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La France tourne une fois encore le dos à la recherche sur le bois-énergie

Editorial du Bioénergie International n°44 de juin-juillet 2016

La chaufferie à gaz de bois de Guyenne-Papier, photo Cogébio

La chaufferie à gaz de bois de Guyenne-Papier, photo Cogébio

Le 22 décembre 2015, cinq ministres de la république française, en charge de la forêt, de l’agriculture, de l’industrie, du développement durable, de l’énergie, de l’enseignement supérieur, de la recherche, de l’économie et du logement, ont confié à Jean-Claude Sève, président du FCBA, Antoine d’Amécourt, président de l’Institut de développement forestier, François Houllier, pdg de l’INRA et Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des dépôts, la mission de poser les bases d’un plan Recherche et Innovation 2025 pour la filière forêt-bois. Leurs conclusions ont été rendues le 9 mai 2016*.

Treize projets ressortent de ce rapport pour développer les nouveaux usages du bois dans une perspective bioéconomique et pour préparer les ressources forestières du futur. Mais alors qu’aujourd’hui le bois-énergie est le seul secteur de la filière à offrir des perspectives réalistes à court et moyen terme pour redynamiser la forêt française, aucune action préconisée par ces organismes ne concerne ce secteur qui répond pourtant aux enjeux très actuels de la transition énergétique !

Ainsi, dans ce rapport, comme dans les très nombreux rapports rédigés depuis des décennies sur le sujet, il est cocasse de constater que les rédacteurs ont pris grand soin de ne jamais aborder le bois-énergie en termes élogieux, ni-même d’ailleurs celui proche de bioraffinerie à base de bois.

Et alors que la France laisse pourrir en forêt et en pure perte 40% de sa production annuelle de bois, alors que la balance commerciale de sa filière bois est déficitaire de 5,5 milliards d’euros par an, alors que la filière nationale construction bois ne décolle pas, alors que les filières papier & panneaux s’approvisionnent de plus en plus à l’étranger, et alors que la France en 1974 a été parmi les premiers pays au Monde à produire des granulés de bois, alors que la France en 1979 a été parmi les premiers pays en Europe à installer des chaufferies à bois hors industrie du bois, alors que la France a été jusqu’en 2007 le premier consommateur de bois-énergie en Europe, alors que le bois-énergie représente depuis toujours la première énergie renouvelable du pays, de hauts responsables de ce pays s’obstinent à nier les perspectives économiques de la filière bois-énergie !

La France reste ainsi prisonnière d’idées issues d’un autre âge comme « brûler du bois n’est pas noble » ou encore « le bois-énergie nuit aux autres usages du bois ». Et le pays risque encore une fois de laisser passer ses chances de marchés sur le secteur de la transition énergétique, pourtant très dynamique et créateur d’emplois, et de l’abandonner, faute d’y croire suffisamment, à tous les autres compétiteurs mondiaux tel qu’il a déjà pu le faire pour l’éolien et le photovoltaïque.

Et summum de cette incongruité, alors que la France représente aujourd’hui malgré tout cela quand même le plus grand marché européen pour les équipementiers du bois-énergie, ce rapport ministériel de préconisations sur la recherche et l’innovation vers la filière bois, qui ne compte pas moins de 67 628 mots, n’en touche pas un seul sur la recherche et l’innovation vers le bois-énergie : les entreprises françaises de ce secteur et les propriétaires forestiers apprécieront sans nul doute !

Frédéric Douard

Lien vers le rapport : agriculture.gouv.fr