Lien de bannissement

Produire de l’électricité par gazéification des déchets

La torche à plasma peut remplacer les brûleurs de combustible fossile avec une efficacité de 85%, photo Europlasma

La gazéification des déchets, consistant à les faire brûler dans une atmosphère réduite en oxygène, aborde un nouveau tournant avec l’utilisation de torches à plasma. Plus écologique et diminuant les émissions de dioxine, ce processus innovant pourrait aider à faire émerger une réelle filière d’incinération propre, indispensable à une gestion efficace des déchets.

En France, l’industriel Europlasma a ainsi lancé la construction de sa première usine s’appuyant sur cette nouvelle technologie à Morcenx le 1er décembre dernier.

Alternative à une incinération de plus en plus dépréciée en France suite aux différentes procès à la dioxine, la gazéification des déchets non réutilisables, ici assisté par des torches à plasma, se positionne comme une technologique moins polluante et jusqu’à deux fois plus efficace.

Production d’électricité via une gazéification par torche à plasma : une technologie plus propre que l’incinération classique

Contrairement à l’incinération qui repose sur une combustion totale des déchets, le processus est basé sur la gazéification classique des matières organiques, et la torche à plasma est utilisée pour augmenter la température de la gazéification et nettoyer le gaz obtenu. En effet, le procédé consiste à soumettre les déchets à une forte chaleur dans un volume d’air réduit, ce qui les convertit en gaz de synthèse, mélange d’hydrogène (H2) et de monoxyde de carbone (CO). Ce gaz est ensuite purifié par une torche à plasma, permettant de cracker les résidus organiques (avec des températures pouvant atteindre 1200°C) et d’obtenir un gaz pouvant être utilisé dans une turbine à gaz dans le but de produire de l’électricité. Le résidu solide, quant à lui, est également soumis à une torche à plasma afin de le vitrifier, ce qui le transforme en un matériau inerte et compact pouvant être réutilisé, entre autres dans la construction de routes.

Processus de gazéification par torche à plasma

Les éléments organiques étant entièrement convertis en gaz, la formation de dioxines et de furannes, objets du procès à la dioxine de l’incinérateur de Gilly-sur-Isère en novembre 2010, est quasiment nulle. De plus, la réduction des fumées peut aller jusqu’à 75% en volume par rapport aux fumées générées lors d’une incinération, ce qui permet de réduire la taille du dispositif de nettoyage et par conséquent d’en diminuer le coût. Plus compacte, la technologie peut être aisément intégrée à un environnement urbain. Quant aux rejets, leur vitrification par torche à plasma permet de les réutiliser, par exemple dans la construction de routes. Enfin, grâce à la conversion partielle des éléments organiques en monoxyde de carbone au lieu d’une conversion totale en dioxyde de carbone comme lors d’une combustion, ce procédé ce ne produit que peu de dioxyde de carbone, avec l’exemple d’Europlasma qui déclare une production de dioxyde de carbone de 0,2kg par kWh produit1.

Malgré tous ces avantages environnementaux, le développement de la gazéification assistée par torche à plasma est néanmoins freiné par une exploitation moins rentable que les procédés classique. Les coûts, en particulier ceux de construction, auxquels s’ajoute celui de l’électricité nécessaire au fonctionnement d’une torche à plasma, réduisent fortement les profits possibles. Ainsi, le rassemblement des fonds nécessaires à la construction de l’usine de Morcenx, soit 40 millions d’euros, est le défi qui a délayé le projet d’Europlasma pendant de longs mois. Une analyse des consultants du cabinet SCS2 pour l’implantation d’une usine en Iowa aux Etats-Unis permet d’estimer le coût de construction à 77 dollars par tonne de déchets traités, comparé à ceux d’une usine d’incinération classique qui s’élèvent à 60 dollars par tonne. Cependant, l’usage de la cogénération et d’un tarif de rachat avantageux peut permettre à la technologie de devenir envisageable en termes de coûts.

Suite à l’arrêté du 8 novembre 2007, l’énergie produite dans les usines d’incinération des ordures ménagères est considéré comme renouvelable en France. Elle bénéficie à ce titre d’un tarif de rachat de base de 4,5 à 5 centimes d’euros le kilowattheure, auquel s’ajoute un prime à l’efficacité énergétique comprise entre 0 et 0,3 c€/kWh. Pour son usine de gazéification des déchets, Europlasma a réussi à signer un tarif de rachat à 12,5 c€/kWh avec EDF, ainsi qu’une obligation de rachat sur vingt ans. Ce tarif de rachat représente plus du double de celui des unités d’incinération et devrait permettre à la technologie d’être rentable.

