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Le réseau de chaleur, meilleur vecteur de développement des énergies renouvelables et de récupération

Pose des conduites enterrées de la chaufferie bois de Tramayes en Saône-et-Loire, photo Michel Maya

Article de SIA Partners paru sous le titre : « Des réseaux de chaleur pour stimuler les politiques énergétiques »

L’association européenne Euroheat & Power estime que la quantité de chaleur gaspillée dans la production électrique, l’incinération et l’industrie en Europe serait équivalente à 500 milliards d’euros soit mille euros par Européen1. Dans un contexte marqué par une hausse des énergies primaires et d’une dépendance énergétique croissante, les réseaux de chaleur offrent une solution intéressante pour récupérer cette chaleur. La chaleur représente en France la moitié de l’énergie finale consommée ce qui en fait un gisement d’économies potentielles particulièrement intéressant.

Les réseaux de chaleur : un levier pour éviter les gaspillages d’énergie

Un réseau de chaleur est constitué de centrales de production – produisant également de l’électricité par cogénération dans certains cas –reliées à un réseau de distribution par canalisations thermiquement isolées. Ces systèmes peuvent ainsi répondre aux besoins en chauffage et en eau chaude sanitaire des sites résidentiels et commerciaux, ainsi que les besoins en chaleur des sites industriels.
Dans des zones urbaines relativement denses, les économies d’échelles permettent une meilleure efficacité énergétique qu’avec des systèmes décentralisés (chaudière individuelle ou collective). Avec des tuyaux isolés thermiquement, les pertes peuvent être limitées à 1°C par kilomètre, ce qui reste négligeable à l’échelle d’un quartier.

Une production de chaleur diversifiée et fiable pour toutes les utilisations

Les réseaux de chaleur représentent aussi un levier sans égal pour les énergies renouvelables. Ils offrent un débouché pérenne pour les centrales à cogénération, l’énergie de récupération des usines d’incinération des ordures ménagères, la géothermie et la biomasse. Ils jouent ainsi un rôle significatif dans l’approvisionnement en chaleur à faible contenu carbone par rapport à la production de chaleur décentralisée.

Mix énergétique des réseaux de chaleur en France en 2010, source ADEME

Les freins au développement des réseaux de chaleur en France

Dans les pays de l’Europe de l’est les réseaux de chaleur sont largement répandus car ils correspondent au modèle de l’économie planifiée de l’ex-Union Soviétique. Leur taux de pénétration est bien moindre en Europe de l’ouest. Le Danemark et la Suède ont favorisé leur développement et la majorité de la chaleur qui y est consommée transite par les réseaux de chaleur. La France, elle, possède un peu plus de 450 réseaux de chaleur ne comptant que pour 6% de la chaleur livrée en France. Une part de marché bien faible face à celle de l’électricité (42%), du pétrole (33%) ou du gaz (13%).

Part de marché des réseaux de chaleur sur le marché de la production de chaleur, source IEA (Cliquer pour agrandir)

Malgré tous les avantages des réseaux de chaleur, il n’en reste pas moins que ce sont des installations fortement capitalistiques. L’amortissement du réseau et des installations de chauffage ne peut s’effectuer que sur des périodes de l’ordre d’une vingtaine d’année. Or, les marchés libéralisés se focalisent aujourd’hui sur un rendement à court terme élevé.
Dans ce contexte, les infrastructures énergétiques devraient être supportées par des politiques publiques efficaces au nom de l’intérêt général. Un retour sur investissement adéquat doit être assuré aux investisseurs et aux opérateurs entre contrepartie des bénéfices pour la société : diminution des importations d’énergie, stabilité des prix et performances environnementales.

Coût global moyen sur 20 ans pour un bâtiment classé C dans le DPE en € TTC par logement et par, source AMORCE - Note 2 (Cliquer pour agrandir)

Il serait également intéressant d’assouplir les réglementations contractuelles et laisser la priorité aux réseaux de chaleur dans les nouvelles zones urbaines. Un chantier critique serait de faire tomber les obstacles à leur développement. En effet, les dispositifs de soutien aux pompes à chaleur et aux chaudières à condensation perturbent la concurrence en plus de l’obligation de payer des quotas de CO2, ce qui n’est pas le cas des systèmes de chauffage individuels au gaz, au fioul ou à l’électricité.
Au niveau national, il est important de prendre conscience des enjeux et des opportunités liées aux réseaux de chaleur afin de fixer des objectifs précis. L’exemple du Danemark est édifiant dans le développement des réseaux de chaleur dans les zones urbaines et pourrait servir de modèle.

L’exemple Danois : une politique énergétique efficace

Au Danemark, la part de marché des réseaux de chaleur dépasse les 50%. La politique des collectivités locales et du gouvernement a été particulièrement volontariste sur le sujet. Depuis 1988, le chauffage électrique est interdit dans les bâtiments. En 1977, une taxe a été créée sur le pétrole, l’électricité et le charbon, contribuant à rendre économiquement viables les investissements dans les réseaux de chaleur. Les projets de développement de réseaux de chaleur ont par ailleurs bénéficié de subventions, entre la fin des années 70 et le début des années 2000.
Au niveau local, les collectivités ont un pouvoir de décision sur le mode de chauffage à utiliser pour chaque zone (chauffage urbain, réseau de gaz ou système individuel) et sur les sources d’énergie à utiliser. De plus, une obligation de raccordement est éventuellement décidée. L’obligation de raccordement existe en France mais elle est contrainte par des obligations d’utilisation d’énergies renouvelables (à hauteur de 50% de l’énergie primaire).

Le Fond Chaleur mis en place par l’ADEME3, doté d’une enveloppe d’1,2 milliard d’euros sur 5 ans, a permis de favoriser le développement de projets de réseaux de chaleur. Cependant, ce fond est sous la menace constante d’un coup de rabot budgétaire. Même si ce fond est une aide importante, lever les obstacles non financiers est une étape indispensable et moins coûteuse.

Les réseaux de chaleur apparaissent comme le meilleur moyen de promouvoir les énergies décarbonées ou à faible impact environnemental. Ils ont également un fort impact sur l’indépendance énergétique de la France. Devant les enjeux de hausse des coûts de l’énergie, de gaz à effet de serre et de dépendance vis-à-vis des énergies fossiles, il est important qu’ils ne soient pas négligés dans les politiques locales et nationales. Il est grand temps que les pouvoirs publics prennent une décision et donnent une orientation forte. Elle permettra aux consommateurs de ne pas subir la hausse endémique du coût de l’énergie en maîtrisant leur consommation.

Sia Partners

Notes :

  • (1) “District Heating or Cooling – or how to boost the European economy!” ; Valorisation obtenue en appliquant le prix du pétrole au volume de chaleur généré et dissipé sans aucune valorisation par le système énergétique européen.
  • (2) Hypothèses : augmentation annuelle du prix des énergies : 3% réseaux >50% EnR&R ; 4% Réseaux <50% EnR&R ; 6% gaz ; 7% fioul ; 6% électricité pendant 4 ans puis 3%
  • (3) Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie