L’Europe peut-elle espérer l’indépendance énergétique ?
L’association Via sèva présente en France les premiers résultats de l’étude, réalisée par les universités d’Aalborg et d’Halmstad et financée par Euroheat & Power1. Alors que le 3ième sommet de la Terre s’est terminé à Rio, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement rappelait que les objectifs du millénaire pris il y a 12 ans n’ont pour la plupart pas été tenus.
Conscients que le rôle et l’engagement de l’Europe seront déterminants pour la préservation de la terre, les dirigeants européens font cependant face à une crise économique sans précédent et doivent avant tout veiller à l’équilibre des budgets. Une alchimie délicate à opérer !
C’est dans ce contexte que les universités d’Aalborg et d’Halmstad ont analysé le marché européen de la chaleur et ses perspectives d’avenir tant en termes économiques qu’environnementaux. Cette étude s’attache par ailleurs à démontrer les bénéfices que notre continent pourrait tirer de la mise en place d’alternatives au système actuel, notamment via le développement des réseaux de chaleur.
La chaleur en Europe : constats et perspectives
Afin de pouvoir analyser au mieux les évolutions possibles des politiques énergétiques européennes, l’étude réalise tout d’abord un bilan de celles mises en oeuvre actuellement. Ainsi, il apparait que leur maintien devrait permettre d’atteindre l’objectif des 3×202 et aura pour conséquence d’ici 2050 :
- une baisse progressive du nucléaire jusqu’en 2030 puis un retour au niveau de 2010 en 2050,
- une amélioration de la performance du réseau électrique, notamment grâce à la cogénération (production simultanée de chaleur et d’électricité),
- une baisse de la demande de chaleur des bâtiments due à une meilleure isolation du bâti.
En revanche, il ne permettra pas l’accès équitable et universel aux énergies renouvelables, que François Hollande, Président de la République s’est fixé comme étant l’un de ses objectifs pour la conférence de Rio.
L’Europe n’est d’ailleurs pas un exemple en la matière : aujourd’hui plus de deux tiers des énergies utilisées pour chauffer les bâtiments sont des énergies fossiles (19 % sont du pétrole et 45% du gaz naturel). Des chiffres qui témoignent également de la dépendance énergétique de l’Europe qui importe dans sa grande majorité le gaz naturel et le pétrole qu’elle utilise. Une réalité à mettre en corrélation avec la hausse inévitable des prix de ces énergies !
« C’est dans ce contexte que les réseaux de chaleur semblent être une alternative viable et durable. », précise Guillaume Planchot, Président de Via sèva.
En effet, chauffage central à l’échelle d’un quartier, voire d’une ville, il s’agit du seul mode de chauffage qui puisse, à grande échelle, utiliser des ressources locales (géothermie, biomasse…) et valoriser les énergies aujourd’hui perdues en Europe (chaleur industrielle,…). C’est donc là une des clés de l’accès plus rapide de tous aux Energies Renouvelables & de Récupération.
Développement des réseaux de chaleur : quels avantages pour le marché de l’énergie ?
Ainsi, si aujourd’hui, seuls 12% de la population totale des 27 pays européens analysés sont chauffés grâce à un réseau de chaleur, l’étude a testé les bénéfices sur la situation énergétique européenne si leur taux de couverture passait à 30% puis à 50% de la population.
La stabilité des prix – Les réseaux utilisent pour leur production de chaleur un panel d’énergies (bouquet énergétique) leur permettant d’adapter leur approvisionnement aux coûts des énergies. Pour les usagers, c’est donc la garantie d’un prix stable. Cette caractéristique est d’autant plus importante à la lumière des augmentations de prix prévues pour les deux principales énergies utilisées en Europe. En outre, les réseaux de chaleur favorisent l’utilisation des Energies Renouvelables & de Récupération – ENR&R, dont les coûts d’exploitation sont majoritairement liés aux équipements.
