Doubler les bénéfices du beurre de karité en valorisant les coques en énergie
Au Burkina Faso, le karité est exploité par les femmes selon un procédé qui requiert beaucoup de main d’œuvre et d’énergie, constituant ainsi un frein en termes de productivité. Les chercheurs du Cirad viennent de montrer que l’introduction de nouvelles pratiques permet d’améliorer considérablement la performance économique de cette activité. Notamment, en utilisant pour combustible les coques de noix de karité, les boues de barattage du beurre et un peu de butane plutôt que du bois, les productrices peuvent considérablement augmenter leurs bénéfices tout en réduisant l’impact de leur activité sur l’environnement. L’utilisation de ces sources d’énergie alternatives permet de quasiment doubler le bénéfice obtenu par kilo de beurre de karité produit. Sur le plan environnemental, ce sont près de 900 hectares de forêts qui pourraient être ainsi épargnés dans la région de l’est du Burkina Faso.
Au Burkina Faso comme dans les autres pays d’Afrique subsaharienne, le beurre de karité est exploité pour le marché domestique et l’exportation. Son extraction à partir de l’amande des fruits est réalisée par les femmes selon une méthode qui demande beaucoup de main-d’œuvre et d’énergie.
C’est une filière traditionnelle, qui obéit peu à des critères économiques (fort rôle social de l’activité, utilisation de ressources domestiques non marchandes…), mais doit malgré tout faire preuve de compétitivité pour générer des revenus. Pour l’insérer dans un marché concurrentiel, il n’est pas question de moderniser et de mécaniser les processus de production en imposant des technologies difficilement appropriables par les productrices, mais plutôt d’améliorer l’efficacité des procédés traditionnels.
Les chercheurs du Cirad s’intéressent à cette filière depuis plusieurs années. De 2009 à 2011, ils ont réalisé, dans le cadre d’une collaboration avec l’agence de coopération du Danemark, le groupe Cowi et le Secrétariat permanent de la Coordination des politiques sectorielles agricoles du Burkina Faso, une expertise pour soutenir l’élaboration de stratégies concernant, entre autres, cette filière. Ils ont ainsi pu identifier le potentiel d’amélioration de sa performance économique à partir de modifications simples dans la façon dont les productrices utilisent l’énergie, essentiellement le bois de feu.
Pour évaluer ce potentiel, ils ont, en 2012-2013, mené des recherches avec l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2iE) basé à Ouagadougou.
Mieux utiliser l’énergie pour améliorer de façon durable la productivité
Leur étude s’appuie sur un travail d’enquête et d’observation des pratiques traditionnelles de plusieurs groupements de femmes cueilleuses de fruits de karité et productrices de beurre dans plusieurs villages de la région est du Burkina Faso. Elle a permis de mesurer précisément les flux énergétiques et financiers occasionnés par les processus de production actuels ainsi que les prélèvements sur l’environnement.
Elle a aussi permis de simuler l’introduction de nouvelles techniques (foyer amélioré en banco et séchoir coquillage pour la stabilisation et le séchage des fruits lors de la collecte, foyer amélioré métallique et torréfacteur à gaz butane pour la transformation) et de nouvelles pratiques (utilisation des coques et des boues de barattage comme combustibles) selon plusieurs scénarios combinant ces propositions.
Les chercheurs ont, tout d’abord, réalisé une analyse de l’efficience énergétique des différentes étapes qui composent la filière : cuisson des noix, lavage puis torréfaction des amandes, séparation puis séchage et clarification du beurre. Ils se sont aperçus que ces activités produisent beaucoup de déchets organiques utilisables comme combustibles. En valorisant ces déchets grâce à des techniques énergétiques alternatives, simples et disponibles localement, les productrices peuvent utiliser moins d’énergie, améliorer leurs revenus et participer à la conservation des ressources naturelles.
