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Non-sens : la France va taxer le CO₂ des énergies renouvelables issues de la biomasse

Marche-t-on sur la tête en France en taxant le CO2 renouvelable ?

Marche-t-on sur la tête en France en taxant le CO2 renouvelable ?

Au cours de la nouvelle lecture du projet de Loi de finances pour 2014, l’Assemblée nationale, suivant l’avis du gouvernement et du rapporteur de la Commission des finances, a refusé de sortir le CO2 des énergies renouvelables produites à partir de biomasse du périmètre de la Contribution Climat Energie. Cette orientation est inacceptable et incompréhensible : elle constitue un non-sens du point de vue de la fiscalité écologique et est totalement incohérente vis-à-vis de la réglementation européenne en vigueur.

Depuis plusieurs mois, les filières françaises des biocarburants et plus généralement les acteurs du secteur des bioénergies s’alarment du contenu du projet de Contribution Climat Energie (CCE) prévu pour s’appliquer à partir de 2014. En effet, la CCE s’appliquera uniformément à toutes les énergies soumises à la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques (TICPE), qu’elles soient d’origine fossile ou renouvelable. Cela signifie que les biocarburants et le biométhane se verront appliquer la CCE dès 2014, même si le montant de la TICPE des carburants ne changera pas en 2014, l’augmentation due à la CCE étant visible à partir de 2015.

Or, la Contribution Climat Energie est bien une « taxe carbone ». L’exposé des motifs relatif à l’article 20 du projet de loi de finances pour 2014 (PLF) explique que l’augmentation progressive de la TICPE est directement reliée au contenu en CO2 des produits énergétiques (« Le tarif de l’impôt sera fixé pour chaque produit de manière à tenir compte de son impact sur l’effet de serre, en intégrant la valeur du CO2 contenu dans le produit ») et à une valeur croissante de la tonne de carbone entre 2014 et 2016. L’objectif de cette taxe est donc bien de réduire les émissions de CO2 pour lutter contre le changement climatique.

Dans ce contexte, la non différenciation entre l’origine fossile ou renouvelable du CO2 contredit les directives et la réglementation européennes en vigueur en la matière : en effet, l’un des principes fondamentaux du paquet énergie climat, adopté sous la présidence française en 2008, et de la directive européenne de 2003 sur le système communautaire d’échange de quota carbone (ETS) est précisément que la biomasse et toutes les bioénergies qui en sont issues (dont les biocarburants et le biométhane) ont un facteur d’émission de CO2 égal à zéro. En effet, le CO2 issu de leur combustion a été préalablement intégralement absorbé par les plantes pour leur croissance. Ainsi, le CO2 émis par la combustion des bioénergies n’augmente pas l’effet de serre et doit donc être retiré du calcul de la CCE.

En outre, le texte du PLF prévoit expressément que les installations soumises au système communautaire d’échange de quotas d’émissions (ETS), destiné aux industries les plus émettrices en CO2, seront exonérées de cette Contribution Climat Energie. Cela est complètement justifié pour éviter une double pénalisation de ces émissions. Or, dans ce système qui vise à réduire les émissions de CO2 fossile des industries, les bioénergies sont l’un des moyens utilisés car leurs émissions de carbone lors de la combustion sont comptées comme nulles. Elles doivent donc être exonérées du dispositif Contribution Climat Energie.

Enfin, le principe d’exonération de taxation carbone sur les énergies renouvelables issues de la biomasse est repris par la Commission européenne dans sa proposition de révision de la directive sur la taxation des énergies, qui est soutenue par la France et dont, selon l’exposé des motifs du PLF,  « ce dispositif s’inspire ».

Appliquer la Contribution Climat-Energie aux biocarburants et au biométhane revient à ignorer le caractère renouvelable de ces énergies produites à partir de la biomasse. C’est en contradiction avec toutes les politiques de l’Etat visant à valoriser le caractère renouvelable de la biomasse et de son carbone dans les bioénergies et la chimie du végétal. Nous appelons donc le gouvernement et les parlementaires à rectifier cette grave erreur.