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Les coopératives forestières françaises mobilisées sur le bois-énergie

Article paru dans le Bioénergie International n°33 de septembre – octobre 2014

Débardage au porteur, F&BE, photo GCF et ses coopératives adhérentes

Le développement de la biomasse passe par une augmentation des prélèvements de bois en forêt. Les coopératives forestières développent depuis 15 ans leur production de plaquettes forestières. Retour sur leur implication au sein de cette filière et sur l’opportunité qu’elle représente pour la sylviculture.

Des producteurs rassemblés

Les coopératives forestières regroupent des propriétaires forestiers sylviculteurs, dans le but de mettre en commun leurs ressources. Leur objectif est d’optimiser et d’améliorer la gestion forestière afin de valoriser un maximum les forêts des adhérents. Les activités des coopératives sont : gestion et expertise forestière, travaux sylvicoles et reboisements, pépinières, accès à la certification, approvisionnement des industries du bois, recherche et développement.

La coopération forestière en France : 112 000 propriétaires adhérents ; 2 millions d’ha de forêt gérés ; 900 salariés ; 5000 emplois indirects ; 350 M€ de chiffre d’affaires ; 7 Mm³ de bois mobilisés par an.

Camion à fond mouvant UNISYLVA & FORET ENERGIE, photo GCF et ses coopératives adhérentes

Le Groupe Coopération Forestière (GCF) est l’opérateur économique de la coopération forestière. À travers lui, huit coopératives sont aujourd’hui engagées dans la production de bois énergie : Alliance Forêts Bois, CFBL, Coforêt, Coforouest, Forêts & Bois de l’Est, Nord Seine Forêt, Provence Forêt et Unisylva. Véritable « réseau d’experts », les Responsables Bois Energie Locaux de ces coopératives couvrent l’ensemble du territoire national pour répondre aux exigences techniques et d’organisation du marché (échanges d’expériences et de savoir-faire).

Premier producteur groupé de plaquettes forestières en France

Les coopératives de GCF, avec quinze ans d’expérience, assurent 30 % du marché national :

  • 2013 : 440 000 tonnes de bois énergie dont 400 000 tonnes de plaquettes forestières soit 1,3 million de MWh (+35% par rapport à 2012) soit l’équivalent en chauffage d’une ville de 95 000 habitants.
  • 2014 : prévision de 1,6 million de MWh

Déchiquetage sur plateforme, AFB, photo GCF et ses coopératives adhérentes

Le GCF a analysé que la part des plaquettes forestières devrait être multipliée par 2.5 avec une prévision de 4,5 Mt/an en 2016, soit ~ 40% du bois-énergie attendu en France. 75% de la consommation devrait être alors concentrée sur des installations de plus de 25 000 t/an. Les approvisionnements devront donc être pérennes (durables) et de qualité, sur toute l’année. Compte tenu des enjeux, l’amont de la filière (détenteurs de ressources et producteurs) doit être mobilisé. Le rassemblement des propriétaires au sein des coopératives de GCF fait écho à cette mobilisation.

Les plaquettes forestières : une opportunité pour la sylviculture

Chantier d’abattage a la cisaille, F&BE, photo GCF et ses coopératives adhérentes

L’objectif des coopératives est de valoriser des bois qui ne le sont pas actuellement, à proximité des producteurs. La production de plaquettes forestières est en effet une réelle opportunité pour la propriété forestière :

1) Tout d’abord, elle permet d’apporter des solutions supplémentaires aux propriétaires forestiers :

  • en réalisant des opérations dont les produits ne trouvent pas de débouchés où seraient trop onéreux à façonner (dépressages, ouvertures de cloisonnements, éclaircies pré-commerciales, préparation des reboisements…) ;
  • en ayant un débouché supplémentaire et complémentaire permettant d’optimiser les chantiers (purges, coupes sanitaires, rémanents).

2) De plus, cette production de plaquettes forestières permet de répondre et de s’adapter à un marché en développement.

La production de plaquettes forestières ne doit pas « détourner » de la matière ni déstabiliser les équilibres en place dans la filière. Les industries (panneaux et papier) constituent des clients indispensables à la filière bois. Le bois énergie est une opportunité pour dynamiser la sylviculture à moindre coût et améliorer la qualité, la production et la rentabilité des forêts.

