Agroforesterie, produire écologiquement plus de biomasses
L’agroforesterie est un mode d’occupation du sol associant arbres et cultures annuelles sur une même parcelle. Dans le cadre du second pilier de la PAC, la Commission européenne a instauré, pour la période 2007-2013, une mesure européenne de soutien à l’agroforesterie, qui sera vraisemblablement reconduite pour la prochaine période 2014-2020. D’après les premières estimations, le cap des 10 000 hectares d’agroforesterie pourrait être atteint en France métropolitaine d’ici 2013. Mais quels sont les véritables enjeux aujourd’hui pour l’agroforesterie ?
Se positionnant clairement comme une pratique agronomique, et non comme un boisement de terres agricoles déguisé, l’agroforesterie replace l’arbre au cœur du système de production, ce qui présente des intérêts à l’échelle de la parcelle mais également à une échelle territoriale plus large : paysage, biodiversité, adaptation au changement climatique, etc.
Associer arbres et cultures permet de produire davantage
Contrairement à ce que l’on peut penser spontanément, la concurrence arbre/culture n’est pas forcément à éviter. Dans toutes les études scientifiques menées en milieu tempéré, l’association se révèle plus productive que la séparation des cultures et des arbres. Ainsi, une parcelle agroforestière peut produire jusqu’à 60 % de biomasse de plus, en comparaison avec un assolement de cultures pures7. Une compétition pour la lumière bien gérée permet une production agricole soutenue et une productivité accrue des arbres, mieux ancrés dans le sol. Pendant la première partie de la vie des arbres, le rendement des cultures est identique au témoin agricole. Dans la seconde partie, le rendement sera dégressif, plus ou moins fortement selon les densités. Avec une densité de 50 arbres à l’hectare, la culture reste rentable jusqu’à la coupe des arbres.
La forte productivité des arbres en milieu agroforestier, qui peut être jusqu’à 2 à 3 fois supérieure à la productivité en ambiance forestière, est source de diversification économique pour l’agriculteur. Avec une cinquantaine d’arbres à l’hectare, il dispose en effet d’un potentiel de 40 m3 de bois d’oeuvre au final, négociable entre 10 000 à 20 000 € le lot. Selon les essences, et surtout selon la qualité des soins qualité des soins donnés (taille et élagages, valorisation en énergie), la rentabilité sur le long terme peut être supérieure au scénario agricole sans arbre. D’autant que les perspectives de prix du bois sont encourageantes. L’Europe reste en effet le premier importateur de bois d’oeuvre et commence à importer du bois-énergie. Et si la France exporte du bois brut, notamment du chêne, elle importe aussi beaucoup de grumes et sciages.
Le secteur bois brut est déficitaire de plus de 500 millions €, pour une balance globale bois et dérivés déficitaire de 6,4 milliards en 20109, soit 12 % du déficit de la balance commerciale française. Compte tenu du renchérissement du prix de l’énergie et de la demande grandissante en matériaux et combustibles renouvelables, dans la construction mais aussi dans l’industrie, couplés à une demande plus forte des pays émergents, il est vraisemblable que la filière bois sera sollicitée de plus en plus fortement. En outre, de nouveaux marchés se développent autour de la biomasse, que ce soit en bois-énergie ou en bio-composants pour la chimie et l’industrie. Les recherches sur les matériaux à base de bois, de fibres végétales, associés à des polymères ou plastiques d’origine renouvelable avancent rapidement. Ainsi, une récente étude du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (GAAER) envisage une conversion de 4 millions d’hectares de SAU en cultures énergétiques dédiées, essentiellement du taillis à courte rotation (TCR), pour répondre à cette future demande. Mais le projet Ecobiom de l’institut Forêt cellulose bois ameublement (FCBA) souligne les réticences du monde agricole au développement de ces cultures de taillis.
Toutes ces évolutions posent en effet la question récurrente de l’approvisionnement. La plupart des études de prospection souligne que l’arbre peut être pourvoyeur de cette ressource ligno-cellulosique. Mais à condition que sa production n’empiète pas sur les surfaces agricoles, ce que permet l’agroforesterie au contraire des productions sous forme de taillis à courte rotation.
La productivité des parcelles agroforestières serait alors intéressante à exploiter et l’avantage serait double : chaque intervention sur les houppiers des arbres adultes génère un revenu intermédiaire pour l’agriculteur et permet de relancer la production intercalaire par une augmentation de l’ensoleillement. Des simulations menées à l’Inra montrent qu’avec 100 arbres dont on récolterait périodiquement les branches (tous les 5 ans en moyenne), on permet une production intercalaire continue jusqu’à la coupe finale de ces arbres. Enfin, la configuration des parcelles agroforestières permettrait d’envisager une mécanisation facilitée par les progrès des machines de récolte de biomasse (sécateur-broyeur hydraulique). La vente de cette biomasse pourrait à terme compenser les pertes de rendements que l’on observe dans les dernières années sur une parcelle agroforestière. D’après une étude en cours menée par l’Association française d’agroforesterie, dans le cadre du projet ANR Intens&fix, les agriculteurs enquêtés ne sont pas insensibles à la mise en place d’un système agroforestier à vocation biomasse, contrairement aux TCR qui peuvent susciter des réticences et des conflits d’usage du foncier.
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Frédéric Douard, Bioénergie International