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France, l’impact réél du rachat des renouvelables sur les tarifs de l’électricité


Ligne ERDF, photo Frédéric Douard

La CSPE à 7,5€/MWh en 2011, une bonne résolution ? Au 1er janvier 2011, les français verront leur facture d’électricité augmenter à nouveau de 3 à 4%1. Cette fois-ci, ce n’est pas une hausse du tarif mais une hausse de la CSPE, Contribution au Service Public de électricité, qui en sera la cause. Pour la CRE et le gouvernement, ce sont les subventions aux énergies renouvelables, une des missions de service public financée par la CSPE, qui sont la cause de cette hausse. Pourquoi cette augmentation est si subite alors que les tarifs ont déjà augmenté cette année ? Retour sur le fonctionnement de la CSPE pour mieux comprendre la nécessaire augmentation des cotisations.

Composition de la CSPE : moins d’un quart des subventions sont attribuées au renouvelable

La CSPE a été créée en 20002 pour assurer le respect de la Directive européenne 96/92/CE sur l’ouverture du marché de l’électricité. Elle est collectée par les fournisseurs d’électricité au travers de la facture. C’est un terme variable proportionnel à la consommation du client et exprimé en €/MWh. Depuis 2004, sa valeur est de 4,5€/MWh et porte sur 80% de la consommation d’électricité française soit 400TWh , les industriels électro-intensifs étant exonérés au-delà de 111GWh. Les recettes s’élèvent en moyenne à 1,8Md€ par an et augmentent avec la consommation d’électricité soit environ 1 à 2% par an.

Cette contribution a pour objectif de financer les différents services publics de l’électricité :

  • la péréquation tarifaire pour assurer des prix de l’électricité équitables partout en France malgré les contraintes locales (zones non interconnectées comme les DOM)
  • les tarifs de rachat d’énergie renouvelable : la CSPE couvre le surcoût entre le prix du tarif de rachat ENR3 et le prix du marché
  • le tarif de première nécessité : tarif destiné aux ménages modestes -30 à -50% sur les 100 premiers kWh du mois
  • le budget du médiateur de l’énergie (~6M€) : le médiateur assure la résolution des litiges entre fournisseurs et clients
  • une partie des coûts du TARTAM lorsque le plafond de la CSPE n’est pas atteint: les clients ayant choisi un tarif basé sur les prix de marché peuvent revenir à ce tarif « semi-réglementé »4.

Répartition des coûts de la CSPE en 2009 (source : CRE i)

Les trois postes de coûts principaux sont la péréquation tarifaire, le tarif de rachat cogénération et les ENR. La péréquation est un service essentiel et qui varie avec le prix des énergies fossiles.

Les installations de production de chaleur industrielles qui ont développé une production supplémentaire d’électricité sont subventionnées depuis 1990 par le tarif de rachat cogénération, qui pèse lourd dans la balance. Hormis contribuer aux efforts d’efficacité énergétique, cette incitation ne permet pas l’augmentation des ENR dans le mix énergétique.

Ainsi, en 2009, les énergies renouvelables représentaient moins d’un quart de la CSPE. Le photovoltaïque n’était encore qu’un faible poste de coût (2%) mais en 2010 son fort développement a participé à l’explosion des coûts de la CSPE.

La hausse rapide de la CSPE sert à compenser le développement du renouvelable

Avec le développement des énergies renouvelables, les coûts à couvrir par la CSPE ont augmenté beaucoup plus vite que les recettes. Le graphique suivant montre l’évolution du coût de rachat sur les principales filières subventionnées5.

Évolution des coûts de rachat de certaines ENR (source : CRE ii)

Pour ces filières les coûts globaux ont augmenté en moyenne de 73% par an, sans que la CSPE n’évolue. Depuis 2009, les recettes ne permettent plus de faire face à l’augmentation des coûts.

En comptant les reports de charges des années précédentes et les prévisions d’agrandissement du parc ENR en accord avec les objectifs du Grenelle, la CRE évalue la facture de la CSPE pour 2010 à 2,6Md€ soit un déficit de 730M€i. Ce déficit devra être avancé par le principal collecteur de la CSPE, soit EDF. Cette position est difficilement tenable pour l’opérateur historique qui essaye actuellement de se défaire de ses dettes. Un réajustement de la cotisation unitaire de la CSPE est donc nécessaire.