Étude de cas dans un massif forestier privé de 95 ha en Franche-Comté par Forêt et Bois de l’Est

  • Forêt feuillue pauvre à très pauvre en taillis sous futaie médiocres de charmes avec réserves disséminées de chêne
  • 27% de la surface a été transformée (coupe rase suivie d’un reboisement) dans les années 80
  • Après une première phase d’investissement dynamique, les propriétaires ont négligé les entretiens nécessaires
  • Un nouveau propriétaire souhaite la remise en production de la totalité de la surface
    => trois problématiques ont pu être gérées dans des conditions économiques soutenables grâce au bois énergie.

Problématique n°1 : Nettoiement de peuplements artificiels résineux en déficit d’entretien (exploitation des essences feuillues pionnières envahissantes, gênant le développement des résineux introduits)

  • Avant la solution bois-énergie : essais de nettoiement manuel avec des moyens traditionnels pour un coût de revient de 1 000 €/ha. Coût jugé insoutenable par le propriétaire qui n’avait pas les moyens d’investissement qui auraient de plus été réalisés à perte (retour sur investissement insuffisant).
  • Avec la solution bois-énergie : récolte mécanisée des menus bois envahissants et valorisation en bois énergie : revenu net de 200 €/ha au propriétaire.

L’opération se poursuit actuellement sur l’ensemble des 10 ha.

  • quantités : 100 t/ha dont moins de 10% auraient répondu aux cahiers des charges des industries panneautière ou papetière (sachant qu’aucune solution économiquement viable n’avait jusque là permis de les récolter).

    Ouverture de cloisonnement par UNISYLVA, photo GCF et ses coopératives adhérentes

Problématique n°2 : Ouverture de cloisonnements et nettoiement de peuplements artificiels feuillus (mise en lumière des tiges de feuillus plantées)

  • Avant la solution bois-énergie : essais de travaux manuels traditionnels pour des coûts de revient entre 1 000 et 1500 €/ha selon les zones. Le propriétaire a donc abandonné cette solution qu’il n’avait pas les moyens de réaliser et qu’il n’aurait jamais pu rentabiliser.
  • Avec la solution bois-énergie :
  • 5 ha ont été réalisés permettant un revenu net de 100 €/ha au propriétaire. 5 autres ha sont en cours de réalisation.
  • La totalité des produits était impropre aux usages industriels

Problématique n°3 : Coupe rase de taillis sous futaie médiocre et préparation au reboisement

Surface traitée de 19 ha comportant environ 300 T/ha de biomasse dont 20 tonnes de bois d’œuvre, 150 tonnes de bois d’industrie et 130 tonnes de bois-énergie.

Avant la solution bois-énergie : deux solutions existaient traditionnellement :

Exploitation manuelle du bois d’œuvre et du bois d’industrie avec abandon de tous les rémanents sur coupe (~ 90 t/ha) ; broyage des rémanents pour un coût de 1800 €/ha. Revenu hors bois d’œuvre estimé à 1900 €/ha.

Exploitation du bois de chauffage par des affouagistes (particuliers achetant du bois de chauffage sur pied pour leur autoconsommation) et du bois d’œuvre de façon traditionnelle ; revenu hors bois d’œuvre estimé à 2500 € sans coût de préparation ; inconvénient : durée de l’exploitation estimée à dix années compte tenu des volumes en cause, de l’offre disponible dans la région et du niveau de la demande

Avec la solution bois-énergie :

  • L’opération est réalisée en trois temps : exploitation des menus bois à la cisaille, exploitation du bois d’industrie à l’abatteuse traditionnelle et exploitation du bois d’œuvre de façon manuelle
  • Revenu hors bois d’œuvre de 2300 €/ha (sans coût de préparation du reboisement).
  • Le conflit d’usage théorique dans ce cas porte sur 40 T/ha, soit 14% des volumes totaux hors bois d’œuvre. Dans les faits, cette concurrence n’existe pas puisque la solution bois industrie traditionnelle n’est pas économiquement viable.

Commentaires et éléments complémentaires

Ce cas est particulier mais couramment répandu dans les forêts privées des régions du Nord-Est de la France.

