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Les forêts, valeurs refuges pour banques en crise ?

 

En préparation des négociations sur le climat qui auront lieu en fin d’année à Durban (Afrique du Sud), et en pleine tourmente financière, le secteur banquier, avec en tête BNP Paribas, lance une offensive pour réclamer l’intégration des forêts dans le marché du carbone. Les Amis de la Terre (AT), qui s’opposent fermement à cette évolution, ont fait connaitre leurs arguments hier à Paris. D’après eux, ce marché ne repose sur aucune base scientifique et place l’avenir des forêts du monde, et des communautés qui en dépendent, dans les mains d’entreprises irresponsables !

Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et le secteur bancaire ont publié ce 13 septembre 2011 un nouveau rapport, avec une série de recommandations, pour que les négociations sur la lutte contre la déforestation et le réchauffement climatique « s’ouvre efficacement aux flux de la finance privée ». Au centre des débats, les banques espèrent pouvoir accéder à un marché potentiel de plusieurs dizaines de milliards d’euros par an avec la création de crédits-carbone forestiers REDD (Réduction des Émissions liées à la Déforestation et à la Dégradation des Forêts) qui pourraient être achetés par les entreprises et les États ne respectant pas leurs obligations de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Or, comme l’explique Sylvain Angerand, chargé de campagne pour les AT et ingénieur forestier, la compensation carbone est une imposture scientifique : « Il n’est pas possible de compenser la libération de carbone d’origine fossile (pétrole, charbon…), qui s’est formé pendant plusieurs millions d’années, par un stockage très temporaire dans les forêts. Les grands incendies en Amazonie, en Russie ou en Asie du Sud-Est, qui se multiplient chaque année, nous le rappellent de façon évidente ».

Pour les AT, l’enjeu pour le secteur privé n’est pas tant de participer à la lutte contre les changements climatiques que de transformer la crise écologique en opportunité économique comme l’explique Yann Louvel, référent de la campagne Responsabilité des acteurs financiers : « Si BNP Paribas, et les autres banques qui ont co-signé ce rapport, voulaient vraiment s’engager pour le climat elles arrêteraient de financer d’une part des secteurs qui contribuent à la déforestation comme les monocultures de palmiers à huile ou de soja et d’autre part des projets extrêmement controversés de centrales à charbon ou d’extraction de pétrole à partir de sables bitumineux. »

Toujours selon les AT, alors que le secteur financier est en passe de s’écrouler à nouveau, les banques sont à la recherche de nouveaux placements présentés comme beaucoup plus sûrs et plus rentables : c’est ce qui explique la tendance croissante à la financiarisation des ressources naturelles et des biens communs comme l’atmosphère.

Après la conférence de Durban en décembre 2011, c’est le Sommet de Rio en juin qui est en ligne de mire des banques : « Les offensives du secteur financier pour mettre la main sur l’atmosphère et la biosphère se multiplient et il est urgent de s’y opposer car les conséquences écologiques et sociales sont désastreuses » comme l’explique Sylvain Angerand qui poursuit : « Nous observons de très près les projets pilotes et nous constatons de graves dérives : restriction d’accès, expulsion de communautés pour planter des arbres transgéniques à croissance rapide, ou encore, embauche de milices privées pour protéger les investissements de ces entreprises ».

Les AT appellent donc les banques privées, et en particulier BNP Paribas, à faire face à leurs responsabilités en arrêtant de financer des projets qui contribuent à la déforestation et au dérèglement du climat plutôt que de vouloir en tirer doublement profit en jouant au pompier-pyromane.