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Les rendements de croissance des eucalyptus peuvent-ils continuer à croître ?

Plantation d'eucalyptus dans la région d'Itatinga au Brésil © Cirad, Y. Nouvellon

La productivité des plantations d’eucalyptus dans le monde entier a depuis 40 ans augmenté de 10 à 20 % tous les 10 ans, en raison d’avancées majeures en matière de sylviculture et de génétique. Quels éléments nouveaux permettent de penser que les rendements peuvent raisonnablement continuer à croître ? La question était au cœur des débats d’une conférence internationale co-organisée par le Cirad à Porto-Seguro, au Brésil du 14 au 18 novembre 2011.

La croissance rapide de l’eucalyptus ainsi que la qualité de son bois en font la première espèce ligneuse de reboisement industriel dans le monde. Depuis les années 1960, la productivité des plantations a été multipliée par quatre pour atteindre en moyenne aujourd’hui 40 m3 par ha/an, grâce aux investissements dans la recherche en relations étroites avec le développement. Les forêts d’eucalyptus sont par ailleurs désormais incluses dans une vision plus systémique, allant de la production de bois à la biodiversité des écosystèmes.

Cependant beaucoup reste encore à faire concernant les impacts environnementaux, la gestion durable, l’adaptation aux changements globaux. C’est principalement sur cette question qu’a porté la conférence du réseau mondial de coopération en science forestière (Iufro), Joining silvicultral and genetic strategies to minimize Eucalyptus environmental stresses: from research to practice, co-organisée par le Cirad à Porto-Seguro, au Brésil du 14 au 18 novembre 2011*. Cette préoccupation est illustrée par les travaux du Cirad, qui ont été présentés lors de cette conférence.

Concilier production et préservation des ressources

Les chercheurs ont notamment montré qu’il était désormais possible de quantifier la consommation élevée en eau des plantations compte tenu de la production de biomasse. La connaissance précise de cette consommation permet désormais de raisonner la gestion des plantations à l’échelle du paysage (espaces non plantés entre zones reboisées, protection des têtes de bassins-versants, etc.) et ainsi de mieux concilier production et préservation des ressources.

En termes de fertilisation, il est aujourd’hui possible de substituer partiellement le potassium par du sodium. A la clé : une meilleure préservation des ressources potassiques. Les doses ainsi appliquées n’entraineraient en effet pas de salinisation ou de dégradation des sols. Ce type de fertilisation serait en outre beaucoup plus accessible aux petits producteurs, le prix du chlorure de sodium correspondant à seulement 15 % de celui du chlorure de potassium.

Les chercheurs ont également mis en évidence la capacité des racines fines d’eucalyptus à pénétrer jusqu’à 10m de profondeur en deux ans et à exploiter rapidement de grands volumes de sol. Cette stratégie permet aux eucalyptus de pousser dans des milieux très pauvres et évite d’éventuelles pollutions des nappes par les engrais.

Enfin, lorsque les sols sont déficients en azote, situation courante sous les tropiques, et quand le stress hydrique est faible, les chercheurs ont montré que la production peut être accrue de 30 % si les eucalyptus sont plantés avec des acacias et non en monoculture. D’une part, l’azote fixé par les acacias est transféré aux eucalyptus. D’autre part, la complémentarité des deux espèces permet une meilleure capture des ressources en eau et en lumière.

Recherches génétiques : des avancées importantes pour une espèce modèle

L’eucalyptus est par ailleurs une espèce forestière modèle pour les recherches en génétique de par la mise à disposition de la séquence de l’intégralité de son génome et le nombre d’équipes impliquées au niveau international. Aussi, du côté de la génétique, les chercheurs se préoccupent de savoir comment les variétés expriment leurs caractères dans des milieux plus stressants. Ils montrent notamment, dans des travaux présentés lors de la conférence, que la variation de la composition en lignine et en cellulose des peuplements dépend soit du milieu, soit des gènes, soit des deux facteurs à la fois. L’utilisation de la spectrométrie proche infrarouge a par ailleurs facilité la compréhension de la responsabilité génétique dans la variabilité des propriétés ligno-cellulosiques et la façon dont les stress environnementaux pouvaient affecter ces caractères. Il a été notamment montré que des milieux stressants, contraints sur le plan hydrique, impactent fortement les caractères de croissance de l’arbre mais très peu les propriétés ligno-cellulosiques.

La génétique permet de développer des stratégies d’amélioration et de création de variétés mieux adaptées aux zones marginales. De nouvelles méthodologies de sélection, également présentées lors de la conférence offrent une efficacité accrue à la sélection. Ces méthodes très récentes, dites de sélection génomique, utilisent une technologie de génotypage à haut débit et de nouveaux modèles statistiques. Elles ont été présentées dans le contexte de la mise à disposition dans le domaine public de la séquence du génome d’eucalyptus. Ces méthodes soulèvent encore de nombreuses questions liées à son applicabilité dans le cadre de l’amélioration génétique de l’eucalyptus. Elles devraient cependant faciliter une meilleure intégration des caractères d’adaptation, de production et de qualité des matériaux dans la création variétale et contribuer à renforcer la synergie entre les différents axes de recherches.

La conférence a ainsi montré l’importance de combiner sylviculture et recherche génétique, afin de viser de façon efficace une durabilité à la fois économique, sociale et environnementale.

Plus de 250 scientifiques et gestionnaires des forêts, issus de 20 pays ont participé à cet événement. Sur proposition du Cirad et de ses partenaires publics et privés européens, la conférence organisée en 2017 se tiendra à Montpellier en France, après la Chine en 2014.

Les plantations d’eucalyptus au Brésil

A l’heure actuelle, les plantations d’eucalyptus remplacent dans la plupart des cas des pâturages ou des cultures en zones tropicales et subtropicales. Elles constituent ainsi une composante importante de l’équilibre en carbone et en eau de ces paysages, grâce à des interfaces écologiques, économiques et sociales. Au Brésil, l’eucalyptus est l’espèce dominante et la plus productive des forêts plantées, couvrant environ 4,7 millions d’ha. 60 % de la production est certifiée selon les normes internationales. La croissance des plantations se fait sur courtes et moyennes rotations pour la production de pâte à papier, de fusain, de bois de chauffage, de bois reconstitué et solide. Le secteur forestier du Brésil produit environ 4 % du produit intérieur brut et emploie environ 4,5 millions de personnes.

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VIDÉOS Des forêts d’eucalyptus plus respectueuses de l’environnement

Plantées pour la pâte à papier et le charbon de bois, les forêts d’eucalyptus couvrent quatre millions d’hectares au Brésil. Depuis une dizaine d’année, les chercheurs du Cirad travaillent en étroite collaboration avec leur partenaires locaux sur l’intensification écologique de ces cultures. Visite guidée de la station expérimentale d’Itatinga, dans l’état de São Paulo, où les équipements de pointe permettent des recherches uniques sous ces latitudes.