La montée en puissance encadrée du biogaz en France
Encore assez peu connu du grand public, le biogaz est pourtant la septième source de production d’énergie renouvelable primaire en France, devant le photovoltaïque. Elle profite depuis quelques années d’un regain d’intérêt de la part des pouvoirs publics alors que le soutien aux autres énergies renouvelables (EnR) s’affaiblit. Cette filière, plutôt ancienne, a bénéficié à la fin des années 2000 d’opportunités créées par les réglementations liées aux EnR et aux déchets.
La mise place à partir de 2010 d’un cadre réglementaire spécifique et en particulier les différentes revalorisations des tarifs de rachat de l’électricité ont ensuite accéléré son développement. Le plan Energie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA), annoncé en mars 2013 par le gouvernement, promet de belles perspectives pour la filière.
Des réglementations favorables ont créé les opportunités nécessaires au développement progressif de la filière
Au niveau européen, l’adoption en 2007 du Paquet Energie/Climat a fixé des objectifs ambitieux en matière d’EnR. La mise en place de différentes mesures et de mécanismes de soutien financier (fonds chaleurs, appels à projets biomasse, etc.) a ensuite permis de sonner un nouveau départ pour la filière. Les réglementations européennes et françaises relatives aux déchets, comme la directive cadre déchets de 2008, le fonds déchets et l’obligation progressive de valoriser 50% des déchets d’ici à 2020 ont également ouvert de nouvelles perspectives pour la filière.
Ce n’est qu’en 2010 qu’apparait une réglementation spécifique destinée à favoriser son décollage. Ainsi, la loi de modernisation agricole, les différentes autorisations et obligations (injection de biométhane sur les réseaux de gaz, double valorisation, obligation de valorisation des déchets) ont permis progressivement de rendre le marché plus attractif et mieux structuré, condition nécessaire à son développement. La croissance régulière du nombre d’installations s’est accélérée depuis 2006 avec l’évolution des tarifs de rachat, moteur important du développement récent de la filière.
Les différentes revalorisations des tarifs de rachat de l’électricité ont rythmé la croissance de la filière
Mis en place en 2002, les tarifs de rachat de l’électricité pour la filière biogaz ont ensuite connu 2 évolutions à la hausse en 2006 et 2011. Après ces revalorisations et grâce à des subventions élevées, l’activité de méthanisation est devenue plus attractive connaissant alors une croissance significative.
Après la première revalorisation de 2006, le nombre d’unités de la filière Agricole a progressé rapidement puisqu’il a été multiplié par 10 en 5 ans. Bien que plus modeste, la deuxième revalorisation de 32% (20% en prenant en compte l’indexation annuelle) a donné un signal fort et ainsi lancé une croissance durable pour la filière Agricole, confirmée par les estimations 2013. Pour la filière ISDND, la croissance apparait moins soutenue du fait des revalorisations des tarifs moins importantes et par le durcissement des réglementations : diminution du nombre d’ISDND et encouragement au recyclage par rapport au stockage.
L’émergence de la filière Ordures Ménagères a également été soutenue par ce dispositif. Elle suit actuellement une tendance similaire à celle de la filière Agricole.
Pour les filières STEP et Industrie, malgré la fermeture de certaines unités depuis le milieu des années 2000, ces tarifs de rachat avantageux pourraient encourager le développement de nouveaux projets.
La mise en place des tarifs de rachat pour l’injection de gaz est encore trop récente pour pouvoir analyser son impact mais avec près de 500 projets de raccordement étudiés actuellement par les gestionnaires de réseaux, on peut s’attendre à une croissance significative du nombre d’installations. Par ailleurs, la volonté politique affichée récemment avec le lancement du plan EMAA renforcera très certainement ces perspectives de croissances.
Le plan EMAA, lancé en mars 2013, confirme l’intérêt des pouvoirs publics pour la filière, en particulier Agricole
Un des volets de ce plan a pour objectif de développer la méthanisation agricole à échelle locale. En dotant Oséo d’un fonds de 10 millions d’euros pour ces projets, le plan prévoit de renforcer l’importance des mécanismes favorisant l’accès aux financements : garanties aux financeurs privés, co-financements bancaires et crédits-TVA. Les pouvoirs publics espèrent ainsi mobiliser les banques et investisseurs privés à hauteur de 2 milliards d’euros jusqu’en 2020. L’accès aux financements pour ces projets agricoles étant aujourd’hui une des difficultés majeures, ces mesures devraient permettre d’atteindre le seuil des 1 000 méthaniseurs à la ferme en 2020. L’effet de ces mesures risque cependant d’être affecté par la baisse des subventions voulue par l’ADEME. Celles-ci devraient passer en moyenne de 25% à 10% de l’investissement total dans les prochaines années.
Ce plan vise également à profiter du développement rapide du nombre de projets pour créer une véritable filière française de l’équipement notamment via le programme « Investissements d’Avenir » ou les « Appels à Manifestations d’Intérêt » de l’ADEME.
Ainsi, le développement de la filière méthanisation a dans un premier temps profité des opportunités créées par les réglementations EnR et déchets, aussi bien françaises qu’européennes. La mise en place d’un cadre spécifique a certes rendu le marché plus attractif et accessible mais ce sont en particulier les tarifs de rachat et leurs différentes revalorisations en 2006 et 2011 qui ont permis l’explosion du nombre d’unités, en particulier de la filière Agricole. L’autorisation de l’injection et de la double valorisation ainsi que les différentes mesures du plan EMAA vont soutenir cette croissance à condition que l’implication des financeurs privés et bancaires se concrétise.
C. de Lorgeril, F. Magnier, B. Hallo, SIA Partners
Cet article s’inscrit dans le cadre d’un dossier presse portant sur les filières biogaz, méthanisation et biométhane. Parallèlement, Sia Partners a développé une offre sur ces thématiques. Pour tous renseignements, contactez-nous.