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Les micro-unités de cogénération par gazéification de bois en Wallonie

Article rédigé par Pierre-Louis Bombeck, expert bois-énergie chez Valbiom Asbl, et paru dans le Bioénergie International n°60 d’avril 2019

La centrale de micro-cogénération de l’écoquartier de Visé, photo Frédéric Douard

Présents depuis des années dans plusieurs pays d’Europe, la micro-cogénération par gazéification de bois n’est apparue en Wallonie qu’en 2018. Le terme micro-cogénération fait référence aux unités d’une puissance maximale de 50 kWé selon la définition de la Directive européenne 2012/27/UE du 25 octobre 2012. Dans cet article sont également concernées des unités d’une puissance électrique légèrement supérieure. À ce jour, la Wallonie compte plusieurs unités à l’étude, plus trois en fonctionnement : l’une dans une maison de repos, l’autre dans une école et la dernière sur le réseau de chaleur biomasse d’un éco-quartier. Retour sur l’arrivée de cette technologie, ses atouts, ses contraintes et les meilleures situations pour les implanter.

La gazéification du bois et l’utilisation du syngaz

La gazéification, quand elle est appliquée à de la biomasse de type bois, est une technique qui consiste à transformer cette ressource solide en un mélange de gaz par un processus thermique en présence réduite et contrôlée d’oxygène.

Lors de ce processus, quatre phénomènes se succèdent : le séchage, la pyrolyse, l’oxydation et la réduction de la biomasse initialement introduite. Les produits de ces réactions sont des cendres, du charbon de bois ou biochar, du goudron et un mélange de gaz.

Le syngaz est dépoussiéré avant injection dans le moteur, photo Frédéric Douard

Lors de son emploi en cogénération, le processus est conduit de manière à maximiser la production de gaz, en diminuant autant que possible la production des autres éléments. Ce gaz, appelé syngaz, est un mélange d’hydrogène, de mono- et dioxyde de carbone, avec une part variable de goudron et d’eau et éventuellement des traces de méthane. Les deux premiers gaz, H2 et CO, sont combustibles et leur teneur déterminera le pouvoir calorifique du syngaz. L’avantage de cette transformation est de pouvoir utiliser le bois dans un moteur thermique à combustion interne. Ce moteur transformera cette énergie en une force motrice, qui pourra par exemple entraîner un alternateur et produire de l’électricité.

Le gazéifieur de la micro-centrale de Crisnée, photo Frédéric Douard

Comparé au gaz naturel ou au biométhane, le syngaz est un type de gaz pauvre, c’est-à-dire avec un contenu énergétique faible. Son PCI varie entre 1,1 et 5,5 kWh/Nm³ selon le procédé et l’agent oxydant, contre 8,5 à 9,5 kWh/Nm³ pour le gaz naturel. Il n’est alors pas économiquement rentable de transporter ce syngaz sur de longues distances, même comprimé. C’est pourquoi les équipements de gazéification sont très majoritairement couplés avec un moteur thermique qui utilise le syngaz au fur et à mesure de sa production. Comme le procédé de gazéification, le refroidissement du gaz et le refroidissement du moteur
 thermique dégagent de la chaleur qui peut être valorisée et on parle alors de cogénération de chaleur et d’électricité.

La technologie de gazéification peut théoriquement s’appliquer à toute une série de biomasses sèches autres que le bois (pailles, résidus agro-alimentaires, etc.), et des projets sont en cours de développement. Notons également que certaines technologies de gazéification produisent une part non négligeable de biochar. Ce dernier peut éventuellement être utilisé comme amendement pour les sols agricoles ou être valorisé énergétiquement dans une chaudière adaptée.

La micro-cogénération par gazéification de bois, de quoi s’agit-il ?

Les unités de micro-cogénération par gazéification de bois sont constituées généralement de trois éléments :

  1. l’unité de gazéification comprenant l’élément principal, appelé gazéifieur ou réformeur, où se déroulent les quatre étapes précitées ;
  2. un module de refroidissement et filtration du syngaz ;
  3. un moteur thermique utilisant le syngaz comme combustible pour produire de l’énergie.

L’ensemble peut tenir dans un volume de la taille d’un conteneur de type maritime. Le ratio de production de ce type d’unité est d’environ 1/3
d’électricité pour 2/3 de chaleur. Les différents constructeurs proposent des gammes allant d’une répartition d’environ 50 kWé + 100 kWth et qui descend jusqu’à 9 kWé + 22 kWth pour le plus petit modèle.

Cet éventail de production thermique convient à des petits projets dont la taille ne justifie pas le recours à des technologies turbine-vapeur, mais qui pourraient par contre justifier le recours à de petits ORC.

Quels types de projets conviennent à cette technologie ?

Comme cette technologie génère deux fois plus de chaleur que d’électricité, il est primordial d’avoir un débouché pour la chaleur.

Généralement, des besoins en chaleur pour le chauffage des bâtiments (uniquement durant la saison de chauffe) et la production d’eau chaude sanitaire (tout au long de l’année) peuvent très bien être couverts par une chaudière à bois classique.

