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Instaurer une contribution climat-énergie en France

Le seuil de 400 ppm de CO2 dans l’atmosphère a été atteint en juin 2012, nous éloignant un peu plus de notre objectif de maintenir la hausse de température à 2°C d’ici à 2050. L’Organisation Météorologique Mondiale a constaté qu’en 2010 les températures moyennes à la surface du globe « ont atteint des valeurs records (…) qui confirment l’accélération du réchauffement constaté ces 50 dernières années ».

Ce réchauffement entraîne la multiplication sans précédent de catastrophes naturelles dans plusieurs parties du globe où les victimes se chiffrent en milliers: canicule en Russie, inondations exceptionnelles au Pakistan, etc. En parallèle, le monde souffre d’une grave crise énergétique qui n’épargne pas la France. La consommation d’énergie en France n’a cessé d’augmenter au cours des dernières décennies (+50% de consommation d’énergie primaire entre 1973 et 2010)1 . Sur cette même période, la consommation d’électricité a été multipliée par trois, essentiellement dans le secteur résidentiel et tertiaire.
Cette hausse se lit sur la facture énergétique de la France qui atteint un nouveau record en 2011 dépassant les 60 milliards d’euros, soit une hausse de plus de 30% par rapport à 2010 (46 milliards).2 Aujourd’hui, la consommation d’énergie finale des français est satisfaite à plus de 70% par les énergies fossiles, à 17% par le nucléaire et à 11% par les énergies renouvelables.

La contribution climat-énergie, un instrument clé pour la transition énergétique

La contribution climat énergie est un instrument clé pour réduire la dépendance aux énergies fossiles, qui permettra d’éviter que la hausse inéluctable du prix de l’énergie ne soit subie, notamment par les catégories les plus modestes.
Elle a été abandonnée par le gouvernement français, renvoyant la question au Conseil de l’Union Européenne compétent sur les questions du fiscalité mais où l’unanimité est de mise et l’instauration d’une taxation sur l’énergie et le CO2 a de maigres chances d’aboutir.
Or les outils réglementaires, financiers et fiscaux existants destinés à économiser l’énergie et à développer les énergies renouvelables ne peuvent réduire suffisamment, à eux seuls, les émissions de gaz à effet de serre. Ils peuvent dans une certaine mesure encourager les choix d’équipements (achats de véhicules etc) les plus vertueux mais n’agissent pas sur leur niveau d’utilisation, pas plus que sur les choix de localisation des ménages et des entreprises.
La France n’est pas sur la bonne voie pour respecter ses engagements pris pour lutter contre les changements climatiques.3 ! Une contribution climat énergie est nécessaire pour amorcer et financer la transition écologique sur laquelle s’est engagé le nouveau gouvernement français.
Taxer la consommation d’énergie est efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, comme le montrent des centaines d’études statistiques. Un article récemment publié par le professeur Thomas Sterner4 synthétise ces études et montre qu’à long terme, si l’on augmente de 1% le prix des carburants, la consommation diminue de 0,6 à 1%. Sur cette base, il montre que les pays de l’OCDE réduiraient d’un tiers leur consommation de carburant en adoptant le taux de taxe sur les carburants le plus élevé (celui du Royaume-Uni).

Recommandation des ONG sur la mise en place de la contribution climat énergie : Taxer la consommation d’énergies non renouvelables (pour les émissions d’origine énergétique) et les émissions directes de gaz à effet de serre (pour les autres émissions).

La Contribution climat énergie (CCE) constitue un outil indispensable. Elle doit être mise en œuvre de manière ambitieuse et dans les plus brefs délais, et ce, à l’échelle nationale. En effet, la règle de l’unanimité empêche l’adoption d’une taxe énergie-climat significative à l’échelle européenne comme en témoigne le rejet par les Etats membres d’une proposition faite en ce sens par la Commission européenne au début des années 1990.

Un outil simple: une contribution assise sur la consommation d’énergie
La seule solution viable avec un coût de gestion limité consiste à taxer la consommation d’énergies non renouvelables (pour les émissions d’origine énergétique) et les émissions directes de gaz à effet de serre (pour les autres émissions).

Une trajectoire de prix conforme, au minimum, à celle des rapports Quinet et Rocard
Le rapport «Quinet» du Centre d’analyse stratégique publié en 20085 a permis d’aboutir à un compromis entre les représentants de l’administration, des ONG de protection de l’environnement, des syndicats et des entreprises autour d’un prix du CO2 à 32 euros la tonne en 2010, 56 euros en 2020 et 100 euros en 20306. Cette trajectoire augmente ensuite de 4% par an jusqu’à atteindre 200 euros en 2050. C’est également la trajectoire qui a été retenue dans le rapport Rocard de juillet 20097. Cependant, les dernières publications scientifiques invitent à renforcer l’ambition des politiques environnementales8.
Les valeurs indiquées dans le rapport Quinet constituent donc un minimum. En Suède, la taxe sur le CO2 introduite en 1991 s’élève à près de 100 euros la tonne (au taux de change de 2009), soit le taux proposé pour la France en 2030 par le rapport Quinet9.

