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Pas de gestion durable des déchets sans incinération responsable

Déchets, photo Isabelle Douard

L’accroissement de la population, du consumérisme et le développement industriel ont conduit à une augmentation intense du nombre de déchets produits. La gestion durable des déchets est capitale afin de répondre aux enjeux environnementaux qui se posent à nos sociétés actuelles. En effet, le coût des déchets s’accroît et souligne l’urgence du problème.

Selon l’ADEME, la dépense nationale liée à la gestion des déchets était de 7 407 millions d’euros en 1996. Dix ans après, cette dépense est propulsée à 11 623 millions d’euros, soit une augmentation de 36%. Que propose le Grenelle Environnement pour répondre à ces enjeux ? Existe-t-il une solution à privilégier pour gérer durablement les déchets ?

La politique de gestion des déchets du Grenelle Environnement reste floue

Plusieurs solutions peuvent être utilisées pour traiter les déchets : stockage, recyclage, incinération, et compostage sont les techniques de traitement majoritairement utilisées :

  • La plus simple, le stockage dans des Centres d’Enfouissement Technique (CET) est à proscrire de par l’espace qu’elle requiert.
  • Le recyclage, favorite du grand public, permet de réutiliser les déchets sous une nouvelle forme.
  • L’incinération, handicapée par sa mauvaise image, permet la production d’électricité et de chaleur, mais chaque incinérateur a un coût de construction non négligeable.
  • Le compostage permet quant à lui une valorisation des déchets organiques.
  • Enfin, une responsabilisation de notre mode de consommation doit être mise en avant pour faire face au nombre croissant de déchets.

Grande perdante du Grenelle, la politique des déchets reste floue et ne définit pas une stratégie claire quant au choix des filières de traitement. L’objectif majeur du Grenelle est de réduire la production de déchets et développer le recyclage, avec des objectifs précis tels que :

  • Une réduction de la production d’ordures ménagères de 7% durant les 5 prochaines années ;
  • Une augmentation du recyclage à 35% du poids total des déchets en 2012 et à 45% en 2015 pour les ordures ménagères, comparé à 24% en 2004 ;
  • Une réduction du volume des déchets terminant leur vie dans des incinérateurs ou des sites de stockage de 15% avant 2012.

Cependant, l’absence de développement d’une technologie ou d’une pédagogie laisse un vide pour atteindre ces objectifs, tout particulièrement au niveau des filières de recyclage nécessaires. Une campagne de sensibilisation des ménages permettrait de favoriser le recyclage urbain. Selon l’ADEME, seulement 18% des déchets français étaient recyclés en 2008, contre une moyenne européenne de 23%. 36% étaient enfouis dans des CET et 32% se voyaient être incinérés. Ainsi, sans définition d’une filière précise, la réduction des déchets reste handicapée par le flou qui plane sur le type de gestion à privilégier. Par défaut, le recyclage semble être le favori mais présente également ses limites.

Le recyclage ne peut supporter à lui seul toute la réduction des déchets

Souvent perçu comme la solution miracle, le recyclage accuse pourtant de difficultés économiques et matérielles. Trier et réutiliser les déchets comprend un coût conséquent que la vente des matériaux réutilisés ne peut compenser. Pour que le recyclage soit efficace et que le « tout recyclage » soit atteint, il faut disposer de filières de traitement adaptées, ce qui n’est pas le cas en France. La « matière première » constituée par les matériaux recyclés est de plus en compétition avec les matériaux neufs, dont le coût fluctue selon la demande contrairement aux matériaux recyclés, devant couvrir le coût fixe de traitement. L’opportunité économique est donc soumise aux fluctuations du marché.
Enfin, le recyclage a une limite physique : au fur et à mesure des recyclages, le matériel perd de sa qualité et devient finalement un déchet inutilisable. Par exemple, le papier ne pourra être recyclé que 6 à 7 fois pour aboutir finalement à du carton grossier.

