Syngaz de fermentation, 3ème voie pour les biocarburants cellulosiques
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La production de biocarburants de type éthanol cellulosique était principalement le résultat de deux voies de synthèse : la voie biochimique et la voie thermochimique. Les avancées technologiques de ces dernières années ont permis l’émergence d’une troisième voie appelée la fermentation de syngaz. Le syngaz ou gaz de synthèse est un mélange gazeux constitué majoritairement de quantités variables de monoxyde de carbone et de dihydrogène.
Les résultats des recherches sur la fermentation de syngaz sont antérieures à l’année 1983, lorsque les docteurs Rathin Datta à Exxon et Greg Zeikus de l’Université du Wisconsin à Madison travaillaient sur une publication intitulée « Anaerobic conversion of One-carbon compounds ». Au cours des 30 dernières années, cette technologie a progressé au point où les espèces bactériennes anaérobies actuelles qui produisent principalement le carburant désiré sont utilisées en phase de démonstration à l’échelle semi-commerciale et sont prêtes pour une production à l’échelle commerciale.
Dans ce contexte, Advanced Biofuels America a publié ce 8 juin 2011 un document de synthèse sur la fermentation de syngaz, intitulé « Syngas Fermentation – The Third Pathway for Cellulosic Ethanol ». Ce document, après avoir présenté les mécanismes mis en jeu pour ce procédé, vise à discuter de ses avantages par rapport aux deux voies conventionnelles.
Rappel sur les deux voies conventionnelles de production d’éthanol cellulosique
La voie biochimique est un procédé en 3 étapes : une première étape consiste en un traitement physico-chimique visant à extraire la cellulose de la biomasse qui pourra alors être transformé en éthanol ; une seconde étape est l’hydrolyse enzymatique, réalisée par des micro-organismes, de la cellulose en sucres simples (glucose) et la troisième étape est basée sur la fermentation du glucose par des levures permettant l’obtention d’éthanol et de dioxyde de carbone.
La voie thermochimique utilise un procédé en 4 étapes au cours duquel la biomasse est tout d’abord homogénéisée par des techniques de pyrolyse ou de torréfaction ; la seconde étape est la gazéification à haute température (plus de 1000°C) qui permet la production d’un gaz de synthèse (le syngaz) qui va ensuite être purifié pour mener à bien la dernière étape, la synthèse de Fischer-Tropsch qui transforme le syngaz épuré en gazole de synthèse grâce à l’intervention de catalyseurs chimiques.
Un procédé hybride : la fermentation de syngaz
Parallèlement, la fermentation de syngaz constitue un procédé hybride des voies biochimique et thermochimique combinant leurs avantages tout en diminuant certains de leurs inconvénients. Les étapes de sa mise en œuvre sont les suivantes : la gazéification, le refroidissement et la purification du syngaz, la fermentation biologique de ce gaz de synthèse et la séparation du produit obtenu.
Le procédé de gazéification a lieu en milieu anaérobie et consiste en la décomposition de la matière première carbonée en un mélange gazeux à base de monoxyde de carbone et de dihydrogène appelé le syngaz. Pour cette étape, on peut également utiliser des déchets gazeux provenant d’aciérie ou de digesteurs anaérobiques pour le convertir en syngaz. Après purification et refroidissement du syngaz, il est injecté dans un bioréacteur dédié où les micro-organismes anaérobies vont réaliser l’étape de fermentation permettant de produire le carburant ou le produit chimique désiré. Le produit de cette réaction est alors séparé du milieu réactionnel par distillation et déshydratation afin d’obtenir le produit final.
Des entreprises comme Coskata, basée dans l’Illinois, INEOS Bio en Floride et LanzaTech en Nouvelle-Zélande, utilisent cette voie mixte pour leurs plateformes technologiques.
L’étape centrale de la voie mixte est la fermentation microbienne
Les micro-organismes mis en œuvre pour la fermentation du syngaz, contrairement à une conversion du syngaz via une catalyse chimique, sont capables de produire de façon prédominante un type de carburant dans des conditions de faibles température et pression et ce avec de forts rendements de production.