Une taxation étendue à la consommation d’électricité
Les consommateurs d’électricité qui bénéficient de tarifs régulés ne paient pas le prix des quotas de CO2. S’ils paient une taxe sur leurs émissions directes de CO2 (chauffage au gaz ou au fuel), mais pas sur leur consommation d’électricité, cela pose deux problèmes (au-delà même des impasses du nucléaire)10:

  • ce dispositif renforce l’incitation au choix du chauffage électrique, qui est pourtant plus émetteur de CO2 qu’un chauffage au gaz11
  • cela n’incite pas à réduire la consommation d’électricité alors que cette dernière augmente très rapidement : le secteur résidentiel français a vu sa consommation d’électricité multipliée par 7 entre 1970 et 2010.

Une prise en compte de tous les gaz à effet de serre
Les gaz à effet de serre autres que le CO2, tel que le protoxyde d’azote issu des sols agricoles, représentent environ 25% des émissions françaises. Bien qu’il ne soit pas possible d’estimer ces émissions aussi précisément que celles du CO2, on peut les approcher par la consommation d’engrais azotés. C’est d’ailleurs la méthode retenue dans l’élaboration de l’inventaire national des émissions de gaz à effet de serre. Il est donc nécessaire de taxer la consommation d’engrais. Les bénéfices seraient multiples: réduction des émissions de gaz à effet de serre, des pollutions azotées (nitrates) et des consommations d’énergie fossile.
Dans le secteur du traitement des déchets, la CCE doit s’appliquer sur les deux principaux traitements émetteurs de gaz à effet de serre (non couverts par le système de quotas européen) : l’incinération et la mise en décharge. La CCE sur l’incinération devrait prendre en compte, en complément de la TGAP12, le contenu en carbone fossile des déchets. La CCE sur la mise en décharge devrait s’appliquer au contenu biodégradable des déchets, responsable des émissions  diffuses de méthane dans l’atmosphère. Les « CCE déchets » auraient pour effet d’inciter à la réduction des déchets et au développement d’alternatives moins émettrices de GES (compostage, recyclage)13.
Il serait par ailleurs possible d’instaurer une taxe sur la vente de gaz fluorés en fonction de leur contribution au réchauffement.

Une taxe vraiment générale: pas d’exonération, pas de baisse des taxes préexistantes
Les taxes existantes sur l’énergie (TIPP, TICGN et TICC) souffrent de multiples exonérations. Il est important d’éviter ces dernières dans le cas de la CCE, sauf éventuellement pour les installations industrielles soumises au système de quotas européen. Il est également essentiel de ne pas baisser ces taxes préexistantes, qui sont justifiées par d’autres externalités (dont le coût de l’entretien des routes pour la principale d’entre elles, la TIPP), sans quoi la CCE perdrait une grande partie de son efficacité.

Les recettes de la contribution climat énergie
Elles doivent être utilisées pour soutenir les ménages à faibles revenus et pour financer les économies d’énergie, en particulier les transports en commun et l’isolation des bâtiments. La compensation pour les ménages ne doit dépendre que du revenu du ménage et non de sa consommation d’énergie, pour ne pas annuler l’effet de la contribution.

Notes

  1. Bilan énergétique de la France pour 2010, juin 2011, Commissariat Général au Développement Durable.
  2. Le Figaro : La facture énergétique de la France atteint un record
  3. Voir Objectifs de la France : où en sommes-nous ? p.22.
  4. Sterner, Thomas (ancien président de l’Association européenne des économistes de l’environnement et des ressources naturelles) – 2007 – Fuel taxes: An important instrument for climate policy, Energy Policy 35, pp. 3194–3202
  5. Centre d’analyse stratégique, La valeur tutélaire du carbone, juin 2008,
  6. Ceci en euros constants, c’est-à-dire déduction faite de l’inflation.
  7. Rapport de la conférence des experts et de la table ronde sur la contribution Climat et Énergie
  8. WWF, Climate change : faster, stronger, sooner. octobre 2008, www.panda.org
  9. Katrin Millock, La taxation énergie-climat en Suède, Document de travail, Centre d’Economie de la Sorbonne, juin 2009.
  10. Réseau Action Climat France, Agir pour l’Environnement, Amis de la Terre, France Nature Environnement, Greenpeace, Réseau sortir du Nucléaire, WWF, Face à la menace climatique, l’illusion du nucléaire. Novembre 2007.
  11. Un chauffage direct par gaz naturel émet environ deux fois moins de CO2 qu’un chauffage électrique par convecteur alimenté par une centrale à gaz, même si cette dernière est à cycle combiné, du fait des pertes importantes lors de la production de l’électricité (entre 45 et 50%) et de son transport (environ 10%).
  12. Taxe générale sur les activités polluantes
  13. La France a du retard par rapport à ses voisins européens et se distingue par une faible performance de valorisation matière : nous recyclons et compostons 29 % de nos déchets municipaux, c’est-à-dire moins qu’en Italie, qu’en Espagne ou qu’en Autriche et en Belgique où ce taux dépasse les 50%. Pour plus d’informations : www.cniid.org

Fiché réalisée par Le Réseau Action Climat – France (RAC-F)

www.stopsubventionspollution.fr