Les avantages que le recyclage peut avoir sont ainsi pénalisés par l’augmentation constante de notre production de déchets que seule une sensibilisation efficace est à même de limiter par la réutilisation directe des matériaux. Au-delà du recyclage, il convient donc de réduire en amont le nombre de déchets pour pouvoir les traiter ensuite efficacement. Par exemple, réutiliser une bouteille en verre chez soi est par contre un vecteur très intéressant pour la réduction des déchets et est, quant à elle, avantageuse économiquement. Certains pays d’Europe ont ainsi décidés d’allier d’autres moyens de gestion avec une pédagogie efficace pour mieux réduire leur volume de déchets et les traiter.

L’Allemagne fait figure d’exemple en Europe avec un mix de gestion équilibré

Le Danemark, la Suède, la Belgique, les Pays-Bas, et l’Allemagne ont mis en place une politique durable de gestion des déchets, faisant d’eux les meilleurs élèves européens en termes de traitement durable des ordures ménagères : moins de 5% des ordures sont stockés et une grande partie est recyclée selon les statistiques d’EUROSTAT.

L’Allemagne, par sa politique de tri des déchets et de sensibilisation est le pays le plus avancé avec plus de 40% de ses déchets recyclés. En 2004, l’Allemagne stockait dans les CET 104 kg de détritus par an et par personne. En 2007 cette proportion est passée à 3 kg, grâce à une politique active de recyclage inégalée : depuis 2005, le prétraitement des déchets est obligatoire, entraînant un tri, un compostage ou une incinération de tous les déchets urbains. De plus, la politique fédérale allemande de gestion des déchets permet un recyclage adapté à chaque région, selon son caractère rural ou urbain. Ainsi, par une structuration de la filière et emploi des divers modes de gestion, les déchets finaux sont réduits à leur minium : le recyclage y trouve sa place mais il ne faut pas négliger le compost et l’incinération qui représentent 60% de la part de gestion des déchets.

L’incinération, un traitement essentiel méconnu et peu apprécié

Le Grenelle Environnement, contrairement à la politique de nombreux pays européens, considère l’incinération comme une pratique à éviter. Lors des délibérations, certaines associations se sont élevées contre l’incinération, exigeant un moratoire sur la construction de nouveaux incinérateurs, avançant que ce procédé réduit la part de recyclage et présente un danger pour la santé publique. Cette position n’a pas été adoptée par le Grenelle, même si la diminution du tonnage de déchets incinérés est l’un des objectifs finalement adopté. Pourtant, les chiffres de l’ADEME montrent l’importance de l’incinération en France : en 2006, 128 incinérateurs ont traité 10 millions de tonnes de déchets par an, et la production d’électricité générée était de 3.763 TWh, ce qui correspond à la consommation totale du Paraguay en 2006 soit 3.5 TWh.

Ce rejet massif a pour principal argument une revendication obsolète : lors de la combustion des déchets les fumées comportent de nombreux gaz et toxines nocives, en particulier les dioxines, résidus cancérigènes provoquant entre autres des lésions cutanées. Cependant, depuis 1985 où les dangers liés à ces toxines furent découverts, tous les incinérateurs ont été adaptés pour respecter le niveau réglementaire d’émissions.

Ainsi, le véritable problème de l’incinération réside dans sa mauvaise image, peu aidée par une faible visibilité puisque les émissions des incinérateurs ne sont que très peu disponibles sur la toile. Pourtant, il est intéressant de constater l’évolution actuelle de l’incinération classique avec l’apparition de nouvelles technologies, telles que la gazéification ou les torches à plasma. Celles-ci bénéficient, d’une meilleure image auprès du public, en particulier la gazéification. Comme l’expérience internationale l’a montré, la part des déchets enfouis ne peut être réduite sans l’incinération et ces nouvelles technologies pourraient permettre d’incinérer plus de déchets tout en produisant de la chaleur ou de l’électricité, créant ainsi une nouvelle source d’énergie.

Sia Conseil le 14 décembre 2010