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Monter son projet de valorisation de la menue paille

Menue paille, photo Frédéric Douard

Article paru dans le Bioénergie International n°55 de mai-juin 2018 – Synthèse des échanges de l’atelier Menue Paille organisé par le RMT Biomasse le 5 décembre 2017 à Troyes

La menue paille est un mélange de débris de paille, de bales, de grains entiers ou cassés, de tiges et de graines d’adventices récupérés lors de la moisson. On parle souvent de menue paille pour le blé, l’orge, le colza ou le pois. On peut également utiliser ce terme pour les rafles et spathes de maïs.

Les tonnages disponibles

La quantité de menue paille récupérée est variable en fonction de l’année mais également de la température et de l’humidité (donc de la récolte en journée ou la nuit), des batteurs utilisés, de la maturité de la paille, etc. La production varie de 800 kg à 2,5 t en fonction des années et des territoires, avec une moyenne à 1,5 t / ha.

Les voies de valorisation

L’utilisation majoritaire de la menue paille est le retour au sol comme apport de matière organique. La menue paille est également valorisée en méthanisation et en alimentation animale, c’est pourquoi elle est plus particulièrement récupérée dans les zones d’élevage. D’autres voies de valorisation comme la chimie verte, la combustion ou les matériaux biosourcés commencent à se développer.

Méthanisation : la menue paille a un bon pouvoir méthanogène et une granulométrie adaptée à la méthanisation. Elle permet à l’agriculteur de maitriser son approvisionnement tout en valorisant une ressource à un prix proche de celui des issues de silos. Il est souvent dit que la menue paille de colza entraine un surplus de soufre dans le méthaniseur : mélangée à d’autres types de menues pailles, aucun dysfonctionnement n’est toutefois noté.

Moissonneuse-batteuse avec récupérateur de menue paille, photo CUMA de l’Etoile en Haute-Marne

Aviculture : l’utilisation de menues pailles incite les volailles à gratter le sol, permettant l’aération du paillage et le développement du bien-être animal (expression des comportements naturels). Elle réduit les maladies de pattes (coupures) avec la volaille de chair. Attention toutefois au développement de moisissure lors du stockage en cas de mauvaise aération. Il est également conseillé de composter le fumier pour éviter la repousse d’adventices.

Élevage bovin : la menue paille a une très bonne capacité de rétention d’eau valorisable en élevage.

Litière : La capacité absorbante pourrait permettre une commercialisation en litière pour animaux domestiques (produit à haute valeur ajoutée)

Combustion : Il existe des exemples fonctionnels sur de petites chaudières collectives. Une chaudière polycombustible doit toutefois être utilisée.

Matériaux : Des travaux R&D de bétons avec du colza sont en cours de tests opérationnels.

Protection des silos de stockage : Il est possible de valoriser la menue paille comme « bâche » au-dessus d’un silo d’ensilage. Une croûte de 10 cm sur toute la largeur permet de protéger le silo (ex. pour une valorisation en méthanisation). On constate toutefois quelques cas de germination et une couche supérieure abîmée. Il ne faut pas rouler sur le tas ainsi composé pour éviter les infiltrations.

Concurrences d’usage

La menue paille pourrait se substituer à d’autres ressources comme les issues de céréales et réduire la pression existante régionalement sur certaines matières (paille, issues de céréales), pression notamment induite par le développement de la méthanisation.

Les externalités positives

Enjeux agronomiques : L’intérêt agronomique de la menue paille semble faire consensus. Elle permet de réduire les repousses d’adventices et de cultures et donc les traitements herbicides. L’extraction de la menue paille des parcelles n’est toutefois pas une solution miracle et doit être couplée à d’autres leviers tels que par exemple les techniques culturales simplifiées qui, ensemble, permettent de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires sur les exploitations agricoles. Il est dès lors difficile de mesurer l’effet de la seule récupération des menues-pailles.

La menue paille concentre les graines d’adventices à fort potentiel méthanogène, photo F. Douard

Essais agronomiques réalisés par Arvalis : Arvalis a conduit un essai très extrémisé sur une culture blé/blé depuis plusieurs années pour étudier l’impact de la récupération des menues-pailles. L’effet est fortement visible sur les ray-grass. Plus d’informations sont disponibles sur Arvalis-infos.fr

Efficacité agronomique

  • Les graines d’adventices doivent être de tailles sensiblement différentes de celles de la culture récoltée.
  • La gestion de la menue paille est notamment très efficace sur le ray grass, vulpin, brome, fumeterre, coquelicot (INRA Paris Grignon fait état d’une efficacité de 70 % sur ces espèces).
  • La valorisation de la menue paille de colza permet un très bon nettoyage des parcelles, l’effet sur les repousses est réellement visible.

