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Peut-on réduire la charge des chaudières à biomasse sans dégrader la combustion ?

Article de Rémy Aubry de WEISS France, de Dominique Plumail du bureau d’études CEDEN et de Yann Rogaume du LERMAB, paru dans le Bioénergie International n°50 de juillet-août 2017

Feu de biomasse à charge réduite et bien contrôlé dans l’une des chaudières Weiss de la chaufferie de la Duchère à Lyon, photo Frédéric Douard

Le bois-énergie est la première énergie renouvelable dans le monde, ainsi qu’en Europe et en France. Ce secteur énergétique peut se décrire en trois sous-ensembles : le chauffage au bois domestique ; le secteur bois et déchets (collectif, industrie, tertiaire) et l’électricité biomasse. Par ailleurs en Europe et dans les pays industrialisés, après avoir fortement réduit au cours du vingtième siècle, l’utilisation et la production des énergies renouvelables retrouve progressivement sa place avec un indice de croissance fort.

Depuis 20 ans en France linstallation de chaudières bois de 200 kW à 20 MW a fortement progressé, ici la chaudière WEISS de 5,6 MW au camp militaire de Valdahon, photo Weiss

En France, la politique menée depuis plus de 20 ans a permis une augmentation forte de l’installation des chaudières automatiques à bois dans la gamme de puissances de 200 kW à 20 MW. Généralement, les performances énergétiques de ces chaudières sont maximales lorsqu’elles fonctionnent à leur puissance nominale et les niveaux d’émissions sont alors minimaux dans ces conditions [1]. Or, dans la plupart des cas, les besoins en chaleur fluctuent, et tout particulièrement sur les sites de chauffage collectif, conduisant à une utilisation des chaudières dans des plages de charges très variables pour lesquelles les performances sont souvent dégradées. Pour pallier à ce défaut, lorsque la puissance demandée induit un taux de charge inférieur à 25 %, une autre source d’énergie d’appoint est le plus souvent mise en fonctionnement au détriment de l’utilisation de bois.

Le bois est la première source dénergie renouvelable en France, ici le silo de la chaufferie urbaine de Vénissieux équipée par WEISS, phpto Frédéric Douard

Le projet CBTHP2E

Le projet ADEME « Chaudières Biomasse à Très Hautes Performances Energétiques et Environnementales » est le fruit d’un partenariat entre l’entreprise WEISS France, le CEDEN (Cabinet d’Etudes sur les Déchets et l’ENergie) et le LERMAB (Laboratoire d’Etudes et de Recherches sur le MAtériau Bois). Ce projet comportait deux axes principaux :

  • la condensation et l’amélioration du rendement de l’installation via la réduction des pertes fumées ;
  • l’optimisation de la combustion et l’amélioration du rendement pour des niveaux de charges faibles.

Les résultats de l’axe condensation ont déjà fait l’objet d’une publication [2]. Nous présentons ici les résultats obtenus dans ce projet sur l’optimisation de la combustion pour de faibles taux de charges. L’objectif de cet axe de recherche était d’obtenir des émissions de polluants atmosphériques les plus basses possibles quel que soit le régime de fonctionnement de la chaudière, jusqu’à 10 % de charge. Les conditions de combustion devaient donc être optimisées à basse charge pour réduire l’impact environnemental de l’installation via la réduction de ces rejets atmosphériques et la réduction du minimum technique. De plus, cette optimisation des conditions de combustion permettrait à la chaudière de mieux supporter les variations des caractéristiques du combustible, comme son humidité, sa masse volumique et sa granulométrie. L’optimisation de la combustion comportait trois points clés :

  • Réduction des émissions de monoxyde de carbone ;
  • Réduction des émissions d’oxyde d’azote ;
  • Augmentation du rendement de l’installation par diminution du taux d’oxygène.

La réduction des émissions de particules ne faisait pas partie des objectifs puisque les installations comportent des systèmes de filtration très efficaces de type filtre à manches ou électrofiltres, comme T. Nussbaumer [3] le décrit. Le projet consistait donc à effectuer des tests sur la chaudière expérimentale de 200 kW à grilles mobiles du LERMAB en faisant varier différents paramètres tels que :

  • Le taux de charge de la chaudière ;
  • Les facteurs d’air en airs primaire et en secondaire.

Les débits d’air en primaire et en secondaire étaient mesurés en continu. De plus, durant tous les essais, un suivi des concentrations en O2, CO, CO2 et NOx des fumées était réalisé. Le combustible utilisé était des plaquettes forestières avec des caractéristiques stables. L’humidité du combustible était comprise entre 25 et 35 % sur brut.

Les dispositifs d’alimentation en air primaire et en recyclage de fumée sous la grille de la nouvelle chaudière WEISS de Vénissieux, photo Frédéric Douard

Les résultats

La Figure 1 présente la teneur en dioxygène dans les fumées en fonction de la charge de la chaudière. Malgré le fait que les débits d’air injecté en primaire et en secondaire étaient contrôlés et mesurés afin de conserver des facteurs d’air identiques dans toutes les conditions, l’excès d’air augmente lorsque la charge diminue. Les points bleus, appelés points sélectionnés, représentent ceux pour lesquels les émissions étaient les plus faibles. Ainsi, les points sélectionnés se trouvent pour la très grande majorité en partie inférieure de chaque nuage de points obtenus à charge constante. Cela peut signifier que des débits d’air inférieurs seraient susceptibles d’apporter des résultats encore meilleurs. La recherche de ce point bas n’a pas été menée. Le facteur d’air est donc intimement lié aux performances de la chaudière. Mais alors, comment se fait-il que le taux moyen d’oxygène dans les fumées augmente quand la charge diminue alors que les débits imposés auraient dû conduire à des facteurs d’air constants ?

