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Comment les startups des algocarburants aux Etat-Unis se diversifient

http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/65147.htm

La visite récente de l’entreprise Solazyme a permis d’observer l’orientation que semblent prendre plusieurs startups du secteur des biocarburants de Californie : la diversification des marchés et applications. Est-ce de l’opportunisme ou une nécessité pour survivre ?

Les algues, le carburant vert parfait
Les algues sont des organismes microscopiques qui comme les plantes convertissent à l’aide de la photosynthèse du dioxyde de carbone en huiles qui peuvent être transformées à leur tour en carburant. Les chercheurs comme ceux du NREL, ainsi que de nombreuses entreprises et startups espèrent arriver à isoler certaines souches capables de produire de grandes quantité de carburants qui permettent de réduire la dépendance en carburants fossiles.

Tout d’abord, pourquoi utiliser les algues ?
Parce qu’elles grossissent beaucoup plus rapidement et produisent beaucoup plus d’huile que les plantes terrestres. Sous l’action d’un stress (manque de lumière), elles vont accumuler de grandes quantité d’huile (jusqu’à 50% de leur masse), tout comme pourrait le faire un mammifère stockant des lipides. Et les algues contrairement aux plantations de maïs peuvent donner lieu à des collectes d’huile tout au long de l’année. Par comparaison, un hectare de soja va produire 100 fois mois d’huile qu’un étang recouvert d’algues sur un hectare.

Contrairement à l’éthanol qui se développe beaucoup dans des pays comme le Brésil, la densité énergétique des biocarburants à base d’algues est équivalente à celle des hydrocarbures. Ceci implique que l’infrastructure existante nécessite beaucoup moins d’aménagements qu’il n’en faudrait pour développer l’utilisation de l’éthanol comme carburant. Les véhicules à éthanol ont de plus des problèmes de démarrage en période de froid. Par ailleurs comparé à d’autres biocarburants comme ceux à base de soja, les algues ont l’avantage de ne pas poser de conflits avec l’utilisation qui est faite du soja dans l’industrie agroalimentaire.

Les algues ont enfin l’avantage de pouvoir consommer beaucoup de dioxyde de carbone lorsque celui-ci est fortement concentré: c’est le cas par exemple pour les émissions d’usines de production de certaines industries. Les algues peuvent donc se nourrir de ces émissions, et réduire leur volume, ce qui permet de les associer à ces sites de production, un peu comme Calera fabrique du ciment à partir de ces mêmes émissions de CO2. Dans ces conditions on pourrait se demander ce qui freine le développement industriel des biocarburants à base d’algues.

Quelques obstacles techniques à surmonter
Les problèmes sont multiples au niveau de la R&D : il a fallu plusieurs années de recherche pour isoler les souches d’algues les plus performantes, grâce à des modifications génétiques notamment. De plus, le procédé qui permet de transformer ces huiles en biocarburants est beaucoup plus cher que pour les hydrocarbures dont chaque étape de la production est le fruit de nombreuses années d’expérience et d’optimisation. A l’heure actuelle on estime le coût d’un baril de biofuel dérivé d’algues entre $350 et $1000, bien plus qu’un baril d’essence ou de biofuels d’huiles végétales.
Malgré cela il y a de l’espoir : les laboratoires de recherche et beaucoup de startups s’attaquent à tous les problèmes rencontrés par le développement industriel de ces biocarburants. Solazyme par exemple développe ses cultures dans des containers fermés en acier, plutôt qu’à l’air libre, stabilisant ainsi les cultures en les isolant dans le noir et en nourrissant les algues à l’aide de sucres dérivés de canne qui sont ainsi transformés en huiles par les organismes. La société prévoit de commercialiser sa technologie de biofuels aux alentours de 2012-2013 avec un prix de $60 à $80 le baril. Algenol utilise une souche hybride d’algues qui secrète de l’éthanol et supprime ainsi le besoin de récolter, puis assécher les algues afin de récolter les huiles. Elle a reçu le support de Dow Chemical et Valero. Aurora Algae et Sapphire Energy utilisent la génétique pour isoler des souches d’algues plus performantes qui peuvent être cultivés dans des étangs à ciel ouvert. Aurora prétend notamment que sa technologie permet des récoltes au moins 100 plus importantes que les techniques classiques.
Un dernier exemple est Synthetic Genomics, qui peut compter sur la participation de Craig Venter. En effet cette société a financé les travaux de l’équipe de Venter qui a réussi à créer la première forme de vie artificielle, en l’occurrence une cellule bactérienne synthétique. Il n’est plus impossible dans un avenir proche de créer un organisme synthétique dont la fonction serait limitée à la conversion du sucre en éthanol, résultant en un procédé extrêmement efficace. Cela pourrait donc s’appliquer aux algues.