Points de vigilance

  • Veiller au retour au sol de la matière organique.
  • Non efficace sur les plantes qui ne sont pas mures en même temps que les adventices (pâturin ou séneçon).
  • Non efficace sur les plantes qui se trouvent sous la barre de coupe (mouron, linaire élatine).
  • Non efficace sur les espèces dont la graine est similaire à celle de la culture.

Les bénéfices environnementaux : la valorisation de la menue paille permettrait de retarder l’apparition des résistances aux produits phytosanitaires, la diminution de leur utilisation permettant de limiter le développement des mutations responsables desdites résistances.

La collecte de la menue paille nettoie les parcelles des graines d’adventices, photo Frédéric Douard

A priori, la valorisation de la menue paille n’a pas d’impact sur la vie du sol mais les limaces sont moins présentes. Par ailleurs, la mise en place de cultures intermédiaires ou l’apport de fumier permettent de compenser la perte de matières organiques.

Témoignage de Thomas Courageot, agriculteur à Marbéville en Haute-Marne
L’exploitation est travaillée depuis 20 ans sans labour, en semis simplifié. Les équipements sont achetés en CUMA. La menue paille est récupérée sur 600 ha de colza, blé, orge et pois. Cela fait huit ans que l’entreprise récupère la menue paille via des équipements Thierart. Une partie de la menue paille est mise en poulailler. Les 500 tonnes complémentaires sont utilisées en méthanisation, unité installée depuis deux ans, fonctionnant en voie sèche discontinue, à 180 kWé. Outre la menue paille, l’exploitation valorise également du fumier, des fientes, de la paille, des issues de silos, etc.

Moisson avec récupérateur de menue paille, photo CUMA de l’Etoile en Haute-Marne

La menue paille est généralement enlevée deux jours après le passage de la moissonneuse. Sur les sites à 10-15 km du site de méthanisation, la menue paille est récupérée vrac. Sur les sites à 20-25 km, elle est récupérée en bottes carrées de 2 m 40. Le digestat est amené dans les champs à 35 km.

Les enjeux logistiques

La logistique doit être réfléchie en fonction du débouché. Pour un débouché en méthanisation locale, l’intérêt est de réduire au maximum les coûts de production. Un stockage vrac est donc judicieux. À l’inverse, pour une valorisation à haute valeur ajoutée, la qualité du produit doit être davantage travaillée. Globalement, les solutions mécaniques existent pour la récupération de la menue paille. L’enjeu pour la filière repose majoritairement sur le développement des marchés.

Choix des équipements de collecte : Le choix de la moissonneuse est essentiel, tous les équipements ne pouvant pas s’adapter sur tous les modèles de récupérateur. Pour certains modèles, le poids du caisson est également trop important et peut endommager l’essieu arrière (pas de soucis sur les machines récentes). Les constructeurs savent toutefois prendre en compte cette contrainte. La granulation directement au champ a été testée chez certains constructeurs mais avec un débit pour l’instant trop faible pour rentabiliser les travaux.

Récupérateur de menue paille Thiérart, photo CUMA de l’Etoile en Haute-Marne

Organisation du chantier de récolte : lors de la moisson, la menue paille n’est pas la priorité. Le chantier menue paille passe après le chantier grains. Il est, dès lors, conseillé de laisser la menue paille en vrac en bout de champ (les conditions climatiques n’impactent pas sa qualité) et de la reprendre pendant une période de plus basse activité. La récupération discontinue peut être faite un jour de pluie (lorsque la moisson est arrêtée), en fonction du contexte de l’exploitation et du personnel disponible. À noter que l’humidité rend difficile le travail de la menue paille de nuit.

Gestion des stocks en bord de champ de menues pailles : une vraie question se pose sur la gestion des menues-pailles laissées vrac en bord de champ, la repousse des adventices étant très visible sur ces zones de stockage. Plusieurs possibilités peuvent être étudiées comme l’implantation de plateformes dédiées sur les parcelles ou la mise en place d’un autre produit en bout de champ comme de l’herbe fourragère. Pour les grandes parcelles, la question du positionnement des tas est également à prendre en compte (autonomie du caisson vs zone de stockage sur la parcelle).

Menue paille stockée en bout de champ, photo CUMA de l’Etoile en Haute-Marne

Gestion des cailloux sur les parcelles : La présence de cailloux sur les parcelles peut limiter les projets. Il faudrait que la menue paille ne touche jamais le sol pour éviter de récupérer des pierres dans le méthaniseur.

La mise en botte dépend de l’espèce cultivée :

  • La menue paille de colza se presse très bien. Il est toutefois recommandé de la faire sécher une journée avant la mise en balle pour éviter une surchauffe si la paille est verte.
  • La menue paille de blé peut être facilement pressée.
  • La menue paille d’orge ne se tient pas en balles (carrées particulièrement). Il est recommandé de la mettre sur les andins pour les intégrer aux balles de paille.

