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Agrocarburants : les intérêts des agro-industriels ne doivent plus primer !

Champs de Colza en Côte d'Or, photo Frédéric Douard

Montreuil, le 3 septembre 2010

La France a publié le 24 août son Plan d’action national (PAN) visant à mettre en œuvre la directive européenne sur les énergies renouvelables de 2008 qui lui demande d’atteindre 23% d’énergie renouvelable dans son mix énergétique en 2020, dont 10% dans le secteur des transports. La quasi-totalité de cet objectif sera atteint via des agrocarburants.

Même si la Directive recommandait d’associer toutes les parties prenantes à la réflexion de ce plan, la France a préféré ne recevoir que les avis des pétroliers et des industriels des filières d’agrocarburants. Le Réseau Action Climat (RAC), qui travaille pourtant sur le sujet depuis plusieurs années, n’a pu que prendre connaissance de la proposition du ministère de l’écologie avant l’arbitrage interministériel. Alors que ce dernier proposait de plafonner le taux d’incorporation à 7% d’agrocarburants en 2020 en attendant que la 2e génération soit disponible, le plan propose finalement d’aller jusqu’à 10% avec une 2e génération d’agrocarburants très peu développée à partir de 2012. Les intérêts agricoles et industriels ont donc, une fois de plus, eu le dernier mot !
Le gouvernement reste donc très prudent sur les agrocarburants de 2e génération (ligno-cellulosiques) et l’objectif des 10% sera atteint presque exclusivement via des agrocarburants de 1e génération, faisant fi des risques environnementaux, sociaux et alimentaires déjà bien connus. Pour Antoine Bouhey de Peuples Solidaire : qu’il s’agisse du risque d’accaparement des terres dans les pays du Sud et des surfaces à mobiliser en Europe, de la perte de biodiversité (retournement de jachère et prairie ou déforestation) ou de la volatilité des prix de certaines denrées alimentaires, les études récentes montrent que les agrocarburants ont un impact largement négatif.

Prendre en compte le changement d’affectation des sols indirect (CASI)
Les agrocarburants aggravent la déforestation dans les pays en développement via le phénomène du CASI en produisant dans ces pays des matières premières qui seront soit directement transformées en carburant en Europe(1), soit destinées à compenser le déficit en huile alimentaire provoqué par l’utilisation massive de l’huile à des fins énergétiques. Les données du PAN montrent que la quasi-totalité de la production française de colza servira à satisfaire les besoins en biodiesel en 2020. Réduire à la marge la dépendance au pétrole du transport routier coûte à la France son approvisionnement national en huile végétale alimentaire ! Cela entrainera des importations de pays tiers pour satisfaire la demande alimentaire, avec le risque d’augmenter la déforestation et les émissions de CO2 ,explique Diane Vandaele du RAC-F.

Pourtant, le PAN français reste muet sur le CASI alors même que l’étude ADEME de cette année montre que la prise en compte de ce facteur double les émissions de gaz à effet de serre des agrocarburants français vis-à-vis du gasoil ou de l’essence remplacés. La méthodologie qui sera arrêtée par la Commission européenne à la fin de l’année pour prendre en compte le changement d’affectation des sols indirect doit être ambitieuse et permettre la mise en place d’actions réellement efficaces pour lutter contre la déforestation, réclame Jérôme Frignet, chargé de campagne forêt chez Greenpeace.
Et cela devra nécessairement se traduire par une révision à la baisse de l’objectif agrocarburant français.
(1) : Soja et huile de palme constituent déjà 30% des matières premières utilisées en France pour produire du biodiesel.

Source : www.rac-f.org du 6 septembre 2010