Par ailleurs, d’un point de vue économique, une micro-cogénération de ce type ne devient rentable que si elle tourne au minimum 6 500 à 7 000 heures par an, soit entre
74 et 80 % du temps à pleine charge sur une année. Il convient donc d’avoir une utilisation de la chaleur produite 

tout au long de l’année, même en dehors de la période de chauffe des bâtiments.

L’installation de production de syngaz et au fond la génératrice et son moteur, à la micro-centrale de Visé, photo Frédéric Douard

Par exemple, une activité de séchage de bois (sciages ou bois-énergie) constitue une forme de valorisation régulière de cette chaleur. De même, des projets intégrant des activités consommatrices de chaleur de manière continue (piscine, hôtellerie, maison de retraite…) sont particulièrement bien adaptés à ce type d’installation.

Le combustible adapté

À l’inverse de certaines chaudières à biomasse qui peuvent tolérer un combustible avec des caractéristiques de granulométrie et d’humidité plus ou moins variables, les unité de micro-cogénération actuellement sur le marché sont très exigeantes.

Le combustible de la micro-centrale de Visé est calibré et séché selon un cahier des charges strict, photo Frédéric Douard

Le combustible employé doit contenir peu de particules fines (maximum 10 %) et l’humidité doit être inférieure à 10 % (certains constructeurs citent néanmoins une gamme d’humidité de 13 à 18 %). Ces conditions limitent bien entendu le choix du combustible employé : du granulé, des plaquettes bien criblées et spécifiquement séchées pour descendre au bon taux d’humidité ou des biomasses agricoles également bien sèches. À moins d’être équipé d’un cribleur et d’un sécheur, il est donc difficile actuellement d’autoproduire ses propres plaquettes pour ce type de micro-cogénération.

Produire, consommer et injecter l’électricité produite

Les projets wallons de micro-cogénération bois sont généralement destinés à produire de l’électricité qui sera en grande partie auto-consommée sur le site de production.

En effet, en Wallonie, le coût du MWh électrique acheté sur le réseau (de l’ordre de 150 à 220 €/MWh selon le type de consommateur et sa consommation) est bien supérieur au coût de revente d’un MWh sur ce réseau (entre 35 et 40 €/MWh). En tant que producteur d’électricité à partir d’une ressource renouvelable, ce dernier est en principe éligible au mécanisme de soutien mis en place actuellement : celui des Certificats Verts.

La micro-centrale de cogénération de Crisnée près de Liège, photo ValBiom

Ce mécanisme et ses procédures faisant l’objet de discussion et de révisions plus ou moins fréquentes, nous incitons les candidats wallons à bien se renseigner auprès de la Commission wallonne pour l’énergie.

Sauf dans les rares cas de projets hors-réseau, l’installation sera raccordée au réseau électrique sur lequel elle pourra injecter son surplus d’électricité verte produite. Ce raccordement est soumis à des règles et démarches spécifiques qu’il convient de respecter.

Un entretien quotidien

Génératrice 50 kWé de la micro-centrale de Visé, photo Frédéric Douard

Outre les opérations de maintenance qui seront effectuées à intervalles définis (en termes d’heures de fonctionnement), les unités de micro-cogénération par gazéification de bois nécessitent de consacrer quotidiennement entre 5 et 15 minutes à vérifier le bon fonctionnement des différents éléments, et éventuellement plus de temps si besoin d’une intervention de maintenance.

Il est possible de raccorder l’installation à un système d’alertes et de notifications à distance (courriel et/ou sms), ainsi que de consulter les paramètres en temps réel sur PC ou smartphone. Néanmoins, si ces options permettent d’être informé rapidement d’un arrêt ou problème, elles ne dispensent pas des vérifications quotidiennes sur site.

Conclusion

La micro-cogénération par gazéification de bois offre une solution nouvelle technologiquement mature moyennant un suivi quotidien et rigoureux. Elle est proposée par un nombre désormais croissant de constructeurs. Pour pouvoir tirer parti des avantages de cette production combinée de chaleur et d’électricité, il convient néanmoins de tenir compte de ses contraintes spécifiques.

L’erreur commune serait de l’envisager principalement pour la production d’électricité, sans débouché (ou insuffisant) pour l’usage de la chaleur. Quand les contraintes ont été bien intégrées au projet, ces unités constituent des solutions de production de chaleur et d’électricité vertes particulièrement intéressantes. À noter également : le projet doit être dimensionné sur base du besoin en chaleur et non l’inverse.

Alimentée en biomasse locale, cette solution énergétique contribue donc à l’indépendance énergétique, offre une production d’énergie renouvelable à la demande et s’intègre parfaitement dans le mix énergétique renouvelable.

Pierre-Louis Bombeck

Les pistes de développement pour de nouveaux projets sont variées et la recherche sur la gazéification d’autres formes de biomasse que le bois apporte des résultats encourageants. On peut donc bel et bien augurer d’un bel avenir aux unités de micro-cogénération par gazéification de biomasse solide.

>> Télécharger la note de ValBiom sur les micro-unités de cogénération par gazéification de bois en Wallonie

Pierre-Louis Bombeck, ValBiom, Tél. : +32 81 87 58 83 – pl.bombeck@valbiom.be – www.valbiom.bewww.labiomasse.be