F&BE produit 100 000 tonnes de plaquettes forestières dont plus de 85% proviennent de ressources du même type. Les perspectives à 2016 sont de monter la production à 150 000 tonnes avec les mêmes proportions. Il est à noter que la montée en puissance du bois énergie pour la coopérative ne s’est pas fait au détriment de sa production de bois industrie qui reste stable.

Stock en essuyage, F&BE, photo GCF et ses coopératives adhérentes

La coopérative estime à environ 400 000 tonnes par région (Lorraine, Franche-Comté, Champagne-Ardenne) et par an les quantités raisonnablement disponibles dans ce type de ressources. Pour les capter, des accompagnements sont nécessaires pour vulgariser ces nouvelles méthodes de récolte, développer la desserte des forêts et favoriser le regroupement des propriétaires privés.

Valorisation énergétique des souches de pin maritime par Alliance Forêts Bois

CAFSA et ensuite ALLIANCE FORETS BOIS travaillent depuis 2006 sur la valorisation énergétique des souches de pin maritime dans le massif landais.

Chargement de souches de pin maritimes par AFB, photo GCF et ses coopératives adhérentes

Cette initiative relève d’une réflexion commune de la coopérative et de certains industriels papetiers (Smurfit Kappa et Tembec) souhaitant diversifier les approvisionnements de leurs nouvelles unités de cogénération. La tempête Klaus de 2009 est venue confirmer tout l’intérêt de ce projet, cette ressource étant devenue stratégique et indispensable pour assurer les besoins en biomasse de la région.

Souches de pin maritimes avant transport, AFB, photo GCF et ses coopératives adhérentes

Récolte de souches de pin maritimes, AFB, photo GCF et ses coopératives adhérentes

Le processus de production de cette valorisation est composé des phases suivantes :

  • extraction et fragmentation : permettant de diminuer le foisonnement des souches et d’améliorer le dessablage et séchage ;
  • stockage de quelques mois sur parcelle : nettoyage et séchage ;
  • débardage avec des engins adaptés pour pouvoir permettre l’évacuation du sable ;
  • broyage : qui peut avoir lieu en bord de route ou sur plateforme industrielle.

Il s’agit d’un processus complexe qui doit rentrer dans une logique économique tout en répondant au cahier de charges des unités industrielles (taux de sable). Avec un potentiel de mobilisation d’environ 200 000 t/an cette nouvelle ressource engendre des retombées intéressantes pour la propriété forestière :

  • débouchés supplémentaires,
  • diminution des coûts de reboisement
  • diminution de certains risques sanitaires.

Valorisation de houppiers suite à une coupe rase de peupliers par Provence Forêt et Coforêt à Manosque

Objectif du propriétaire : Valoriser la totalité de sa ressource bois et faciliter les opérations de reboisement

Objectifs des coopératives : Valoriser au mieux la ressource bois de son adhérent, récolter et valoriser du « bois plus »

Récolte des houppiers de peupliers à Manosque par Provence Foret, photo GCF et ses coopératives adhérentes

L’opération a été menée conjointement par deux coopératives :

  • Coforêt s’est chargé de l’exploitation des bois, de la commercialisation du bois d’œuvre qualité déroulage et de la mise bord de route des houppiers de peupliers.
  • abattage : manuel, permettant ainsi un tri du bois d’œuvre de manière efficace.
  • débardage des billons et des houppiers : par porteur.
  • Provence Forêt s’est chargé du déchiquetage des houppiers et de l’évacuation de la plaquette forestière sur ses marchés industriels locaux.
  • 760 m³ de bois d’œuvre et 418 tonnes de plaquettes forestières ont été produites (~3 ha).
  • Compte tenu de la difficulté à valoriser la trituration de peuplier dans ce secteur, le choix a été fait de laisser ce produit dans les houppiers. Il n’y a pas de concurrence, dans ce cas, entre le produit trituration et le produit plaquette forestière. De plus, nous apportons un avantage technique et financier au reboisement de ce terrain en évitant, au propriétaire, un traitement des rémanents par broyage d’un coût de 1000 à 1200 € HT/ha.

