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Une électricité parfois seulement à moitié verte

Éditorial du magazine Bioénergie International n°17 de février 2012

Représentation d'un projet de centrale électrique à la biomasse de 50 MWé en Angleterre, à Teesside

Dans le monde des bioénergies, il est naturel de se réjouir lorsque que nouveaux marchés sont conclus en faveur de la biomasse, et c’est le cas depuis quelques années pour le recours au bois dans de grandes chaufferies d’Europe ou d’Amérique du Nord, en remplacement d’énergies fossiles. Tant que les ressources qui servent à produire ces biocombustibles existent en abondance et sans concurrence d’usage, tant que ces ressources sont exploitées durablement (en intégrant le respect des milieux et des populations) et tant que ces biocombustibles sont utilisées efficacement, il y a toutes les raisons d’être totalement satisfait de ces prises de marchés. L’important n’est pas la quantité de combustible ou les distances parcourues par celui-ci, aussi gigantesques puissent-elle être, mais le bilan environnemental, social et économique de ces opérations.

Dans ce numéro du magazine Bioénergie International, nous parlons de cogénération, l’un des modes de production énergétique les plus efficaces et donc des plus durables. Cette pratique intelligente n’est malheureusement pas là règle partout, et des pratiques empruntées à un age où on ne voulait pas savoir pas que les ressources étaient limités, gagnent aujourd’hui la biomasse. En effet, avec l’accélération des calendriers politiques environnementaux, des choix sont faits au titre de l’économie verte, alors même qu’ils ne réunissent pas toutes les conditions d’un développement durable.

En particulier, lorsqu’il s’agit de produire de l’électricité verte, rapidement et simplement, avec de la biomasse, des décideurs vont emprunter le modèle technique des centrales électriques classiques, c’est à dire sans récupération de chaleur.  Alors effectivement des tonnes de CO2 fossile sont substituées par des tonnes de CO2 renouvelable, mais est-ce totalement durable ? Des investissements colossaux sont réalisés pour 25, 30 ou 40 ans, et cette transition, peu exigeante en matière d’efficacité, peut entamer pour longtemps des marges importantes de compétitivité et donc de crédibilité même de la filière. Car l’efficacité maximum théorique de ces projets de centrales électriques à biomasse, même avec les toutes dernières technologies à très haute pression, ne peut guère dépasser les 40% de rendement d’exploitation, ce qui est 2 fois moins bon que les meilleures rendements de réseaux de chaleur ou de cogénération. Ceci veut dire que d’un point de vue compétitivité, ces installations sont condamnées à consommer deux fois plus de biomasse que d’autres mieux pensées. Et en la matière, le « bien penser » est de produire de l’électricité, d’une part  partout où l’on a de gros besoins de chaleur, et d’autre part de produire cette électricité seulement durant les périodes où l’on utilise la chaleur. Dans ces conditions, les pertes sont réduites au minimum et la compétitivité est maximale. A l’inverse, dans les productions sans valorisation de la chaleur, le recours aux subventions de fonctionnement est indispensable, notamment par le biais d’un prix fortement subventionné de l’électricité, qui représente une charge importante soit sur les contribuables soit sur les consommateurs.

On perçoit ici toute la pertinence de la conjonction des efficacités environnementales, sociales et économiques du développement durable, qui contribue à ce que des solutions soient durables. Des systèmes peu efficaces comme les centrales électriques sans cogénération, sont condamnées à rencontrer rapidement leurs limites, qu’elles soient économiques lorsque que le subventionnement pèsera trop lourd sur les économies, ou qu’elles concernent l’accès à la ressource, car en la dilapidant deux fois plus vite que nécessaire, ces modèles en accélèreront deux fois plus vite la raréfaction et en accélèreront deux fois plus vite l’augmentation du prix.

Enfin, souhaitons que ces politique favorables à l’électricité verte, ne se terminent pas comme la politique française de ces dernières années pour le photovoltaïque : outrancièrement incitative, elle a engendré beaucoup d’opérations d’aubaine, et son succès fulgurant, n’ont pu conduire qu’à son arrêt prématuré par surconsommation de subventions. Souhaitons que pour la biomasse, ce type de dessein ne fût pas imaginé !

Frédéric Douard, Bioénergie International

Consulter le Magazine Bioénergie International n°17 de février 2012.


1 réponse
  1. 7 février 2014

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