L’énergie du bois dans le Tessin
La force de l’habitude est incroyable. La grande disponibilité, pour un peu plus d’une centaine d’années (un clin d’oeil à l’échelle géologique), de combustibles fossiles et nucléaires à bas prix, nous a conduit à appeler même comme « alternatives » les sources qui, étant renouvelables, devraient être celles considérées comme « normales » et conventionnelles. Dans quelques années, probablement nous nous rappellerons de cette période comme celle où – inexplicablement – presque tout le monde a feint de ne pas savoir que les réserves de pétrole, charbon, gaz et uranium étaient limitées et que leur utilisation créait plus de problèmes qu’elle n’en résolvait. À ce point, probablement, nous aurons compris que « Ce n’est pas que nous n’abordons pas les problèmes parce qu’ils sont difficiles. Ils sont difficiles parce que nous n’y faisons pas face ».
Le Tessin, le canton italophone de Suisse, n’est pas seulement la région la plus chaude de Suisse, mais c’est aussi une région très boisée, et ce grand potentiel de bois pourrait être utilisé pour l’énergie, même en considérant les conditions parfois peu favorables de débardage dues à la topographie.
Le canton du Tessin a un taux de boisement de 52%, le plus élevé en Suisse. Chaque année, dans les 148 000 hectares de forêts du Tessin se développent environ 550 000 mètres cubes de bois. Il est vrai que dans le Tessin les conditions de débardage sont souvent plus difficiles que dans le reste de la Suisse : seuls 25% (moyenne nationale : 58%) des forêts ont une pente de moins de 40% et permettent l’utilisation de tracteurs. En outre, à cause de la densité du réseau routier forestier de seulement 6 mètres par hectare (moyenne région alpine : 11,8 m/ha), les distances des routes sont importantes. Cela implique des coûts de débardage élevés et de fait rend une partie du potentiel économiquement inutilisable.
Malgré ces limitations importantes, la Section forestière cantonale a calculé que les bois du Tessin pourraient fournir immédiatement chaque année, d’une manière durable, à des prix compétitifs et en conformité avec les différentes fonctions des forêts (protection, loisirs, biodiversité, etc.) une quantité de bois-énergie d’environ 110 000 m3 (> 300 000 mètres cube en vrac de plaquettes). Par comparaison, il est utile de savoir à ce sujet que les env. 30 centrales thermiques existantes utilisant des plaquettes de bois avec une puissance de > 70 kW, en 2010 ont nécessité d’environ 48 000 mètres cube en vrac. En pratique, la consommation actuelle de plaquettes peut facilement être multipliée par 6. Au cours des 10 dernières années, principalement grâce à l’incitation de la Section forestière cantonale, on a constaté une augmentation significative de l’utilisation de l’énergie du bois. Mais la valorisation de tout le potentiel, l’un des objectifs du Plan énergétique cantonal, nécessite encore beaucoup d’efforts, en particulier dans la construction de centrales thermiques avec chauffage à distance d’une certaine taille, c’est-à-dire des installations qui ont besoin d’être largement situées dans des zones avec une densité suffisante de la demande de chaleur et nécessitent donc d’une bonne planification de l’énergie par les municipalités.
Claudio Caccia, Energie Bois Suisse, antenne téssinoise