La réforme de la CSPE prévue dans la loi des finances : la nécessaire atteinte du plafond en 2011

La loi en vigueur jusqu’à maintenant plafonnait le taux de CSPE à 7% du tarif réglementé de vente de l’énergie6 soit 5,48€/MWh. Sans décision du ministre chargé de l’énergie avant le 31 décembre de chaque année, le niveau de CSPE reste inchangé. Ce fonctionnement explique le peu d’augmentation ces dernières années malgré la hausse des charges. Les raisons sont purement politiques : une hausse des tarifs de l’électricité en fin d’année n’est pas facile à faire accepter à la population.

Ce système n’étant pas tenable, un nouveau fonctionnement a été adopté dans l’article 13bis de la loi des finances 2011:

  • La CRE devient responsable de la fixation de la CSPE
  • Le plafond est relevé de 3€/MWh
  • A partir de 2011, ce plafond est révisé en fonction du taux de croissance prévisionnelle, la hausse de la CSPE ne pourra pas être supérieure à la croissance
  • Le plafond d’exonération des industriels passe de 500 000 à 600 000€/an

Etant donné la situation actuelle des comptes de la CSPE, le taux pour l’année 2011 risque fortement d’atteindre le nouveau plafond soit 7,5€/MWh ce qui représenterait un surcoût moyen pour les ménages de 15€/an7. Une augmentation acceptable qui pourrait toutefois augmenter dans les années à venir.

Vers une CSPE à 11,5€/MWh ?

Dans sa note de novembre, la CRE a évalué les coûts prévisionnels de la CSPE en partant de l’hypothèse d’un taux à 7,5€/MWh en 2011. Et les résultats sont alarmants! En effet, sur la base de l’évolution actuelle des parcs photovoltaïques et éoliens, le déficit pour 2011 sera de presque 2Md€ dont 900M€ pour le photovoltaïque. Les hypothèses d’évolution du parc ENR basées sur la puissance photovoltaïque en file d’attente sont cependant contestées par les professionnels du secteur car selon eux, seuls 30% de ces projets aboutissent.

A moyen terme par contre, les comptes de la CSPE devraient se stabiliser pour deux raisons :

  • Les contrats de cogénération se termineront tous avant fin 2014 et ne seront probablement pas reconduits : une économie de 600M€/an environ sera donc réalisée.
  • Les prix de marché de l’électricité vont continuer d’augmenter ce qui entrainera une baisse du surcoût des ENR.

Dans tous les cas, à moins de trouver une autre source de financement public, les dettes de la CSPE ne peuvent pas continuer d’être portées par une seule entreprise. La facture d’électricité des français va donc encore augmenter l’année prochaine, ce qui pourrait entraîner des changements d’usage ou a minima des réductions de consommation. Les revenus de la CSPE étant directement proportionnels à la consommation électrique, le serpent risque de s’en mordre la queue.
L’alternative actuellement étudiée par le gouvernement serait de revoir les niveaux des tarifs de rachat, tout en évitant de compromettre l’atteinte des objectifs du Grenelle.

A. Le Renard, SIA Partners

Notes :
1 – Une augmentation des tarifs a eu lieu le 15 août 2010, portant sur les parts abonnement et énergie du tarif réglementé de l’électricité. Voir l’Observatoire de l’Electricité pour la décomposition de la facture.
2 – Article 5 de la loi du 10 février 2000
3 – Les tarifs de rachats sont généralement supérieurs au prix de marché afin de permettre aux filières renouvelables de trouver un équilibre économique. Liste des tarifs de rachats : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Les-tarifs-d-achat-de-l,12195.html
4 – En 2009, le plafond de 4,5€/MWh de la CSPE a été atteint, ce qui explique que le TARTAM ne figure pas dans le graphique
5 – Ces coûts ne rentrent pas directement dans la CSPE, il faut déduire le prix de marché qui fluctue entre 30 et 60€/MWh, soit environ 200M€ pour ces trois filières en 2009
6 – Plus exactement : « 7 % du tarif de vente du kilowattheure, hors abonnement et hors taxes, correspondant à une souscription d’une puissance de 6 kVA sans effacement ni horosaisonnalité »
7 – Sur la base d’une consommation moyenne d’électricité de 5000kWh/an

Sources :

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