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Le gaspillage de biomasse, une gabegie enfin en régression

Editorial du Bioénergie International n°47 de janvier-février 2017

Pile de branches récupérées pour l'énergie en Lettonie, photo Frédéric Douard

Pile de branches récupérées pour l’énergie en Lettonie, photo Frédéric Douard

Cela fait désormais 40 ans que je suis révolté à la vue des quantités colossales de biomasse abandonnées sans valorisation en France et en Europe. Ceci est d’autant plus révoltant pour ceux qui savent combien il peut être difficile de faire pousser de la biomasse. Durant les siècles précédents, ces matières nobles furent pourant précieusement récupérées et utilisées pour une foule d’usages vitaux : énergie, fertilisation, construction, litière et objets de la vie courante. Mais depuis les « trente glorieuses », la course à la consommation ayant ringardisé la maîtrise des besoins, la gestion en « bon père ou bonne mère de famille » ayant cédé la place à l’endettement et aux hypothèques, nous avons abandonné ces richesses primaires et récurrentes, au profit de nouvelles richesses éphémères plus concentrées et faciles à gaspiller.

La biomasse, ressource renouvelable disponible tous les ans, si elle présente l’avantage de pouvoir se stocker et de se conserver au sec comme les biomasses alimentaires, présente aussi l’inconvénient des produits frais, rapidement périssables s’ils ne sont pas collectés et stockés dans de bonnes conditions. Ainsi, toute la matière organique, sèche ou humide, abandonnée à l’air libre, finit-elle par se dégrader et par relarguer en pure perte dans l’atmosphère toute l’énergie qu’elle a durement captée du soleil. Ces bois, ces déchets de cultures, ces biodéchets alimentaires, ces effluents d’élevages représentent chaque année des tonnages colossaux qui, valorisés, permettraient d’économiser des quantités non moins colossales d’énergie fossile, participant par là même à la création de richesse et d’emploi, et à la lutte contre le changement climatique.

Face à cela, il faut reconnaître, qu’à force de travail d’explication et de démonstration, les politiques publiques pour commencer, puis les politiques d’image privées, ont commencé, depuis quelques décennies à intégrer la lutte contre ces gaspillages, dans certains pays européens tout au moins.

Et en ce début 2017, force est de constater que ces efforts commencent à être visibles dans les paysages français et européens. Les forêts envahies de bois tombés se font plus rares, notamment dans les régions fortement peuplées, preuve que ces bois commencent à recouvrer de la valeur. Sur les bords de routes on ne voit plus d’incinération de bois de taille, de moins en moins de déchiquetage au sol, mais plutôt des tas de bois-énergie attendant leur transfert vers les chaufferies. Les décharges de déchets verts se font aussi plus rares et on commence même à rencontrer ces produits en chaufferies et en méthanisation. Enfin, les digestats de méthanisation commencent à remplacer les engrais chimiques énergivores et exogènes dans les cultures.

Je dois avouer aujourd’hui que la vue de ces indices paysagers, même s’ils ne sont pas encore généralisés, m’emplit de joie, de fierté et d’espoir : la joie qui récompense des décennies de travail acharné, la fierté de l’intelligence retrouvée de notre société et surtout l’espoir de l’avènement d’une gestion pérenne et équilibrée des ressources.

La transition écologique et énergétique est en marche.

Frédéric Douard