En Allemagne comme en France, le secteur des biocarburants est dans l’incertitude
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Les 21 et 22 janvier derniers se sont réunis à Berlin les acteurs du secteur des biocarburants. Le congrès, intitulé « Carburants du futur 2013 », regroupait surtout des Allemands, en majorité des industriels, mais aussi des chercheurs, des politiques et des membres d’associations professionnelles. Cette conférence, organisée conjointement par la Fédération des bioénergies (BBE) et l’Union pour la promotion des plantes oléagineuses et protéagineuses (UFOP), portait à la fois sur les biocarburants de première, de deuxième et de troisième générations.
Biocarburants de première génération : des industriels mécontents
Concernant les biocarburants de première génération, fabriqués à partir de plantes alimentaires (colza, maïs…), un sentiment de mécontentement agite tous les acteurs industriels allemands. Ils s’estiment victimes d’un changement d’opinion sans fondement à propos de leur secteur dans la classe politique et l’opinion publique. Une des sources de ce mécontentement est la Commission européenne qui a proposé à l’automne 2012 certaines mesures concernant les BC de première génération. Elle souhaite d’une part limiter leur part à 5% de la consommation énergétique dans les transports, et d’autre part prendre en compte un critère basé sur l’effet CASI (pour Changement d’affectation des sols indirect, équivalent francophone de l’acronyme ILUC), en particulier une non-occupation des sols utilisés pour l’agriculture alimentaire humaine ou animale, pour l’autorisation ou non d’un biocarburant. Cette proposition de directive doit encore être acceptée par les Etats membres et le Parlement européen.
Un membre de la DG Energie de la Commission européenne, M. Oyvind Vessia, est venu présenter les raisons de cette proposition de directive. Sur la base d’une étude réalisée par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), la Commission estime que l’ILUC peut avoir un impact sur la diminution souhaitée des émissions de GES par les biocarburants. En conséquence, les aides financières aux biocarburants ayant un risque faible d’effet ILUC seront augmentées. Toujours selon cette étude, les BC de première génération ne peuvent de toute façon pas couvrir tous les besoins nécessaires pour le transport ; en effet, les capacités agricoles européennes ne seraient pas suffisantes pour fournir les cultures énergétiques nécessaires pour la production de biocarburants.
Néanmoins, pour les Présidents du BBE et de l’UFOP, lobbys des BC de première génération, le débat « Tank-Teller » (Réservoir-Assiette) selon lequel les biocarburants à base de produits alimentaires créeraient de la faim dans les pays du tiers-monde, entre autres en faisant monter les prix des denrées alimentaires, est un non-débat. Ils jugent encore possible de doubler les rendements agricoles en moyenne au niveau mondial. Ils estiment enfin que l’utilisation de BC de première génération est une nécessité dans le domaine des transports, en particulier aériens, et demandent son inclusion dans la prochaine révision de la loi EEG (loi sur les énergies renouvelables).
L’opinion des industriels est plus partagée : si les professionnels du monde agricole estiment que les cultures nécessaires aux BC de première génération ne ravissent pas de terres aux produits alimentaires mais seulement aux zones en friche, d’autres industriels demandent surtout plus de clarté en termes réglementaires, sous la forme d’une liste officielle, au niveau européen, des carburants acceptables. D’autres encore jugent même que les BC de première génération, dont le plus fort potentiel de croissance se situerait de toute façon dans les pays en voie de développement (notamment Asie du Sud-est), se heurtent à une double difficulté technique et d’acceptation du public, ce qui les condamnerait à moyen terme.
Autre point noir pour le secteur, la certification de la durabilité d’un biocarburant est un élément essentiel – et par ailleurs obligatoire – pour la communication autour de ce produit. Cependant, ce procédé, d’une part très coûteux pour les industries productrices, devient de plus en plus compliqué à mettre en place, poussant certaines entreprises à arrêter leurs filiales consacrées aux biocarburants. A l’heure actuelle, une quinzaine de producteurs industriels de biocarburants de première génération seraient actifs en Allemagne.
Le critère de durabilité est, dans ses grandes lignes, défini par la Directive européenne sur les énergies renouvelables (EU RED) de 2009. Celui-ci ne précise cependant pas tous les aspects relatifs aux biocarburants. A ceci s’ajoute le fait que sept des 27 pays de l’UE n’ont toujours pas transposé la directive RED dans leur droit national. En outre, les certificats de durabilité sont attribués selon différents systèmes, publics ou privés, nationaux ou européens. La Commission européenne reconnaît 13 systèmes de certification. La multiplicité de ces systèmes est clairement une source de complexité, puisque certains critères demandés par des systèmes allemands sont incompatibles avec ceux demandés au niveau européen.
Pour en savoir plus :
- Le site de la conférence (en allemand ou anglais) : event.bioenergie.de
- Certains scientifiques soutenant cette opinion avaient récemment publié une étude à ce sujet, ce qui avait fait l’objet d’un bulletin électronique : « Biocarburants en Allemagne : un modèle planétaire de calcul des surfaces propices à la culture de plantes à usage énergétique », BE Allemagne n° 585 – 05/10/2012 – www.bulletins-electroniques.com/actualites/71110.htm
BE Allemagne numéro 600 (7/02/2013) – Ambassade de France en Allemagne / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/72170.htm