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L’économie verte, moteur de croissance si les investissements suivent…

Photo Frédéric Douard

Les engagements de développement durable mis en place par les différents gouvernements ont donné naissance à des leviers de croissance économique de certains secteurs.

Parmi ces secteurs, on trouve en première ligne ce que l’ADEME a dénommé les « filières vertes » et plus particulièrement les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et les évolutions des réseaux d’électricité. Le potentiel, même difficilement chiffrable, de ces activités en termes de création de richesse et d’emplois est indéniable.

Les raisons de croire en ce potentiel sont nombreuses et sont autant de paramètres favorisant le développement du secteur :

  • large prise de conscience des problématiques environnementales,
  • augmentation de la demande énergétique mondiale,
  • augmentation du prix des énergies fossiles
  • sécurité énergétique

La France et l’Europe pourront-elles en profiter ? Oui, si elles réussissent à maximiser les investissements dans ces filières. Deux points sont alors essentiels : la gestion de la politique publique concernant ces activités, et le bon choix des technologies et des subventions qui y sont associées.

La politique publique comme déterminant principal des décisions d’investissement

La communauté financière internationale a, dès la Conférence Internationale des Énergies Renouvelables de Bonn en 2004, clairement fait comprendre aux gouvernements que le principal facteur des décisions d’investissement dans les nouvelles énergies est la politique publique. Dans le milieu de la finance internationale, une définition de ce qu’est une bonne politique publique en matière de filières vertes a alors vu le jour. La formule utilisée tient en trois mots1 :

  • Fort : rendre les investissements réellement attractifs en augmentant les retours sur investissement
  • Long : être soutenue sur une période comparable aux horizons de financement des projets. Les énergies renouvelables, par exemple, ont un coût d’investissement plus élevé mais un coût d’exploitation plus faible que les énergies fossiles
  • Légal : être claire et compréhensible par les différentes parties, ce qui implique une communication adaptée, pour garantir la stabilité et permettre des investissements à long terme

Les pouvoirs publics doivent donc établir des objectifs clairs d’implémentation de solutions énergétiques à long terme, simplifier au maximum les législations, communiquer sur ces objectifs et législations, et garantir la stabilité des mesures envisagées. Une autre difficulté pour les gouvernements est posée par la diversité des technologies et par leur manque de maturité commerciale, qui implique l’utilisation de subventions. Il faut miser sur les bonnes technologies et associer à chaque technologie les moyens de subvention les plus efficaces.

Quelles technologies et avec quels moyens ?

En France, l’ADEME a défini trois catégories de filières vertes en fonction du potentiel de croissance estimé des marchés qui y sont associés et de l’état du potentiel industriel français en la matière. Ces filières sont présentées dans le graphique 1, et confrontées à l’évolution des investissements privés mondiaux du secteur depuis 2003. Ces catégories doivent permettre d’établir un ordre de priorité en termes d’efforts à fournir pour développer ces différentes technologies. Les efforts seront plus marqués sur les filières où la France doit mener une politique industrielle offensive : le photovoltaïque et les smartgrids ont un fort potentiel de croissance, mais la France est un peu en retard dans ces secteurs.

Evolution des investissements privés relatifs dans les filières vertes & stratégiques définies par l’ADEME

Cependant, définir des axes stratégiques prioritaires est loin d’être suffisant. Un point essentiel dans l’élaboration de la politique publique en matière de filières vertes est le choix du moyen de subvention adapté à chaque technologie, en fonction de son niveau de maturité. Deux types de subventions peuvent être identifiés : la subvention à l’investissement et la subvention à la production. La première est adaptée aux technologies au stade de la démonstration. Lorsque les coûts d’investissement sont très élevés, elle peut être nécessaire en tout début de déploiement pré-commercial. Il peut s’agir de subventions directes, de bonification d’emprunts ou encore de crédits d’impôt. La seconde, qui peut prendre entre autres la forme de tarifs de rachat, est beaucoup plus adaptée aux technologies en prématurité commerciale, car contrairement à la première elle oblige à rechercher la performance des installations et ce sur la durée (rémunération en fonction de la production) et elle n’empêche donc pas l’émergence des technologies moins matures.

