus courantes, en vapeur, l’abaissement de la puissance thermique rime avec abaissement du rendement de conversion électrique, tombant en deçà des 20% dans des puissances inférieures à 10 MW thermiques, faut-il promouvoir la cogénération à base de combustibles solides dans les « petites » puissances thermiques, en deçà de 10 MW thermiques, c’est-à-dire pour l’immense majorité des besoins thermiques ? La réponse est toujours la même : oui si l’usage de la majorité de la chaleur du processus existe, et non dans l’autre cas. Et tout éloignement de cette discipline d’efficacité, si l’on tient à consommer de l’électricité à base de stock renouvelable, imposera de compenser cette mauvaise efficacité énergétique, et donc économique, par des tarifs d’achats élevés et qui pèseront sur les finances. A contrario, si les règles de sélection des candidatures à la cogénération biomasse, étaient plus corrélées à la capacité des candidats à atteindre un haut degré de cogénération, plutôt qu’à leur capacité à maintenir la stabilité d’un réseau électrique en flux tendu et sans stock, les niveaux d’obligation d’achat n’en seraient que plus bas, l’économie de ces projets n’en étant que meilleure, le tout allant dans le sens d’une économie performante et compétitive.
Frédéric Douard.
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