Des bénéfices appréciables pour les productrices
Pour produire 1 kilo de beurre, il faut actuellement 7,9 kilos de bois de feu. En combinant les alternatives proposées, les productrices peuvent complètement se passer de bois en utilisant comme combustibles les coques, les boues de barattage séchées et un peu de butane (pour l’étape de torréfaction). Elles réduisent ainsi considérablement la pénibilité de leur travail et voient leurs bénéfices passer de 47 à 83 FCFA par kilo de fruit traité, et de 239 à 343 FCFA par kilo d’amandes transformées en beurre. Au total, le coût de l’énergie chute de 31 % à 6 % du coût de production du beurre.
Ces travaux se sont limités à mesurer l’intérêt d’utiliser autrement l’énergie pour produire à moindre coût et augmenter les revenus. Mais il est certain qu’une meilleure maîtrise des étapes énergivores se traduit par une amélioration de la qualité des amandes et du beurre avec un effet positif sur les prix de vente et donc aussi sur les revenus.
Une réduction de l’impact environnemental
Sur le plan environnemental, le bénéfice est de l’ordre 898 hectares de forêt épargnée dans la région de l’est du Burkina Faso, soit 60 kilotonnes d’équivalents CO2 évités, pour une production annuelle de 2 706 tonnes de beurre.
On peut aussi s’attendre à une amélioration de la santé des populations, moins exposées aux fumées des fours traditionnels.
Des équipements simples, fabriqués localement et peu coûteux
Même si les chercheurs n’ont pas testé l’acceptabilité par les productrices de toutes les techniques et pratiques proposées, ils ont veillé à proposer du matériel simple, qui peut être fabriqué localement et promu par les programmes de développement. L’ensemble des équipements coûte au maximum 100 000 FCFA, et les groupements de femmes peuvent l’acquérir progressivement, en fonction de leurs disponibilités financières.
Pour conclure, les chercheurs estiment que, pour faciliter l’appropriation des changements proposés par les productrices, il est indispensable de respecter trois conditions : préserver la nature sociale du travail collectif, proposer un saut technique modéré, s’assurer de la connaissance et de la disponibilité locales de l’équipement recommandé.
Outre l’amélioration de la compétitivité de la filière, leurs résultats pourraient s’avérer utiles pour mettre en place un projet « crédit carbone » dans le cadre d’une politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Les propositions issues de ces recherches concernent le karité dans le contexte du Burkina Faso, mais d’autres filières peuvent bénéficier d’une amélioration de l’efficacité énergétique, comme l’anacarde, l’arachide ou la mangue séchée.
- Joël Blin, Ouagadougou, Burkina Faso, joel.blin@cirad.fr
- Marie-Hélène Dabat, Montpellier, France, marie-helene.dabat@cirad.fr
Je suis un Ingénieur des Eaux et Forêts. J’ai d’abord travaillé au compte des privés avant d’intégrer la fonction publique en 2012. Cela fait quelque temps que je reçois gratuitement vos publications avec la diversité de thèmes traités et de résultats obtenus. Je peux vous dire que vous faites un énorme travail dans la préservation de l’environnement. je vous en félicite infiniment.
Par rapport à l’utilisation des coques d’amandes de karité comme combustible, je crois que cette innovation des chercheurs est une bonne chose; au regard de toute cette quantité de forêts que cela permet d’épargner.
je voudrai vous dire que déjà ici au Mali à Ségou dans la même veine, nous avons réfléchi à comment utiliser les résidus de transformation des amandes de karité et avec une unité de transformation du beurre de karité nommé UPROBEK qui utilise la presse; nous utilisons rarement le bois comme combustible.
Après l’étape l’extraction du beurre, le tourteau (nous l’appelons comme ça, on ne sait pas si ça correspond) est récupéré puis séché au soleil. on l’utilise comme combustible à la place du bois et on le transforme en charbon pour d’autres usages.
Je crois qu’en plus des coques, les acteurs de cette filière s’ils sont bien formés peuvent se passer du bois comme combustible nous donnant inopportunité de sauver beaucoup de superficie de nos forêts.