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RDC : la briquette de déchets de biomasse pour sauvegarder la forêt

Les briquettes du projet Bukavu, photo Gorilla.CD

Dans le Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), quelques familles des quartiers déshérités expérimentent depuis quelques mois les briquettes biomasse comme une source d’énergie propre réduisant la pollution, l’insalubrité et la déforestation qui étouffent la région.

Le projet est le fruit d’une collaboration entre le Parc national de Virunga (PNVi), l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) et le réseau Environnement ressources naturelles et développement (ERND) qui vulgarisent ces briquettes appelée ‘makala ya sasa’ (signifie nouvelle braise, en kiswahili) comme une alternative à l’utilisation du bois de chauffe et de braise.

Les briquettes de biomasse sont fabriquées à partir de feuilles, d’écorces et de pelures de fruits ou d’autres déchets agricoles tels que le riz, le haricot, le maïs, la canne à sucre… Bisimwa Nshombo, ingénieur du réseau ERND, ajoute à cette liste la sciure du bois, et du papier de toute sorte.

«ERND vient de produire 2.500 briquettes et les distribue à Cidodobo, une localité située à 25 kilomètres à l’ouest de Bukavu», la principale ville du Sud-Kivu, indique à IPS, Imani Basinza, un autre expert de ERND.

Le pressage, photo Gorilla.CD

A Goma, la principale ville du Nord-Kivu, un sac des briquettes de 60 kilogrammes coûte 12 dollars alors que le prix de la même quantité de charbon oscille entre 25 et 30 dollars. A Bukavu, le sac est vendu à 12.000 francs congolais (environ 13 dollars).

Dans le territoire de Rutshuru, à plus de 70 km de Goma, l’ICCN a lancé un projet de fabrication de briquettes combustibles, avec une formation donnée à quelque 3.000 personnes bénévoles qui apprennent cette nouvelle technique.

«Ce programme est très important à nos yeux car si, dans les cinq années à venir, rien n’est fait pour répondre aux besoins énergétiques des populations, le déboisement risque de décimer tout le secteur sud du parc», déclare Emmanuel de Mérode, le directeur du PNVi, dans un entretien téléphonique avec IPS.

A Cidodobo, explique Yvette Bahati, l’une des bénéficiaires et utilisatrices de la briquette : «Si on peut nous apprendre nous-mêmes comment trier à la main les tonnes de déchets collectées dans les rues de la ville, pour revendre le fruit de notre recyclage, ce sera une bonne affaire et, de surcroît, assainira la ville de Bukavu et nos villages».

Selon les membres et experts de ERND, la briquette présente beaucoup d’avantages par rapport aux bois de chauffe et le charbon. «Elle ne produit pas de fumée si le dosage du mélange sciure-papier a été respecté lors de sa fabrication», assurent-ils.

En outre, son coût d’achat reste préférentiel. «La briquette permet à nos familles d’économiser de l’argent, de l’énergie. On n’est plus appelé à chauler souvent la maison», affirme Bahati à IPS.

La combustion sans fumée est affaire de dosage des ingrédients et d’apport d’air, photo Gorilla.CD

Le prix de la briquette n’est pas aussi élevé que celui du charbon. Selon Murhula Zagabe de ERND, il varie d’un endroit à un autre où la briquette a été produite. A Bukavu, 12 briquettes font un kilogramme qui coûte 200 francs congolais (FC, environ 0,22 dollar) alors qu’un kilo de charbon équivaut à 1.000 FC (1,11 dollar), indique-t-il à IPS.

Zagabe précise qu’un kilo de haricot est préparé à l’aide de 25 briquettes, soit deux kilos qui reviennent à 400 FC (0,44 dollars) alors qu’il faut un kilo et demi de charbon qui revient à 1.500 FC (environ 1,66 dollar) pour préparer la même quantité de haricot qui est un aliment principal à Bukavu et Goma. C’est «un gain non négligeable alors que le revenu mensuel d’un ménage congolais tourne souvent autour de 30 dollars», souligne Nshombo du réseau ERND.

« Le transport est facile et la cuisson rapide avec une petite quantité de briquettes. Ce système a un avenir ici, surtout que chaque jour, on vient nous sensibiliser sur l’importance du reboisement et sur les conséquences du déboisement », soutient Fathy Chirezi à Nyamugo, un quartier populaire de Bukavu.

Les briquettes ne sont pas aussi calorifiques que le charbon de bois, photo Gorilla.CD

De Mérode promet que dans une année, d’ici le 30 juin 2011, quelque 300.000 personnes auront abandonné l’utilisation du bois de chauffe et du charbon au profit des briquettes biomasse, affirmant que la déforestation du parc ralentira et la pauvreté baissera dans la province du Nord-Kivu où une évaluation a été faite.

«Près de 92 pour cent de makala (braise) produit au Nord-Kivu provient d’arbres abattus dans le parc. Et 20 pour cent de cette aire protégée, c’est-à-dire environ 160.000 hectares, sont déjà détruits par la déforestation illégale et la production du charbon de bois», regrette-t-il.

Le coordonnateur du groupe de travail de la société civile du Sud-Kivu, Climat REDD (Réduction des émissions liées à la déforestation et la dégradation des forêts), Roger Muchuba, souligne à IPS que la déforestation est une réalité dans cette province. Il affirme que cette situation provoque déjà des conséquences néfastes, ajoutant : «Les pluies, qui se sont abattues les fois dernières à Mwenga et à Tubimbi dans le territoire de Walungu, ont emporté des villages et des ponts».

Pour Balemba Balagizi, chargé du programme ‘makala ya sasa’ à l’ICCN, ce projet lutte contre la pauvreté et protège le parc de la déforestation en incitant les populations à utiliser des briquettes biomasse au lieu du bois de chauffe ou de charbon de bois. Des agents de l’ICCN sensibilisent les populations aux questions de la déforestation et des énergies durables.

Le programme recherche également des organisations locales capables de produire des briquettes biomasse. Il leur donne une formation de quatre jours sur la production, le marketing et la vente de briquettes.

«Ce nouveau carburant présente l’avantage d’être une source d’énergie durable, écologique et bon marché. Le coût de production est bas. Les matières premières sont abondantes, et les briquettes fournissent 70 pour cent d’énergie en plus par rapport au makala», affirme Balemba à IPS.

Commerce de charbon de bois, photo Frédéric Douard

Mais, certains vendeurs qui vivent de la coupe des arbres réagissent : «Nous n’avons que ce seul travail depuis nos ancêtres; c’est notre vie. Qu’allons-nous devenir?», demandent-ils. Jean Mirindi, qui a fait sa petite fortune dans le bois et le charbon, s’entête et veut à tout prix persévérer dans la coupe. «Ce pays a une forêt interminable; rien ne peut nous arrêter. Qu’on s’occupe d’abord des autres secteurs clés et qu’on nous laisse tranquilles», dit-il à IPS. Il faudra du temps pour faire comprendre à ceux qui doutent encore des désastres de la déforestation sur leur vie et celle des autres, reconnaissent les agents de l’ICCN. (2010)

Frédéric Douard, Bioénergie International

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