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La granulation en unités mobiles de biomasses sous-exploitées

Article paru dans le Bioénergie International n°54 de mars-avril 2018

Le laboratoire RAGT Energie à Albi, photo RAGT

RAGT Énergie, société experte en valorisation énergétique de la biomasse basée à Albi, travaille depuis 2015 au sein du programme de recherche et d’innovation MOBILE FLIP, en collaboration avec douze organisations européennes. Retour sur des travaux qui ouvrent de nouvelles perspectives de valorisation !

Origine du projet

De par son histoire, l’Europe est un grand producteur de biomasse mais une bonne partie de ses sous-produits agricoles ou forestiers est actuellement difficilement exploitable, car très hétérogène, saisonnière et dispersée sur le territoire.

Le groupe de travail MOBILE FLIP, photo RAGT Energie. Cliquer sur l’image pour l’agrandir.

Pourtant de nombreux produits biosourcés pourraient être créés à partir de ces ressources, comme des biochars pour assainir les sols, des pesticides naturels utilisables en agriculture ou agroforesterie, des adjuvants pour la production de panneaux de bois, des sucres hydrolysables comme intermédiaires avant production de sucres simples, ou des biocombustibles pour valorisation en énergie.

Le projet MOBILE FLIP vise donc à concevoir des unités regroupant les technologies clés de conversion de la biomasse qui puissent être :

  • mobiles, afin de pouvoir accéder plus facilement et à moindre coût à ces ressources ;
  • flexibles, afin de pouvoir utiliser des matières aux caractéristiques physiques et chimiques très variables.

Test de granulation de hêtre torréfié, photo RAGT Energie

Cinq chaînes de valeurs sont actuellement étudiées dans lesquelles
les technologies suivantes sont présentes :

  • Granulation, consistant à densifier la matière sous forme de granulés,
  • Torréfaction, prétraitement thermique réalisé sous atmosphère inerte (en général du diazote), entre 200 et 350 °C, permettant d’améliorer les qualités d’un biocombustible (pouvoir calorifique, hydrophobie, broyabilité),
  • Pyrolyse lente, également prétraitement thermique réalisé sous atmosphère inerte, entre 350 et 550 °C, permettant la production de charbon végétal (biochar),
  • Carbonisation hydrothermale, procédé physico-chimique de conversion réalisé entre 180 et 260 °C et en autoclave sous pression de 10 à 50 bars dans de l’eau. Il permet d’obtenir des charbons végétaux structurés (hydrochar) de composés organiques en charbon structuré,
  • Traitement hydrothermal et saccharification, traitements thermique et enzymatique de solubilisation de la biomasse en sucre.

La granulation est une étape particulièrement sensible

Zoom sur un canal de compression d’une presse à granuler

Pour rappel, le procédé de granulation permet :

  • de densifier la matière, et de réduire ainsi les coûts de transport, de stockage et de manutention,
  • de contrôler l’humidité du produit et de le rendre stable dans le temps,
  • d’homogénéiser les caractéristiques des produits, ce qui simplifie leur utilisation.

Ce procédé, étudié par RAGT Énergie depuis plus de 10 ans, est présent dans trois des cinq chaînes de valeur du programme Mobile Flip, ce qui se représente un challenge scientifique, car les conditions de granulation de nouvelles ressources sont encore mal définies à l’échelle industrielle, particulièrement lorsqu’elles ont subi des prétraitements thermiques (torréfaction, pyrolyse ou carbonisation hydrothermale), car ils dégradent fortement la capacité des biomasses à être granulées.

Les principaux paramètres à adapter dans ces cas-là sont :

  • le taux de compression, défini comme le rapport entre la longueur et le diamètre des canaux de compression de la filière. Il détermine le temps de séjour et la quantité de contraintes générées à l’intérieur des canaux en fonction de la matière utilisée.
  • le taux d’humidité de granulation, qui doit-être ajusté pendant la préparation de la matière à granuler, car il joue un rôle de liant mais peut détériorer la granulation à trop forte dose.

Sélectionner les matières représentatives des ressources disponibles à fort potentiel

Résidus forestiers broyés, photo Mobile Flip

Le premier défi majeur a été d’identifier les matières sous-exploitées et disponibles dans les lieux d’étude du programme de recherche (Suède, Finlande, Estonie, Grèce et France). Parmi cette liste d’une trentaine de biomasses, une seconde étape d’évaluation de leur potentiel à fournir des produits biosourcés de qualité a été effectuée. En se référant aux critères des biocombustibles, RAGT Énergie a ainsi mesuré la densité, l’humidité, les compositions chimiques, le pouvoir calorifique, la teneur en cendres et le pouvoir absorbant, ce qui a permis la sélection de cinq biomasses agricoles et de cinq biomasses forestières.