Figure 1, projet CBTHP2E

À 20 % de charge, le taux de dioxygène dans les fumées est stable à 14 %. D’après les calculs, 14 % d’O2 représenterait un facteur d’air total de 3, alors que le même calcul via les débits injectés induit un facteur compris entre 1 et 2,2. De plus, cet écart se réduit si le taux de charge de la chaudière augmente. Il est ainsi certain qu’un débit de fuite provoque cette erreur et dégrade donc les conditions.

Plusieurs entrées d’air parasites ont été répertoriées :

  • Mauvaise étanchéité potentielle des portes : après vérification sur l’installation, le débit de fuite possible ici est très faible dans tous les cas ;
  • Fuite au point de passage du vérin de mouvement de grille : débit potentiellement important arrivant en injection primaire ;
  • Passage d’air au travers de la vis sans fin d’alimentation : débit potentiellement variable selon le taux de remplissage de la vis, du stock tampon et de la vis d’introduction, qui arriverait quoi qu’il en soit en injection primaire aussi.

Ainsi, un débit de fuite en injection primaire semble la seule explication cohérente à ces résultats. Une estimation du débit de fuite a été réalisée par un calcul de différence entre la teneur en oxygène des fumées mesurée et la teneur en oxygène théorique calculée à partir des débits de combustible et d’air injecté. Le débit de fuite sur l’intégralité des essais est stable et d’environ 35 Nm³.h-1, ce qui est confirmé par l’allure de la figure 2.

Figure 2, projet CBTHP2E

Le fait que ce débit soit stable valide les hypothèses précédentes. En effet, le débit de fuites varie uniquement via la dépression maintenue entre le système (ici la chaudière) et l’extérieur. Dans le cas des essais, la dépression étant régulée à 100 Pa, elle était stable pour l’intégralité des mesures. Cela permet aussi d’expliquer pourquoi ces fuites impactent de manière plus importante le fonctionnement de la chaudière à basse charge qu’à charge élevée. En effet, pour un facteur d’air primaire situé entre 0,4 et 1 à 20 % de charge, le débit d’air doit être compris entre 19 et 47 Nm³.h-1 d’air. On comprend alors que ces fuites (pour rappel : 35 Nm³.h-1) dépassent/couvrent à elles seules le besoin en air primaire. Pour atteindre un facteur d’air primaire adéquat, les entrées d’air en primaire à 20 % de charge devraient alors être obstruées. Bien qu’à 40 % de charge le débit d’air souhaité est plus important (37,6 à 94 Nm³.h-1), l’impact du débit de fuite reste considérable. Toute la combustion se déroulait dans la zone primaire dans la chambre de combustion. La combustion n’étant plus étagée, le niveau de température et donc d’émission d’oxyde d’azote est supérieur à ce qu’il devrait être.

Conclusion

Bien que ce projet n’ait pas permis d’obtenir une combustion très performante à basse charge, cette étude a mis en évidence les verrous qui devront être traités pour atteindre l’objectif attendu. La gestion des débits d’air en injections primaire et secondaire permettra d’optimiser la combustion. Ainsi, à basse charge, les débits de fuites de la chaudière devront être négligeables. Un travail important sur l’étanchéité des chaudières doit donc être réalisé. De plus, la méthode de régulation des débits joue un rôle primordial. Cette étude a également permis de démontrer que les volets d’obturation des conduites utilisés le plus souvent sur les installations industrielles ne permettent pas une régulation linéaire des débits d’air.

Ensuite, le facteur d’air en injection primaire semble idéal aux alentours de 0,4 pour un taux de charge supérieur à 40 %. Bien qu’il semble que ce facteur d’air idéal en primaire soit à 0,5 pour un taux de charge de 20 %, des essais complémentaires devront être réalisés, mais avec un débit de fuite mieux contrôlé. Ainsi, quel que soit le taux de charge de la chaudière, le facteur d’air en injection primaire doit être compris entre 0,4 et 0,6 pour atteindre une combustion optimale.

Une conception en trois zones des chambres de combustion avec une chambre primaire bien dimensionnée et peu d’air primaire semble permettre d’obtenir un fonctionnement très performant. De plus cette configuration supporterait une variation importante des taux de charge et des caractéristiques du combustible si les débits d’air, notamment primaire, sont maîtrisés. Les chaudières doivent aussi être relativement étanches pour fonctionner efficacement à de faibles taux de charge.

Ces essais sur la chaudière expérimentale montrent que des résultats encourageant peuvent être obtenus et que la combustion de bois est de mieux en mieux maîtrisée. Cependant des efforts restent à fournir pour permettre de garantir des seuils bas pour les excès d’air et les rejets sur toute la durée de vie de l’installation et doivent amener de la prudence sur la mise en œuvre de réglementation toujours plus forte sur les niveaux d’émissions.

Auteurs et contacts :

Références :

  1. S. Van Loo, J. Koppejan, The handbook of biomass combustion & co-firing, Earthscan, Royaume-Uni, 2008.
  2. D. Plumail, R. Aubry, Y. Rogaume, La condensation atout de taille pour les chaufferies à biomasse humide, Bioénergie International, n°45, 24-31, 2016.
  3. T. Nussbaumer, Overview on technologies for biomass combustion and emission levels of particulate matter, rapport de l’Office fédéral suisse de l’environnement, juin 2010.

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