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Le charbon aux Etats-Unis, 345 milliards $ annuels en coûts cachés !

http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/66046.htm

Si le charbon est souvent montré du doigt comme étant l’une des sources d’énergies les plus polluantes qui soient, il s’agit aussi d’une ressource abondante et très bon marché aux Etats-Unis.

Cependant, l’exploitation du charbon dissimule des coûts « cachés » pour la société estimés à hauteur de 345 milliards de dollars (249 milliards d’euros) par an, selon une étude publiée le mois dernier dans Annals of the New York Academy of Sciences [1].

Des coûts « externalisés »

Le charbon, grâce à son abondance et ses coûts d’exploitation très bas, permet 46% de la production nationale d’électricité aux Etats-Unis, et 40% dans le monde [1]. Cependant, la pollution qui résulte de son exploitation est importante, même si les effets sur la santé et l’environnement sont difficilement observables et mesurables. Cela représente des coûts « cachés », qui ne sont pas pris en charge par l’industrie, mais qui existent néanmoins. Ils sont donc externalisés vers le secteur public, qui les paye sous forme de frais de santé ou de nettoyage de sites contaminés. La non prise en compte de ces coûts cachés permet de maintenir le coût du charbon artificiellement bas, et donc de favoriser son utilisation au détriment d’autres alternatives moins polluantes.

« [Ces coûts] ne sont pas payés par l’industrie du charbon, ils le sont par nous, avec nos impôts » déclare Paul Epstein, directeur adjoint du Center for Health and the Global Environnement à la Harvard Medical School et auteur principal de l’étude. « Le coût pour la société est bien plus important que le seul coût du charbon. »

Les auteurs de l’étude ont considéré l’ensemble du cycle de vie du charbon (extraction, transport, combustion, traitement des déchets), et fait l’inventaire de ses effets directs et indirects, dont ils ont entrepris de chiffrer l’impact économique. Celui-ci est évalué à 345 milliards de dollars (249 milliards d’euros) par an, variant au sein d’une fourchette de 175 à 523 milliards de dollars (126 à 377 milliards d’euros). Parmi les effets néfastes pris en compte par l’étude, la majorité – jusqu’à 80% dans l’hypothèse basse – provient de coûts de santé relativement bien documentés (problèmes cardiovasculaires, pulmonaires, empoisonnement au mercure). Les coûts environnementaux sont néanmoins significatifs, en particulier la contribution au changement climatique (dioxyde de carbone et d’azote, « black carbon »). Les communautés minières des Appalaches payent un lourd tribut, avec une mortalité accrue (cancer, accidents, etc.) chiffrée à 74,6 milliards de dollars (53,8 milliards d’euros).

En 2010, le prix moyen de l’électricité produite avec du charbon était de 9,91 cents/kwh (7,15 centimes/kwh). Dans l’hypothèse la plus réaliste, internaliser les coûts cachés augmenterait le prix d’environ 17,8 cents/kwh (12,8 centimes/kwh), ce qui revient à quasiment tripler le coût de l’électricité. Dans ces conditions, le charbon deviendrait l’une des sources d’énergie les plus chères. Agir ainsi permettrait de diminuer la consommation de charbon et de réduire les effets négatifs associés, mais aussi de rétablir l’équilibre avec les énergies renouvelables qui souffrent de ce « désavantage compétitif ». Les auteurs de l’étude recommandent par ailleurs que des estimations similaires soient réalisées pour toutes les sources d’énergies, afin de fournir les outils adéquats aux pouvoirs publics.

Epstein insiste sur le fait que les coûts réels sont peut-être plus élevés encore que les estimations de l’étude ne l’indiquent, et dépasseraient même l’estimation la plus haute de 523 milliards de dollars. En effet, les données fiables nécessaires pour évaluer précisément les effets sur la santé du cycle du charbon manquent, notamment en ce qui concerne les infiltrations de polluants dans les nappes phréatiques et la contamination de l’eau potable. « Nous voyons les accidents et les morts des mineurs, nous voyons les impacts de l’extraction par dynamitage de montagne, […] nous ne voyons pas le benzène, le plomb, le mercure, l’arsenic… le grand nombre de substances cancérigènes contaminant l’eau courante. » affirme-t-il.

Un impact négatif malgré une électricité bon marché

Cette étude ne semble pas convaincre les industriels du charbon. D’après eux, l’étude ne prend pas en compte les apports positifs du charbon à la société, qui permet de fournir de l’énergie à bas prix. « Une énergie peu coûteuse est liée à un meilleur niveau de vie et une meilleure santé » déclarait à Reuters le 17 février Lisa Camooso Miller, porte-parole de l’American Coalition for Clean Coal Electricity, un lobby charbonnier.

Cependant, une autre étude publiée le 21 février dans Environmental Health Perspectives montre que cette affirmation se révèle fausse [2]. En se basant sur des données provenant de 41 pays sur la période 1965-2005, l’étude montre qu’une augmentation de la consommation d’électricité – liée notamment à une baisse du prix de l’énergie – n’apporte de gains significatifs en termes de santé qu’aux pays qui souffrent initialement d’une forte mortalité infantile et d’une faible espérance de vie. Dans les pays développés, une électricité accessible et peu chère n’entraîne pas de bénéfices en termes de santé. De même, l’évolution de l’espérance de vie ne dépend pas de la consommation électrique. Mais surtout, l’étude établit clairement un lien statistique entre une consommation accrue de charbon et la diminution de l’espérance de vie, ainsi que l’augmentation de la mortalité infantile.

« La recommandation principale serait […] de mettre en place des mécanismes pour évaluer réellement les impacts en termes de santé et comparer les bénéfices et les coûts » déclare Julia Gohlke, professeur au département des sciences de santé environnementale à l’université de Birmingham, Alabama et autrice principal de l’étude.

Vers des coûts plus représentatifs ?

L’échec de la loi climat l’an dernier et le manque de consensus au Congrès à l’heure actuelle sur la question énergétique ne sont pas favorables à une évolution dans ce sens. Une action législative fédérale étant très peu probable pour les deux prochaines années, et puisque les réserves nationales disponibles sont très importantes – de l’ordre de plusieurs siècles – le charbon va vraisemblablement continuer à être une source d’énergie bon marché et à jouer un rôle important dans la production énergétique des Etats-Unis durant les années à venir.

Néanmoins, l’incertitude qui règne autour de l’évolution de la réglementation du charbon est un facteur à prendre en compte. L’Environmental Protection Agency a entrepris plusieurs actions qui ne sont pas bénéfiques à l’industrie du charbon. En particulier, l’agence a récemment annulé le permis d’exploitation d’une mine en Virginie Occidentale opérant par dynamitage de montagne [3], et prépare actuellement plusieurs règles qui ont pour but de réduire les émissions polluantes, comme le mercure et les gaz à effets de serre. Ces nouvelles règles affecteront les centrales électriques au charbon, à cause de l’importante pollution qu’elles rejettent, et entraîneront des coûts supplémentaires. De plus, la technologie de capture et de stockage des émissions, la composante essentielle du charbon « propre », ne devrait pas être disponible commercialement avant 2020, et sa mise en place nécessitera des investissements très importants. A l’avenir, l’exploitation du charbon pourrait donc tout de même refléter une partie de ces coûts cachés.

BE Etats-Unis numéro 238 (4/03/2011) – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/66046.htm