Comment passer au stade industriel ?
La route risque d’être longue avant que les biofuels à base d’algues aient une influence significative sur la consommation mondiale de carburants. Le passage à la production de masse se heurte à des problèmes de coûts difficiles à surmonter. En effet selon une étude du Pike Research, en 2020 l’industrie des biofuels à base d’algues devrait produire aux alentours de 61 millions de gallons par an dans le monde entier. Ce chiffre est minuscule si on le compare aux 138 milliards de gallons d’hydrocarbures (consommés aux USA en 2009). C’est pourquoi le Département de l’agriculture a décidé d’injecter $461 millions pour arriver à une production de biofuels de toute origine confondues à 36 milliards de gallons en 2022.
Mais parmi toutes ces startups qui développent des biocarburants à base d’algues, aucune n’est encore en mesure de fournir des quantités industrielles de carburants. Selon le même rapport, les premières usines capables de produire 1 million de gallons par an devraient voir le jour en 2014. En dehors des raisons techniques, il y a bien sur un problème de financement de ces infrastructures de production. Solazyme par exemple estime qu’il lui faudrait $100 millions pour pouvoir monter une usine de production, alors qu’à l’heure actuelle son financement par une série de 4 tours de tables lui a apporté un total de $125 millions pour son développement.

Une diversification nécessaire
Un certain nombre de développeurs de biocarburants à base d’algues sont donc à la recherche de marchés alternatifs pour générer des revenus tant qu’ils n’ont pas atteint leur objectif de production de masse de carburants. Si on reprend l’exemple de Solazyme, la diversification se fait dans plusieurs directions. Tout d’abord dans les cosmétiques, la branche « Health Sciences » vient de se lancer dans la production de crèmes de beauté. Plutôt que de fournir les composants à une grande marque de cosmétique, Solazyme a décidé de lancer directement sa propre marque – Algenist – en se positionnant sur le cosmétique haut de gamme à l’aide d’un spécialiste du secteur venu de l’Occitane. Cette branche santé s’occupe aussi de développer des produits nutraceutiques, à base de microalgues, riches en protéines, pouvant être utilisés dans des boissons, tablettes énergétiques, etc…
Par ailleurs la société vient de créer en Californie une Joint Venture avec Roquette, une entreprise française spécialiste de l’amidon et des produits dérivés. L’entité gérera la production, la commercialisation et le marketing de produits nutritifs dérivés de micro-algues. L’entreprise continue pourtant bien activement dans la direction des biocarburants et vient de signer un contrat important pour fournir 150.000 gallons de biocarburants à la Navy.

Commentaire
Les biocarburants à base de microalgues sont malgré cela très prometteurs et les découvertes récentes en génétique et bioraffinage ouvrent des opportunités pour développer des procédés industriels économiquement viables dans les 15 prochaines années.
Et même si une étude alarmante produite par University of California Davis prédit que les réserves mondiales d’hydrocarbures s’épuiseront presque 100 ans avant que les technologies de remplacement soient prêtes, espérons que ces stratégies de diversification permettront de soutenir l’activité de R&D de ces entreprises et de déboucher sur des productions industrielles conséquentes à un horizon proche.

Origine et sources : BE Etats-Unis numéro 226 (18/11/2010) – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/65147.htm