Plusieurs acteurs majeurs pour un marché en développement

Plusieurs déclinaisons de ce processus sont développées par quelques acteurs majeurs : Europlasma en France, Alter NRG, Plasco Energy Group et InEnTec aux Etats-Unis et Canada. Chaque entreprise possède une technologie spécifique brevetée, et leurs maturités commerciales sont très inégales, avec une nette avance d’Alter NRG, propriétaire de la technologie Westinghouse.

L’industriel français Europlasma travaille déjà traditionnellement avec des torches à plasma, utilisées majoritairement pour la destruction de déchets dangereux, tels que les résidus d’amiante. Sa technologie de gazéification des déchets, appelée « CHO Power » devait être appliquée dès 2009 dans la première usine de ce type à Morcenx, dans les Landes, qui générera jusqu’à 12 MW d’électricité grâce à la gazéification de déchets industriels banals de la région et de biomasse. Avec une construction finalement débutée au 1er décembre 2010, la mise en opération de l’usine est prévue pour 2012. Concernant les flux de déchets traités, Europlasma a signé des accords-cadres avec Véolia et Sita, entreprises responsables de la collecte et du tri dans cette région.

Les autres projets en développement sont menés principalement par trois entreprises nord-américaines, Alter NRG, InEnTec, et Plasco Energy Group. Ayant racheté la compagnie Westinghouse Plasma Corporation en 2006, Alter NRG utilise sa technologie basée sur une coupole de gazéification alimentée par des torches à plasma, utilisée aussi bien pour la gazéification du charbon que celle de la biomasse. Leur implantation de longue date au Japon est un véritable avantage compétitif, où deux usines de gazéification des déchets sont en opération depuis dix ans, et deux nouvelles usines ont été construites en Inde, concernant le traitement des déchets dangereux. Le groupe possède également un site pilote aux Etats-Unis. Les deux derniers acteurs majeurs, Plasco Energy Group et InEnTec, possèdent tous deux des sites pilotes mais, à ce jour, aucun site opérationnel.

Perspectives de la technologie dans le contexte français

Comme Europlasma l’a instauré, un tarif de rachat avantageux et d’éventuelles aides du gouvernement permettrait d’assurer la rentabilité d’une technologie souffrant de coûts de construction très élevés, au contraire de ses coûts d’opérations presque nuls. L’idée intéressante de cogénérer déchets municipaux triés et biomasse permet de profiter d’une filière délaissée en France, mais possédant des perspectives avantageuses. Les appels d’offre de la CRE sur la biomasse sont en effet nombreuses, et la filière présente de très bonnes ressources. Gazéifiée avec les déchets, elle permet d’élever le pouvoir calorifique du mélange et assure une bonne répartition de la chaleur lors de la gazéification. Le développement d’une telle technologie permettrait ainsi de diversifier efficacement le portefeuille des énergies renouvelables.

Il reste à voir si cette variante de la gazéification saura s’extirper de la disgrâce de l’incinération en France, surmonter les craintes environnementales et résoudre les problèmes opérationnels qui se présenteront, notamment liés à l’usage des torches à plasma, dispositifs complexes. Aux Etats-Unis, la construction d’une usine de gazéification des déchets à Ste Lucie en Floride était annoncé en 2006 comme le plus grand projet dans ce domaine, étant initialement configuré pour traiter jusqu’à un million de tonnes de déchets par an. A présent avec une capacité diminuée à 150 000 tonnes de déchets traités par an, la construction de l’usine n’a toujours pas été démarrée, notamment à cause de l’opposition des associations locales et du retrait de plusieurs investisseurs.

Toutefois, l’usine d’Europlasma à Morcenx est assurément une avancée pour un développement commercial et les prochaines années seront décisives pour l’avenir de cette technologie.

Sia Partners

Notes :
1 – A titre de comparaison le CO2 émis pour un kWh produit par charbon est de 0,8 à 1,05 kg et de 0,4 kg pour le cycle combiné à gaz.
2 – Cette analyse a été publiée lors de la conférence NAWTEC18, en mai 2010.

>> Retrouvez tous les articles de Sia Partners sur les bioénergies