Les biocarburants grands perdants de la conférence environnementale française 2012
Samedi 15 septembre 2012, à l’occasion de la clôture de la première conférence environnementale du gouvernement Ayrault, le premier ministre français a précisé les orientations de la transition écologique et énergétique. L’urgence environnementale exige une action déterminée, a-t-il dit. Il faudra cependant encore attendre presque un an pour en savoir plus, c’est à dire attendre que le débat sur la transition énergétique s’ouvre dans les prochaines semaines et que les conclusions de ce débat orientent ensuite le projet de loi de programmation sur la transition énergétique qui sera présenté au Parlement à la fin du premier semestre 2013.
Sur les grands principes, on ne peut que se réjouir de voir classer la transition énergétique comme premier grand chantier du gouvernement. Le premier ministre confirme ainsi, comme l’avait annoncé la ministre de l’environnement Delphine Batho à l’occasion du colloque national biomasse le 3 juillet dernier, que les réseaux de chaleur et la biomasse seront soutenus en prenant appui sur les initiatives locales déjà existantes ou en développement.
Parmi les promesses, il a été reconnu que pour développer les énergies renouvelables, les acteurs de ce secteur avaient besoin d’un cadre réglementaire stable qui soit en même temps transparent et favorable aux investissements. Et comme l’avait également annoncé François Hollande, le premier ministre a promis de simplifier les procédures administratives tout en maintenant un haut niveau d’exigence environnementale.
Par contre, notons une incohérence notable dans les propositions, quand Jean-Marc Ayrault déclare « il faut rompre avec le tout nucléaire pour la production d’électricité mais aussi rompre avec le tout pétrole pour les transports car ils sont antinomiques avec cette société de la sobriété que le gouvernement veut promouvoir ». Il a également rappelé que la France avait importé en 2011 pour 60 milliards d’euros de pétrole et de gaz, ce qui participe massivement au déficit du commerce extérieur. Dans le même discours, le premier ministre fait une proposition tout aussi antinomique : rompre avec le tout pétrole pour les transports et en même temps geler le développement des biocarburants !! Le premier ministre marque ici une rupture forte avec la politique engagée depuis 2005 par la France, faisant suite à la directive européenne de 2003 sur les biocarburants. Il annonce ainsi qu’il faudra veiller à éviter les conflits d’usage entre l’alimentation humaine et la production de biocarburant. Et il annonce que face à la hausse des cours des céréales et des oléagineux sur les marchés mondiaux, le gouvernement a décidé de demander à ses partenaires européens et au niveau international, une pause dans le développement des biocarburants de première génération. Et il ajoute qu’au plan national, le gouvernement avait décidé de plafonner le taux d’incorporation des biocarburants de première génération à 7% (contre 10% pour le gouvernement précédent) et d’atteindre les objectifs communautaires avec des biocarburants de seconde génération. Les agréments seront renouvelés jusqu’au 31 décembre 2015 puis le soutien public disparaitra.
Une mauvaise nouvelle pour les filières biocarburants françaises, en pointe au niveau européen depuis 2007, et une mauvaise nouvelle pour la diversification agricole et en particulier pour la filière oléagineuse qui voyait dans le biodiesel le moyen de réduire le déficit des importations de tourteau de soja par du tourteau de colza national, pour l’alimentation animale. Et toujours aucun mot pour autoriser les huiles végétales pures comme carburant comme le préconise la directive européenne.
Permettons-nous enfin quelque scepticisme pour l’après 2015 concernant la capacité des biocarburants de seconde génération à assumer les objectifs à 2020 de la France. Si dans 3 ans, la production d’agrocarburants est gelée, comment fera la France pour atteindre les 10% d’incorporation en 2020 alors que la recherche française sur les biocarburants de seconde génération n’en est encore qu’à ses débuts, que les premiers investissements de production de seconde génération ne seront opérationnels qu’en 2020-2025 et que les perspectives de coûts de production de ces carburants cellulosiques sont encore très loin des prix de marché ? Une telle mesure risque tout simplement d’amputer à la filière ses capacités d’investissement pour la seconde génération, capacités qu’elle peut constituer sur la base du marché actuel de la première génération. Il faudrait en effet que la filière puisse continuer à bénéficier du soutien public jusqu’à la mise en place industrielle de la seconde génération. Le « stop and go » permanent de la politique énergétique française est le cancer des alternatives énergétiques en France depuis 1974, car hormis le nucléaire, aucune autre filière n’a été soutenue durablement. En matière de cadre réglementaire stable cher à François Hollande, il va être question de revoir soit le discours soit la copie pour rester crédible !
Frédéric Douard, Bioénergie International