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Les petites chaufferies à bois ont-elles à craindre les grandes ?

Article paru dans le Bioénergie International n°33 de septembre – octobre 2014

La centrale de Rennes Sud avec ses 120 000 tonnes de bois par an, fait partie des grands consomateurs, photo Frédéric Douard

La centrale de Rennes Sud avec ses 120 000 tonnes de bois par an, fait partie des grands consomateurs, photo Frédéric Douard

Depuis quelques années en France, avec l’arrivée de projets de centrales et de chaufferies à bois un peu plus grosses qu’avant, des promoteurs peu habitués à ces échelles de travail, mais aussi des utilisateurs de petites chaufferies collectives à bois se posent des questions quant à l’avenir de leur approvisionnement en bois. Essayons d’analyser les situations qui sont au nombre de trois.

Les petites chaufferies (<1 MW, < 1000 t/an)

Les chiffres bilans des plans bois-énergie publiés par l’ADEME depuis plusieurs années montrent très clairement que les 10 à 20% de chaufferies les plus importantes, consomment 80% du bois déchiqueté. Pourtant, cela n’a jamais posé de problème jusqu’ici, et ne devrait logiquement pas en poser pour les petites chaufferies. La raison en est simple : le marché des grandes chaufferies est différent, avec des cahiers des charges différents, des produits différents à des prix différents. Les grandes chaufferies consomment des produits plus grossiers et plus humides, alors que les petites se concentrent sur des produits calibrés et plus secs. Par ailleurs, chaque petite chaufferie, consommant infiniment moins qu’une grosse, peut se servir très localement et bénéficier d’un pouvoir d’achat accru par rapport aux grandes chaufferies, qui ont des contraintes économiques bien plus fortes à la base et qui sont pénalisées à l’achat par des charges de transport plus élevées.

Les chaufferies moyennes (1 à 30 MW, 1000 à 100 000 t/an)

Ce sont les consommateurs qui pourraient effectivement souffrir d’une concurrence d’usage de la part de nouveaux gros consommateurs car ils utilisent aujourd’hui les mêmes produits. Leur avantage reste cependant d’avoir un rayon d’approvisionnement plus petit que les gros consommateurs et de pouvoir acheter le bois plus cher. Les concurrences à venir devraient donc logiquement orienter un peu plus les approvisionnements de ces consommateurs moyens vers des produits, toujours humides, mais de bonne qualité comme la plaquette forestière, et donc un peu plus chers qu’aujourd’hui SAUF si la ressource régionale n’est pas complètement exploitée, ce qui est le cas dans presque toutes les régions de France, car il reste en France de grandes quantités de bois à mobiliser en forêt avant de faire monter les prix : lire à ce propos notre article sur la stratégie d’approvisionnement de la centrale de Gardanne.

Les grandes chaufferies ou centrales (> 30 MW, > 100 000 t/an)

Il est incontestable que, si deux gros consommateurs de bois, implantés si proche l’un de l’autre, que leurs rayons d’approvisionnement se chevauchent fortement, une tension va se créer. Il n’y a dans ce cas que deux parades possible :

  1. que les plans d’approvisionnements acceptés par les autorités prévoient précisément de résoudre le problème avec des mesures de mobilisation supplémentaires (encore une fois, lire notre article sur Gardanne).
  2. le recours à l’importation avec toutes ses limites en terme de contrôle environnemental et en terme d’avantages pour le pays.

De notre avis, la première solution qui doit être privilégiée, est d’autant plus crédible qu’en France, la collecte de bois est encore bien loin de l’accroissement biologique, ce qui veut dire que tous les efforts mis en œuvre pour mobiliser des nouveaux bois et éviter les tensions sur les prix ont de grandes chances de succès pour encore très longtemps. N’oublions pas que la récolte forestière française de bois n’a quasiment pas évoluée depuis 1992 et que nous ne sommes clairement pas dans ce pays dans une situation de pénurie. Si tension on imagine qu’il puisse y avoir, c’est soit par méconnaissance du sujet, soit parce que les efforts de nouvelle mobilisation n’ont pas été fournis et qu’on arrive sur un marché sans préparation.

Frédéric Douard