Un vivier d’ENR&R à exploiter – Pour cela, une réelle volonté politique et des investissements sont nécessaires puisque seuls :
- 7% de la chaleur issue de l’incinération des déchets et 17% de la chaleur résiduelle liée à la production d’électricité sont aujourd’hui utilisés par les réseaux de chaleur en Europe,
- 1% du potentiel offert par la biomasse, 3% de la chaleur industrielle et à peine 0,001% des ressources géothermales sont exploités par les réseaux. Sans compter que ces derniers n’en sont qu’aux balbutiements de l’utilisation du solaire thermique…
Un potentiel de réduction des émissions de CO2 – L’étude constate par ailleurs que, dans la configuration actuelle du bouquet énergétique des réseaux de chaleur et avec une couverture étendue à 50% de la population totale de l’UE, la consommation des énergies fossiles et les émissions de CO2 diminueraient de respectivement 9% et 13%.
Si des investissements étaient réalisés pour favoriser l’utilisation des ENR&R par les réseaux de chaleur à travers la valorisation énergétique du traitement des déchets, la géothermie, le solaire thermique…, cette baisse passerait à 13% pour la consommation d’énergies fossiles et à 17% pour les émissions de CO2.
« Cette simulation parait d’autant plus intéressante que les réseaux de chaleur, trouvant tout leur sens en ville, sont en adéquation avec l’urbanisation en cours en Europe », commente Guillaume Planchot. En effet, l’étude estime que 73 % des européens vivaient en zone urbaine en 2010 et qu’ils seront 84% à être citadins en 2050.
Favoriser l’économie européenne : création d’emplois et compétitivité
Le coût annuel du chauffage (production, distribution, maintenance) estimé à 130 Milliards d’euros en 2010, passerait selon l’étude à 140 Milliards en 2030 et à 136 milliards en 2050.
Une augmentation progressive à 50% de la population raccordée à un réseau de chaleur permettrait de réduire de 11% le budget alloué au chauffage à l’horizon 2050, passant ainsi à un cout de 128 milliards en 2030 et 122 milliards en 2050.
Cette diminution du budget de chauffage allant de pair avec l’utilisation prioritaire des énergies locales permettrait de conserver les investissements en Europe (par opposition aux coûts des énergies importées).
Cette configuration serait également bénéfique à l’emploi en Europe avec un besoin de l’ordre de 8 à 9 millions d’années-homme entre 2013 et 2050, soit environ 220.000 nouveaux emplois. « Parmi eux, la France prévoit de créer de 20 000 à 25 000 emplois à l’horizon 2020, hors filière bois. (Source : CGDD – Références avril 2011).
L’étude démontre par ailleurs que le réseau électrique européen souffre d’un manque de souplesse. En effet, même si l’électricité devenait majoritairement produite à partir d‘EnR&R, l’Europe serait toujours en surproduction : environ 5% de la production totale continuerait d’être perdue et ce chiffre s’élèverait à 20% pour la production à partir de l’éolien.
C’est dans ce cadre, que la cogénération trouve tout son sens. De nombreux réseaux de chaleur produisent déjà simultanément chaleur et électricité. Le développement de cette production combinée permettrait de soutenir le réseau électrique en période de pointe et ainsi de le rendre plus flexible à la demande et donc plus compétitif.
>> Télécharger l’étude complète (en anglais) – PDF 9,38 Mo
L’association Via sèva est le point de rencontre et d’échanges entre les gestionnaires des réseaux de chauffage et de climatisation, les collectivités territoriales, les organismes publics, les industriels, les équipementiers, les conseils en urbanisme et architecture et les associations d’usagers. L’objectif de l’association est de favoriser la compréhension du grand public sur le fonctionnement des réseaux de chaleur et de froid. www.viaseva.org
Notes
- 1 – L’association internationale des réseaux de chaleur et de froid
- 2 – Réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leurs niveaux de 1990, porter la part des énergies renouvelables à 20% de la consommation et réaliser 20% d’économies d’énergie
2 réponses
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