Pressage de menue paille, photo CUMA de l’Etoile en Haute-Marne

Par ailleurs, les menues pailles sont un produit très différent des pailles. La manipulation des balles doit être réalisée avec davantage de précaution (limiter le nombre de manipulations). Les balles de pois et de colza font au maximum 800 kg en 90 × 120 cm, 500 kg pour les céréales.

Stockage : la menue paille peut facilement être stockée vrac, induisant uniquement une perte de matière sur la croûte supérieure du silo. La matière étant généralement sèche, les problèmes de fermentation sont rares. Il convient toutefois de rester vigilant en fonction du taux d’humidité.

Stockage de menue paille en balle et en vrac, photo Frédéric Douard

Transport : la faible densité de la matière impacte la rentabilité du stockage et du transport. C’est pour cela que l’utilisation du produit doit avant tout être recherchée localement.

Traitement de la matière : pour rapporter la matière organique après utilisation en élevage, il est recommandé de composter le fumier afin d’éviter la repousse des adventices sur les parcelles (pouvoir germinatif détruit par la chaleur lors de la fermentation).

Les équipements

Système adaptable de type turbine : elle permet de récupérer 800 kg de menue paille en moyenne sur l’andain ou séparément, son objectif étant principalement d’augmenter le rendement en paille. Comptez entre 10 000 € et 15 000 € d’investissement pour ce type de système en soufflerie et entre 15 000 et 25 000 € pour un système adapté aux grosses moissonneuses venant déposer la paille sur l’andin.

Système de Turbo Paille, photo Thiévin

Andaineur : il permet le dépôt de la menue paille sur l’andain ou éparpillée sur le sol.

Andaineur latéral de menue-paille, photo Thierart

Systèmes à caisson : le caisson permet de séparer la menue paille de la paille et d’ainsi développer deux filières de valorisation séparées. Toutes les moissonneuses ne peuvent toutefois être équipées. Le gabarit de la machine (hors longueur) est gardé. Compter un investissement autour de 50 000 €.

Systèmes de presse : récupération et conditionnement de la menue paille en continue (balles rondes).

Menu’Press Thiérart attelé derrière la moissonneuse, photo Thiérart

Monter son projet

Rentabilité des projets : la rentabilité d’un projet doit être analysée dans sa globalité. Elle est plus évidente lorsque l’ensemble du projet dépend de la même exploitation. La répartition de la valeur ajoutée doit être bien équilibrée (ex : méthanisation vs externalité positive en agronomie). En méthanisation une valorisation en vrac à 15 km revient à 15 / 20 € la tonne (avec des équipements autour de 600 €/j). Des bottes carrées sont vendues minimum 60 €/t, 70 €/t en cas de stockage, départ camion chargé.

Menue paille pressée, photo Frédéric Douard

Concurrences d’usage : réussir à structurer ses propres débouchés pour la valorisation de la menue paille est un véritable investissement en temps, les marchés n’étant pas encore structurés. La menue paille a l’intérêt d’être un coproduit non soumis aux concurrences d’usage. Le cours des matières premières joue beaucoup sur les différentes utilisations, notamment en fonction du prix des issues de silos ou des énergies fossiles.

Les aides disponibles : se renseigner auprès des régions et des chambres d’agriculture pour voir la liste des investissements éligibles. Si le récupérateur de menue paille n’est pas intégré aux aides, il est possible d’argumenter pour demander son intégration, notamment au PCAE. À titre d’exemple, en Île-de-France, des aides à hauteur de 30 % ou 40 % sont proposées pour les menues pailles, via plusieurs dispositifs d’aides — le plafond dépend de chaque région.

Changer les mentalités : Il reste nécessaire de changer les mentalités pour développer l’utilisation de nouveaux produits et notamment afin de convaincre les entrepreneurs logistiques de la pertinence des projets, qui ne veulent notamment pas perdre de temps à la moisson.

Pressage de menue paille en bout de champ, photo CUMA de l’Etoile en Haute-Marne

Témoignage de Yves Durand, Agriculteur à Margerie-Hancourt dans la Marne, et de Claude Devivier de l’Earl les Trois Communes à Pars-lès-Chavanges dans l’Aube
L’objectif premier du projet menue paille était d’enlever les adventices. Cela fait sept ans que la menue paille est récupérée. Le point clef est l’identification des marchés que les exploitants recherchent par eux-mêmes.Les parcelles étant dispersées, beaucoup de main d’œuvre peut être nécessaire pour la récupération de ce coproduit. Une partie de la menue paille collectée est envoyée à une unité de déshydratation qui se charge de la granuler et de la commercialiser, notamment en aviculture aux Pays-Bas. En fonction des conditions météorologiques et donc de l’humidité de la menue paille, la qualité requise pour produire les granulés n’est pas toujours suffisante.

Fiche réalisée par Services Coop de France en partenariat avec le RMT biomasse et territoires et la Chambre d’Agriculture des Hauts de France.

Contact : Chambre Régionale d’Agriculture des Hauts-de-France – Tél.: +33 322.33.69.53 – www.biomasse-territoire.info


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