Déchiquetage par Provence Foret, photo GCF et ses coopératives adhérentes

Compte tenu de la demande à venir en matière de plaquettes forestières industrielles, la coopérative Provence Forêt estime que ce nouveau débouché permettra une plus grande souplesse technique et financière en matière d’intervention sylvicole et de valorisation de bois ayant des difficultés à trouver des débouchés (éclaircies pré-commerciales, traitement des houppiers, etc…), . Le contexte incendie de forêt, présent sur la partie littorale de la région, couplé à la baisse de financements publics pour la réalisation de travaux de Défense des Forêts Contre les Incendies (DFCI) nous amène à appréhender de manière différente le traitement des rémanents à l’issue des interventions dans les zones sensibles au risque incendie.

Objectif : sécuriser les approvisionnements

Test de récolte de cultures dédiées dans le cadre de MECAFORBIO, photo GCF et ses coopératives adhérentes

Les coopératives gèrent un peu plus de deux millions d’hectares de forêts privées ce qui leur permet d’avoir une visibilité du bois-énergie effectivement mobilisable. Les approvisionnements mis en place reposent principalement sur des programmes de travaux et de coupes précis. Grâce à ce lien étroit avec la ressource et à leur expérience auprès des industriels de la première transformation du bois (6,6 millions de m³ commercialisés en 2013), les coopératives s’engagent aujourd’hui sur des contrats d’approvisionnement pluriannuels.

Implantées au niveau local, les coopératives de GCF maîtrisent la totalité des prestations de récolte et de logistique, des sites de production jusqu’aux sites de consommation. Pour cela, elles ont acquis au cours des dernières années du matériel (cinq déchiqueteuses, une trentaine d’abatteuses et cisailles, 25 porteurs). Pour autant, la majorité des opérations bois énergie qu’elles mettent en œuvre chaque année est réalisée grâce à des prestataires dédiés. Plusieurs coopératives développent ainsi des contrats de prestation de 3 à 5 ans avec les entrepreneurs de travaux forestiers afin de garantir l’investissement dans du matériel adapté et la bonne réalisation des prestations dans le temps. Désormais, un tissu d’une soixante d’entreprises travaille aux côtés de GCF spécifiquement pour la production de plaquettes forestières.

Investies dans des projets de recherche et développement (i.e. : MECABIOFOR, projet ANR BIOE sur la mécanisation et l’optimisation des techniques de production et d’exploitation de biomasse forestière issue des cultures dédiées ou semi-dédiées), les coopératives déploient depuis quelques années des outils de récolte spécifiques, adaptés aux opérations de travaux sylvicoles et à la récolte de « bois plus » (cisailles, disques).

Une obligation : des plaquettes forestières de qualité

La matière première utilisée par les coopératives de GCF étant majoritairement constituée de bois intransportables en l’état (longueur et façonnage des bois), elle doit être déchiquetée directement en forêt. Cette production « direct forêt » est gage de qualité et de compétitivité. Elle permet une traçabilité de l’origine forestière des plaquettes garantissant un produit naturel, non adjuvanté, dénué de corps étrangers (pièces métalliques, plastiques, etc.). De plus, en minimisant les ruptures de charge, cette organisation logistique implique des flux (et frais) de transport réduits et favorise donc les circuits courts. Toutefois, afin de palier les aléas techniques et météorologiques, GCF dispose de 39 plateformes sur toute la France (bâtiments couverts, dalles bétonnées, engins de manutention, étuves…)

La coopération forestière est engagée dans une double démarche de certification depuis 2002. Elle est certifiée ISO 14001 (réduction des impacts négatifs sur l’environnement), PEFC gestion durable des forêts et PEFC chaîne de contrôle (produits forestiers issus directement de forêts gérées durablement ; traçabilité des produits).

Une marque pour les plaquettes forestières de qualité : Forêt Énergie®

Les coopératives de GCF ont crée une marque pour leurs plaquettes forestières : Forêt Énergie®.

Camion FMA F&BE, photo GCF et ses coopératives adhérentes

Cette marque, partagée avec ONF Energie, est née de la volonté des détenteurs de ressources forestières d’apporter une solution efficace et pérenne en matière d’approvisionnement en plaquettes forestières. Leurs engagements :

  • Rassembler les producteurs forestiers
  • Mobiliser un produit issu de la sylviculture
  • Sécuriser les approvisionnements avec des plaquettes forestières de qualité

Sophie Pitocchi, Coordinatrice nationale bois-énergie du Groupe Coopération Forestière – sophie.pitocchi@ucff.asso.fr – www.gcf-coop.frlescooperativesforestieres.fr