De nombreux micro-organismes sont capables de produire des carburants et des produits chimiques par conversion du syngaz; ils appartiennent principalement à la famille des bactéries anaérobies du genre Clostridium. Certains d’entre eux ont pu être identifiés pour la conversion de syngaz en éthanol. La plupart de ces bactéries utilisent la voir métabolique appelée le cycle de Wood ljundahl ou voie réductrice de l’acétyle-CoA.
La réaction chimique réalisée par les bactéries est la suivante :
6CO + 3H2O -> C2H5OH + 4CO2
6H2 + 2CO2 -> C2H5OH + 3H2O
Un milieu réactionnel spécifique riche en minéraux traces, métaux et vitamines est utilisée pour diriger et optimiser le flux énergétique dans la voie métabolique souhaitée, maximisant ainsi la production d’éthanol.
Voir l’animation (en anglais) du procédé INEOS en cliquant sur l’image ci-dessous :
Les avantages commerciaux de la fermentation de syngaz
Comparée aux voies biochimiques et thermochimiques, la fermentation de syngaz présenterait les avantages suivants : 1) des rendements plus importants, 2) des coûts d’exploitation plus faibles, 3) une tolérance aux impuretés et 4) une plus grande flexibilité pour les matières premières utilisables.
- Les rendements supérieurs observés avec la fermentation de syngaz sont la conséquence d’une étape de gazéification capable de convertir toute la biomasse organique en énergie et d’une étape de fermentation d’une grande spécificité pour le produit ciblé. En effet, d’après les données du DOE pour l’année 2010, la voie biochimique atteint un rendement de production d’éthanol de 313 litres par tonne de matière sèche ; la voie thermochimique : 257 litres d’éthanol par tonne de matière sèche (et 302 litres d’un mélange d’alcools par tonne de matière sèche) et pour la fermentation du syngaz, le rendement s’élèverait à plus de 378 litres d’éthanol par tonne de matière sèche (selon les données de Coskata, Inc.).
- Les coûts d’exploitation plus faibles comparés aux voies conventionnelles sont le fait de plusieurs facteurs : les plus grands rendements de production, les conditions opératoires de température et de pression inférieurs comparés à une catalyse chimique, l’absence d’enzymes coûteuses et de procédé de prétraitement approfondi.
- La plus grande tolérance aux impuretés est permise par l’utilisation de micro-organismes en guise de catalyseurs biologiques qui peuvent tolérer de manière plus importante les impuretés ainsi qu’une gamme plus large de ratios CO/H2 que les procédés thermochimiques.
- La flexibilité pour les matières premières : en effet, la fermentation de syngaz peut convertir à peu près tous les matériaux carbonés en syngaz (Panic érigé, Miscanthus, débris forestiers, fourrage de maïs, bagasse, déchets organiques agricoles, municipaux et industriels). Une étude menée conjointement par le DOE et l’USDA en 2005 et une étude de 2009 réalisée les Sandia National Labs ont mis en évidence que plus d’un milliard de tonnes de biomasse renouvelable étaient disponibles aux États-Unis, pouvant produire près de 340 milliards de litres d’éthanol et remplacer plus d’un tiers du pétrole utilisé aux États-Unis pour cet usage, d’ici 2030.
En conclusion, il est désormais clairement établi que la production de biocarburant à partir de biomasse lignocellulosique constitue une alternative durable pour les besoins énergétiques mondiaux. Il n’est plus nécessaire de rappeler les avantages des biocarburants de seconde génération par rapport à ceux produits à partir de cultures vivrières : plus grande disponibilité de la biomasse, absence de compétition avec les productions alimentaires et faibles coûts de matières premières.
A ce jour la plupart des débats concernant la production d’éthanol cellulosique grâce aux dernières avancées technologiques s’est concentrée sur les voies bio- et thermochimique. Les dernières études montrent que la fermentation de syngaz constituerait une approche hybride présentant des avantages significatifs sur les deux voies conventionnelles : des rendements plus importants, des coûts d’exploitation plus faible, une plus grande tolérance aux impuretés et une flexibilité des matières premières. Ce rapport devrait inciter les gouvernements et investisseurs à supporter ce procédé de production de biocarburant de seconde génération pour son utilisation à l’échelle commerciale.
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Origine : BE Etats-Unis numéro 251 (17/06/2011) – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/67046.htm