Matricia, le rève italien de la chimie et des énergies vertes
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Energie propre à partir de résidus : un investissement supérieur à 1 milliard d’euros
Le rêve italien de la chimie verte commence à prendre forme. Il repart d’où il s’était arrêté il y a une vingtaine d’années, grâce à une alliance public-privé.
Matricia est une joint venture entre Polimeri Europa du groupe Eni et Novamont, l’entreprise anciennement Montedison, aujourd’hui leader mondiale dans les bio-plastiques. Née en Sardaigne, cette joint venture a pour objectif de transformer le centre de raffinage de pétrole Eni de Porto Torres en un des plus grands pôles industriels de chimie verte au niveau mondial, capable de fournir 350 mille tonnes par an de produits biodégradables d’origine végétale (produits chimiques intermédiaires, plastiques, lubrifiants, additifs). Ceci se fera grâce à l’agriculture locale, et notamment le chardon, mettant ainsi à profit les terres les plus marginales de la Sardaigne.
C’est donc un projet de filière, mais surtout un plan stratégique. » La chimie verte peut donner à Porto Torres un nouveau futur, mais aussi pour d’autres établissements ailleurs en Italie et à l’étranger « , explique Daniele Ferrari, administrateur délégué de Polimeri Europea et président de Matrica. Les raffineries pétrochimiques de Priolo et Marghera se sont portées volontaires pour prendre part à l’expérience de Matrica. » Ce modèle de développement transforme un problème, dans le cas présent le déclin d’un site industriel traditionnel, en une opportunité « , commente Catia Bastioli, directrice de Novamont et administratrice déléguée de la nouvelle joint venture sarde. » Matrica ouvre une voie nouvelle, rassemblant l’industrie et l’agriculture en harmonie avec la production alimentaire, et en créant de la richesse tout en préservant l’environnement « .
L’investissement dépasse le milliard d’euros, dont 500 millions du groupe Eni pour la dépollution du site, et 300 millions de la part d’EniPower pour la réalisation d’une centrale à biomasse qui réutilisera les résidus végétaux. Sept nouveaux édifices seront construits. Il est prévu que le premier entre en production au début de l’année 2014. Le dernier en 2016. Ils remplaceront ainsi la vieille structure industrielle (exceptée la partie de production de pneus) pour un coût de 250 millions, dans le but de passer des 550 employés actuels à 685, une fois à plein régime, dont une centaine au sein du centre de recherche qui travaillera en collaboration avec l’Université de Sardaigne. L’expérience industrielle Eni et les brevets Novamont, parmi lesquels celui du Mater-Bi (plastique biodégradable d’origine végétale), ont valu en 2007 à Catia Bastioli le prix de « l’inventeur européen de l’année ».
« La partie conception est déjà faite, et nous sommes prêts à commencer. Il manque seulement les autorisations », commente la manager. » Le centre de recherche sera inauguré en novembre, mais pour l’investissement proprement dit, nous attendons que la Région nous donne le feu vert « , ajoute Daniele Ferrari . Les demandes ont été faites le 1er juillet dernier et l’administration régionale a six mois pour répondre. « Le projet, dans lequel je suis personnellement impliquée, respecte des étapes préfixées grâce à l’implication de tous les acteurs locaux », rassure Alessandra Zedda, conseillère régionale à l’industrie. En somme, le projet vert sera mis en place avant la fin de l’année.
» C’est une grande opportunité, non seulement pour la relance industrielle du territoire, mais aussi pour la bonification et la requalification d’un grand espace aujourd’hui pollué et dégradé « , ajoute la conseillère. » Nous voulons favoriser la reconversion industrielle du site pétrochimique de Porto Torres en un pôle de production de bioplastique, et biolubrifiant, production combinée de biomasse, dans le but de stimuler la reprise de l’économie locale dans les secteurs de la chimie, de l’agriculture, de la recherche et de l’innovation « .
Matrica, vient du dialecte gallurais, qui signifie mère, matrice, car ce projet souhaite créer et apporter la vie. En réalité ce projet représente un besoin qui va au delà des frontières sardes. » C’est un vrai projet de système, qui ouvrira la porte à de futures intégrations « , dit l’administratrice déléguée de la joint venture. » La chimie italienne veut sortir de la stagnation de ces dernières dizaines d’années, confirme Daniele Ferrari, et le fait de la coupler avec l’agriculture, dans une logique de filière durable, est une idée qui se projette dans le futur « . Le projet est sarde, mais l’enjeu est national.
Du rêve de Gardini à la réalité Mater-Bi
L’idée d’intégrer la chimie et l’agriculture nait chez Montedison à la fin des années 1980.Raul Gardini, président du groupe Ferruzi (dont Montedison fait partie), au top de l’agro-industrie européenne et américaine (sucre, soja, céréales, amidons), est lui toujours allé dans le sens. C’est avec ce projet stratégique que l’entrepreneur de Ravenne créa le géant de la chimie Foro Bonaparte (1987), avant de créer la joint venture Enimont l’année d’après en collaboration avec Eni.
» L’agriculture peut créer de nouvelles perspectives pour la chimie (élimination du phosphore des produits ménagers, emballages biodégradables, polymères organiques..), écrit Gardini lors d’une rencontre datée du 12 décembre 1988. C’est pour cela qu’une recherche industrielle en lien avec les directives économiques et politiques est nécessaire. Désormais nous savons que les nouveaux matériaux substitueront en grande partie les métaux : ce n’est plus qu’un problème de technologie et d’énergie, et qui devrait générer moins de problèmes pour l’environnement « .
Le 1er décembre 1989 naquit Fertec, société commune entre les entreprises du groupe Montedison avec une forte tradition dans le domaine de la chimie, et celles du groupe Ferruzzi, référent dans le secteur agroindustriel, avec pour objectif de développer des produits chimiques à faible impact environnemental, en utilisant des matières premières d’origine agricole. Toujours dans la même année, la première montre biodégradable est mise au point en collaboration avec Walt Disney. Catia Bastioli fait partie de l’équipe de recherche qui travaille avec une approche pluridisciplinaire sur le projet de chimie vert.
» Les fruits de l’innovation sont mesurables après des années et sans ce travail nous n’en serions pas là aujourd’hui « , explique la scientifique-manager. Novamont nait en 1990 afin de développer et commercialiser les produits de Fertec, en particulier ceux utilisant le brevet Mater-Bi. En 1991, les deux sociétés fusionnent, et en 1992 les premiers sacs biodégradables sont mis sur le marché en Allemagne pour le tri sélectif. En Italie, ils feront leur apparition en 1994 à Milan. Mais à ce moment là, le rêve mais aussi l’histoire personnelle de Raul Gardini sont engloutis par l’effondrement du groupe Ferruzzi-Montedison.
En 1996, Novamont est acquis par des investisseurs associés et par un groupe de banques, parmi lesquelles la Bci (actuellement le groupe Intesa Sanpaolo) et Ubs. Aujourd’hui, Novamont, qui en plus du brevet Mater-Bi en possède plus d’une centaine d’autres, est basé à Novara et possède des établissements de production à Terni. Catia Bastioli, qui a été formé à l’école de Montedison, d’où le projet de chimie verte est parti, en est la scientifique-manager.
Origine : BE Italie numéro 98 (5/12/2011) – Ambassade de France en Italie / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/68411.htm