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Un outil de la FAO pour peser le pour et le contre des bioénergies

Un outil pour éviter les "âneries" écologiques et sociales, photo Frédéric Douard

Vu l’intérêt croissant pour la production de bioénergie, la FAO invite les décideurs à adopter une nouvelle méthodologie pour évaluer le pour et le contre des investissements dans cette filière. Le cadre analytique « Bioenergy and Food Security (BEFS) a été mis au point pour aider les gouvernements à évaluer le potentiel des bioénergies et leur impact possible sur la sécurité alimentaire.

Cette méthodologie vient d’être finalisée après trois années de développement et d’essais sur le terrain notamment au Pérou, en Tanzanie et en Thaïlande. Il s’agit d’une série d’évaluations par étapes pour trouver des réponses aux questions essentielles relatives à la faisabilité du développement des bioénergies et à leur impact sur les disponibilités en denrées alimentaires et la sécurité alimentaire des ménages. Les dimensions sociales et relatives à l’environnement sont également prises en compte.

« Notre objectif est d’aider les décideurs à prendre des décisions éclairées quant à la question de savoir si le développement des bioénergies est une option viable et, le cas échéant, d’identifier les politiques qui en maximiseront les avantages et en minimiseront les risques », indique Heiner Thofern qui dirige le projet BEFS. Du fait même qu’elle se penche sur de multiples questions et secteurs, cette méthodologie peut également servir de plate-forme pour amener les principaux ministères et institutions à travailler ensemble et accorder leurs violons, ajoute M. Thofern.

Promesses…

Récolte de noix de palme, photo FAO - A.Conti

Les pics enregistrés par les cours du pétrole et les préoccupations relatives à la sécurité énergétique ainsi que les inquiétudes quant aux gaz à effet de serre émis par les carburants fossiles ont été les principaux moteurs de la croissance de la filière bioénergies.

Autre avantage potentiel important: les investissements dans la filière bioénergies pourraient susciter les investissements qui manquent cruellement dans les infrastructures agricoles et de transport dans les zones rurales et, en créant des emplois tout en augmentant les revenus des ménages, ils pourraient atténuer la pauvreté et l’insécurité alimentaire.

« La FAO, pendant des années, a souligné que le sous-investissement dans l’agriculture est un problème qui grève lourdement la production alimentaire dans le monde en développement, ce qui, allié à la pauvreté rurale, est un facteur essentiel de la faim dans le monde », fait valoir M. Thofern. « S’il est réalisé correctement et opportunément, le développement des bioénergies offrirait une chance pour doper les investissements et l’emploi dans des secteurs qui en auraient un besoin pressant « , selon l’expert de la FAO.

Le Brésil est souvent cité comme un exemple à suivre pour les pays qui souhaiteraient utiliser les bioénergies pour satisfaire leurs besoins énergétiques. Dans ce pays, qui est le deuxième plus gros producteur mondial de bioéthanol, un million de véhicules sont alimentés en carburant tiré de la canne à sucre.

A l’avenir, l’Europe est susceptible d’émerger comme un marché d’exportation de produits issus des bioénergies. Pareille tendance offre aux agriculteurs du monde en développement de nouvelles opportunités.

Des études de la FAO ont, par ailleurs, montré que les projets de bioénergie à petite échelle, qui ne ciblent pas les marchés d’exportation, peuvent améliorer la sécurité alimentaire et contribuent à stimuler les économies rurales.

…et périls

Récolte de canne à sucre, photo FAO

Parallèlement à l’intérêt croissant pour les bioénergies se sont également accrues les inquiétudes quant à leurs effets négatifs potentiels. En tête de ceux-ci, citons le risque que l’expansion des cultures bioénergétiques se fasse au détriment de la production alimentaire, ce qui réduirait les disponibilités en denrées alimentaires et entraînerait les prix à la hausse.

Autres motifs de préoccupation : le déboisement pour convertir de nouvelles terres à des cultures bioénergétiques et les effets d’une telle conversion sur les autochtones.

Le contexte est essentiel

Les risques potentiels et les bénéfices doivent être soigneusement jaugés à l’aune des variables spécifiques par pays et par région, fait observer M. Thofern. La production de bioénergie n’est pas une panacée et ne sera pas toujours appropriée ou viable. Dans certains cas, elle pourrait même être nuisible.

« Cela dit, nous ne pouvons pas ignorer le fait que dans d’autres cas, la production de bioénergie offre de grandes possibilités pour revitaliser les économies rurales, réduire la pauvreté, et améliorer la sécurité alimentaire des ménages », affirme l’expert de la FAO.

Soutenir la croissance d’une filière bioénergie durable dynamique et socialement responsable dans le monde en développement équivaut à soutenir également la recherche et le développement de nouvelles solutions telles que les résidus de récolte et les pertes agricoles qui peuvent réduire les risques pour la sécurité alimentaire et l’environnement.

Selon M. Thofern, en fin de compte, la question de savoir si le développement des bioénergies contribue à la sécurité alimentaire, lutte contre la pauvreté et favorise l’atténuation du changement climatique dépendra de la façon dont cette filière sera gérée. « Et c’est justement pour cette raison que la FAO a mis au point cette nouvelle méthodologie analytique. »

La FAO assure le suivi de cette méthodologie au travers de son projet Bioenergy and Food Security Criteria and Indicators (BEFSCI) qui vise à développer un outil de prévention des risques et de gestion ainsi qu’un outil de réponse en matière d’évaluation et de politique, fondé sur les bonnes pratiques.

FAO,  Rome le 17 mai 2011