Il n’y a pas un bon mode de subvention pour une catégorie de filières, la politique publique doit être adaptée à chaque technologie. Les subventions à l’installation sont adaptées pour le solaire couche mince, les smartgrids, le stockage du CO2 l’éolien offshore, l’énergie marine, les biocarburants de deuxième et troisième génération, le géothermique et la biomasse. Le solaire grosse couche, l’éolien terrestre, les biocarburants de première génération devraient, au contraire, bénéficier de subventions à la production seulement. En revanche, les axes stratégiques prioritaires permettent d’établir quel effort effectuer pour quelle technologie. Eolien, solaire, biocarburants et smartgrids doivent à ce titre bénéficier de toute l’attention française.

La France et l’Europe pourront elles en profiter?

Depuis l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto en 2005, les investissements dans les énergies renouvelables ont augmenté rapidement et ont majoritairement été captés par l’Europe, comme le montre le graphique ci-dessous. Même si avec la crise certaines formes d’énergies re

nouvelables ont enregistré un relatif coup d’arrêt, la tendance pour le futur est toujours à une croissance des investissements. Une étude menée par un cabinet d’audit auprès d’un panel de dirigeants des secteurs énergétiques et financiers début 2009 montre que 78% de ces dirigeants estiment que les investissements dans les projets d’énergies renouvelables sont économiquement viables. Mais si on regarde en détail la répartition géographique des investissements ci-dessous, il est probable que ces investissements soient majoritairement captés par les Etats-Unis et la Chine. Les Etats-Unis sont en avance technologiquement et l’industrie chinoise peut d’ores et déjà générer des économies d’échelles importantes sur certaines technologies, notamment le solaire photovoltaïque. Ces deux pays ont alloué une part très importante (respectivement 67 et 68 milliards de dollars) de leurs plans de relance 2009-2010 aux « filières vertes » et la Chine a mis en place de très larges subventions (allant jusqu’à 2,93$/W installé) dans le solaire photovoltaïque. Le résultat ne s’est pas fait attendre : la Chine est le premier exportateur mondial de panneaux solaires photovoltaïque. Enfin, les Etats-Unis ont communiqué très clairement sur les budgets alloués à chaque technologie, et sur leurs échéances, et ont ainsi donné des signaux forts aux investisseurs.

Evolution des investissements mondiaux ENR 2002-2008 (en M€), Source : New Finance, KPMG

En conclusion, les politiques publiques françaises et européennes doivent être élaborées en fonction des marchés et des investisseurs. Pour se positionner en tant que leader, un arbitrage entre les différentes technologies est nécessaire. Dans le solaire par exemple les tarifs de rachat existant aujourd’hui sont adaptés au photovoltaïque de première génération, mais pas au solaire couche mince, beaucoup moins mature. Ces tarifs de rachat empêchent donc l’émergence de la deuxième génération de solaire photovoltaïque, qui n’est pas rentable avec ce système de subvention. Pour promouvoir l’essor du solaire couche mince, au potentiel de marché plus grand, il faudrait mettre en place pour cette technologie des subventions à l’installation. Le géothermique et les technologies type smartgrids doivent également être développés puisque le potentiel existe : L’Etat, en plus de mettre en place des subventions pour ces filières, pourrait donc envisager d’augmenter aussi ses investissements directs dans les projets de R&D du secteur. Enfin, la communication en matière de politique publique doit être plus claire et les mécanismes simplifiés, pour rassurer et donner plus de visibilité aux investisseurs.

C. Castel, sia-conseil.com, 19 août 2010

Notes :

(1) Cette formule est née lors de la préparation de la conférence de Bonn, de façon informelle, pendant des réunions entre des spécialistes de la finance des énergies renouvelables. Elle a depuis été réutilisée régulièrement par les investisseurs.

Sources :

– Chatham House, Kirsty HAMILTON, Unlocking Finance for Clean Energy: The Need for ‘Investment Grade’ Policy, Décembre 2009
– ADEME, Etudes “filières vertes”: Les filières industrielles stratégiques de la croissance verte, Octobre 2009
– UNEP, Sophie JUSTICE, Private financing of renewable energy –a guide for policy makers–, Juin 2009
– New Energy Finance, Global Trends in Clean Energy Investment, Septembre 2009
KPMG, The Winds Of Change, Juin 2009
CIRED, Dominique FINON, L’inadéquation du mode de subvention du photovoltaïque à sa maturité, Décembre 2008