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Quel avenir pour la cogénération en France ?


La cogénération biomasse est celle qui dispose du soutien le plus faible, photo Frédéric Douard

En juin 2011, la Commission Européenne a constaté l’échec des gouvernements des Etats membres à tendre vers l’objectif d’augmentation de 20% de l’efficacité énergétique fixé en 2008. L’optimisation de l’utilisation des ressources en énergie est un des moyens de faire face à l’épuisement des ressources fossiles et au changement climatique. La production d’électricité n’échappe pas à cette problématique. En effet, 40 à 60 % de l’énergie primaire sont perdus au sein même du processus de production selon la technologie utilisée.

La cogénération : moyen efficace de tendre vers l’efficacité énergétique

La cogénération est, à partir d’un seul combustible, la production simultanée de chaleur et d’électricité. Le combustible alimente une turbine produisant l’électricité et la chaleur contenue dans les gaz d’échappement et dans l’eau de refroidissement est récupérée pour le chauffage urbain ou industriel, ou encore pour l’eau chaude sanitaire. La cogénération, avec un rendement de l’ordre de 90%, apparaît alors comme une voie privilégiée d’économie d’énergie primaire. En termes d’économies, la cogénération représente un gain direct de 35% par rapport à la production séparée.

Comparaison de la production d’électricité par cogénération et par des moyens de production séparés. (cliquer pour agrandir)

De plus, la cogénération correspond à une production d’électricité décentralisée qui s’implante dans les zones géographiques où coexistent des besoins d’électricité et de chaleur. Si elle est utilisée dans des zones isolées (Bretagne, Île de France, Région PACA) elle permet d’éviter les pertes en ligne. L’économie supplémentaire d’énergie primaire par rapport aux centrales thermiques classiques, en incluant ces considérations de réduction des pertes en ligne, de renforcement de réseau et de diminution des congestions, s’élève à 40% selon l’Association Technique Energie & Environnement.

En matière d’économie de rejets de CO2, il convient de comparer la cogénération aux moyens de production d’électricité qu’elle remplace. Au niveau européen, il s’agit des centrales thermiques à charbon présentant un rendement moyen de 37%. La Commission Européenne chiffre ainsi la réduction des émissions de CO2 à 500g/kWh.

Enfin, contrairement aux énergies renouvelables qui constituent souvent des sources d’énergie intermittentes, la cogénération est fiable, non sensible aux variations climatiques de très court terme et peut donc participer à faire face aux pointes de consommation d’électricité.

Des contrats d’obligation d’achat pour soutenir le développement de la cogénération

Les pouvoir publics, considérant que la production d’électricité par cogénération présente de nombreux atouts, ont mis progressivement en place un cadre juridique, fiscal et économique favorable à son développement. Ainsi, à l’instar de la production d’électricité photovoltaïque, l’Etat a instauré des contrats d’obligation d’achat de l’électricité produite par une centrale à cogénération par EDF pour une durée de 12 ans. Le tarif de rachat de l’électricité cogénérée prend en compte de nombreux paramètres et notamment l’énergie primaire économisée.

La rentabilité des cogénérations est principalement déterminée par le différentiel de prix entre l’énergie primaire et l’électricité, corrigé des émissions de CO2, appelé clean spark spread. Dans le cadre de l’obligation d’achat à un tarif fixe et déterminé par la loi, la profitabilité des installations est garantie par un retour sur investissement suffisant et relativement prévisible.

Une fois le contrat d’obligation d’achat arrivé à échéance, trois options se présentent au cogénérateur :

  1. Le renouvèlement du contrat pour 12 ans. Il faut pour cela réunir les conditions suivantes : la puissance de l’installation ne doit pas dépasser 12 MWe, il faut garantir contractuellement l’exploitation de la chaleur en aval sur toute la durée du contrat renouvelé et investir un minimum de 400€/kWe de capacité dans la remise en état de l’installation;
  2. L’exploitation de l’installation et la revente d’électricité sur le marché ;
  3. Le démantèlement de l’installation si aucune des deux premières options n’est retenue.

850 de ces centrales ont été implantées entre 1997 et 2001, pour une puissance totale de 5 000 MW. Ces cogénérations sont donc aujourd’hui tombées hors du régime d’obligation d’achat et la moitié d’entre elles ont été démantelées. Quelles sont alors leurs perspectives de rentabilité ?

Quel avenir pour la cogénération en France ?

Si la cogénération apparaît aujourd’hui comme l’une des voies à explorer pour tendre à l’efficacité énergétique en France, elle connaît un frein majeur à son développement malgré des atouts incontestables : sa faible rentabilité.

Première contrainte, les techniques de récupération de la chaleur sont valables s’il y a localement un besoin important de chaleur. De plus, en France, où la production d’électricité est majoritairement d’origine nucléaire et hydraulique, le faible coût de l’électricité constitue un frein au développement de la cogénération en dehors des contrats d’obligation d’achat. Avec ces moyens de production peu émetteurs de gaz à effet de serre, l’argument écologique apparaît minoré.

Malgré ces atouts techniques et environnementaux, l’efficacité de la cogénération, n’est donc pas toujours avérée d’un point de vue économique. Elle représenterait aujourd’hui en France 4 % de la production d’électricité (7 % en hiver, saison où la cogénération est la plus utilisée) contre 9 % en Allemagne et 43 % aux Pays-Bas.

Au-delà des grands groupes présents sur le marché français (Dalkia et Cofely), d’autres acteurs comme Novawatt se spécialisent dans des niches et exploitent des centrales à cogénération. Leur approche est de signer des contrats avec les exploitants de centrale à cogénération en fin d’obligation d’achat et de valoriser ensuite l’électricité sur le marché. Selon si le couple prix de l’électricité / valorisation thermique est favorable, cela permet de donner une nouvelle vie à des installations sur les marchés de gros dérégulés de l’électricité.

Mais dans la perspective d’un maintien ou d’un élargissement du parc existant, il semble qu’il sera nécessaire de soutenir le développement de la filière. Les solutions peuvent combiner une refonte des conditions tarifaires, un assouplissement des conditions d’éligibilité au tarif de rachat. Autoriser les cogénérateurs sous contrat d’obligation d’achat à vendre leur électricité sur les marchés hors des périodes d’obligation d’achat permettrait de rémunérer les coûts fixes sur une plus longue période de l’année.

Il est nécessaire de réussir l’intégration de la filière sur le marché de l’électricité pour justifier la pertinence de la contribution au service public de l’électricité consentie par les consommateurs. Cela est d’autant plus important que la cogénération est la première filière à bénéficier de l’obligation d’achat. Il faut saisir l’opportunité d’en tirer des enseignements car, dans les années à venir, des chantiers similaires nous attendent pour les autres filières sous obligation d’achat comme le PV, l’éolien ou la biomasse.

Sia Partners, 21 juillet 2011

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