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Coefficients d’énergie primaire, il faut tout remettre à plat et tout prendre en compte

Editorial du Bioénergie International n°98 de l’été 2025

Le facteur de conversion des combustibles bois qui est de 1 pourrait logiquement passer à 0,1 ou 0,15, photo proPellets Autriche

Actuellement, lorsqu’on réalise un diagnostic de performances énergétiques d’un logement et d’un bâtiment tertiaire, on calcule la somme des consommations d’énergie finale et qu’on convertit ensuite en consommation d’énergie primaire pour être juste en termes d’énergie réellement consommée. Et pour faire cette conversion de manière simple et universellement reconnue, on utilise des coefficients d’énergie primaire qui sont établis de manière conventionnelle par les pouvoirs publics.

Ainsi au niveau international, l’ensemble des combustibles, fossiles ou renouvelables, bénéficient d’un coefficient de 1, ce qui signifie que conventionnellement 1 kWh d’énergie primaire permet de fournir 1 kWh d’énergie finale. Or, ceci n’est pas exact, puisque cela néglige les dépenses d’énergie réalisées pour la mise à disposition des combustibles, et qu’on appelle énergie grise, et qui varient énormément d’une filière ou d’un pays à l’autre. Pour le fioul domestique, cela ne prend pas en compte les dépenses énergétiques réalisées pour l’exploration, le forage, le transport, le raffinage et la distribution, des dépenses dont les valeurs peuvent atteindre des dizaines de pour cents de l’énergie finale. Pour le gaz naturel, ce chiffre ne tient pas compte des fuites à l’extraction et depuis les gazoducs, ni de l’énergie de transport ou de liquéfaction.

Pour les consommations électriques, c’est encore plus compliqué, car l’électricité qui n’est pas une énergie primaire, est produite par différentes filières technologiques, et au-delà même des questions de l’usage ou pas de combustibles pour sa production, il faut déterminer un coefficient de conversion qui sera la moyenne des coefficients des différentes filières du mix de production électrique. Ce mix contiendra ainsi des coefficients proches de 1 pour la plupart des filières renouvelables (hydraulique, éolien, géothermique ou photovoltaïque) et des coefficients plus proches de 3 pour les filières thermiques du fait du rendement de conversion électrique des centrales qui est de l’ordre de 0,3 (entre 0,1 et 0,42). Et pour l’électricité la complexité ne s’arrête pas là puisque la distribution de ce vecteur énergétique est aussi facteur de déperdition qui va lui aussi influer sur le coefficient réel et technique de conversion entre primaire et final. Donc comme pour les combustibles, des coefficients de conversion sont conventionnellement retenus, et pour la France, il était passé de 2,58, puis a été abaissé à 2,3 en 2021. Aujourd’hui, tel qu’annoncé le 9 juillet 2025, le gouvernement français souhaite le ramener à 1,9 qui est une valeur par défaut autorisée au niveau européen, et cela dans le but de moins pénaliser les logements chauffés à l’électricité et qui se retrouvent aujourd’hui classés en passoires énergétiques. Accessoirement, cela redonnerait un avantage perdu à la filière française du chauffage électrique.

Or, cette proposition soulève autant d’intérêts que d’indignations, les indignés arguant qu’un facteur de convection de l’électricité de 1,9 ne reflète en rien la réalité technique et scientifique du mix électrique français, ce qui est indéniable. Ce qui est indéniable également, c’est que le coefficient de 1 pour les combustibles n’est lui non plus pas juste.

Alors faut-il continuer à qualifier les bâtiments en fonction de leur seule consommation d’énergie primaire, sans tenir compte de quelle énergie primaire on parle, carbonée ou pas ? Ou ne faut-il pas plutôt qualifier les consommations d’énergie en fonction de leur impact carbone, ce qui est plus important pour ce qui préoccupe aujourd’hui l’humanité, à savoir le changement climatique ?

Alors comme l’a fait remarquer Thomas Perrissin, codirecteur d’ÖkoFEN France, s’il est question d’envisager de changer des coefficients, alors revoyons-les tous, et redéfinissons-les non plus sur l’énergie primaire seule, mais sur l’impact CO2 de chaque filière, sur leur énergie grise, ce qui ne pénalisera pas les énergies décarbonées comme c’est le cas aujourd’hui.

Et pour le granulé de bois, comme le propose Thomas Perrissin dans une pétition en ligne, une filière où l’énergie grise est comprise entre 10 et 15 % selon qu’elle est locale ou pas, le facteur de conversion qui est aujourd’hui de 1, passerait à 0,1 ou 0,15, pour 1 à 1,5 kWh d’énergie fossile consommée pour produire 10 kWh d’énergie solaire renouvelable stockée dans le bois par la photosynthèse.

Frédéric Douard, rédacteur en chef

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