Étude de l’influence des propriétés des biomasses et de leurs prétraitements sur la granulation

L’objectif de RAGT Énergie a été de tester ces matières brutes, torréfiées et pyrolysées sur son unité pilote de granulation (~60 kg/h), en faisant varier les conditions afin d’identifier celles permettant la granulation la plus efficace.

Le premier résultat a été de constater que la durabilité (résistance mécanique aux contraintes) atteint réellement un optimum en utilisant une humidité bien précise. Aussi cette humidité optimale est plus facile à atteindre en utilisant un taux de compression important.

Graphe 1 : Variation de la durabilité pendant la granulation de saule sous 21 conditions différentes (2 taux de compression et 7 humidités) – Source Mobile Flip. Cliquer sur le graphique pour l’agrandir.

Il a aussi été constaté que l’influence des paramètres de granulation n’a pas le même impact en fonction des critères de qualités observés.

Par exemple, pendant la granulation du saule brut, une durabilité optimale a été obtenue à une humidité d’environ 16 % (zone B du graphe 1), tandis qu’une densité optimale a été obtenue à une humidité de 10 % (zone A du graphe 2).

Graphe 2 : Variation de la masse volumique pendant la granulation de saule sous 21 conditions différentes (2 taux de compression et 7 humidités) – Source Mobile Flip. Cliquer sur le graphique pour l’agrandir.

Il est également notable que l’augmentation du taux de compression a permis l’obtention de granulés à haute durabilité pour une plage d’humidité plus importante (graphe 1).

Cependant, l’augmentation du taux de compression augmente le coût de consommation (graphe 3).

Graphe 3 : Variation du coût de consommation électrique (estimé à 0,07€ le kWh) pendant la granulation de saule sous 21 conditions différentes (2 taux de compression et 7 humidités) – Source Mobile Flip. Cliquer sur le graphique pour l’agrandir.

Au vu de ces résultats, la sélection de conditions optimales peut sembler complexe. Cependant, si l’on compare les points A et B, nous constatons que pour obtenir une durabilité comparable, le coût de consommation s’est révélé comparable alors que la masse volumique apparente des granulés a été largement supérieure.

Granulés de hêtre torréfié à 250°C pendant 1h15, photo RAGT Energie

Ce travail a été effectué pour chacune des matières, brutes et pré-traitées, ce qui a permis de conclure les points suivants :

  • Pour chacune des matières, il existe des conditions optimales de granulation qui sont spécifiques aux caractéristiques physiques et chimiques de ces dernières.
  • Un taux de compression élevé permet d’avoir un impact de l’humidité réduit sur la qualité des granulés produits et donc de réduire les risques industriels.
  • Un mauvais choix d’humidité de granulation et/ou de taux de compression augmente de manière importante les coûts de production, notamment liés à la consommation énergétique (consommation doublée dans des cas extrêmes).

Il apparaît donc que des tests de granulations soient indispensables pour optimiser la qualité des granulés mais également les coûts de production associés.

Quelles étapes suivantes pour RAGT Énergie ?

RAGT Énergie participe aujourd’hui à la création et à la mise en place de ces unités mobiles de granulation qui seront associées à des unités mobiles de pyrolyse, torréfaction …

Concernant les essais de granulation, RAGT Énergie a démarré une thèse CIFRE pour évaluer l’impact de la qualité des matières premières mais surtout de leur prétraitement (mécanique et/ou thermique) sur la qualité de granulation. De plus, il est actuellement étudié l’impact de la qualité des granulés sur la qualité de combustion des granulés en conditions réelles.

Ces travaux permettront d’aller plus loin dans la modélisation et la prédiction du comportement optimum en granulation, ce qui permettra à RAGT Énergie de proposer des solutions toujours plus innovantes aux producteurs de biocombustibles.

Contacts :

  • Le site du programme : www.mobileflip.eu
  • Simon Lavergne, ingénieur doctorant : SLavergne@ragt.fr
  • Matthieu Campargue, directeur : MCampargue@ragt.fr
  • RAGT Énergie : +33 563 36 91 46 – www.ragt-energie.fr

Les 12 partenaires du projet MOBIL FLIP et leur localisation

Ce projet est financé par le programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne, en vertu de la convention de subvention n°637020-MOBILE FLIP.


Informations de contact de RAGT-énergie

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